En ce qui concerne les fraudes sanitaires au niveau international, la situation s'est améliorée dans les dispositifs de contrôle. La coopération en Europe au sein des administrations des douanes, le rôle que peut jouer également l'administration mondiale des douanes, fait que nous sommes alertés immédiatement dès que des détections sont effectuées par des administrations douanières dans un autre État. Dès qu'il reçoit une alerte, le bureau prohibition gère les crises, notamment sanitaires. Il transmet immédiatement l'information dans notre intranet douanier. Pour ma part, je mets aussitôt en place les dispositifs de contrôle dans notre système informatique de déclaration aux douanes, le système Delta. Je mets alors en place des profils de contrôle qui vont déclencher systématiquement le contrôle d'un certain nombre de déclarations aux douanes qui remplissent les critères qui peuvent correspondre à l'alerte, ce qui fait que l'on peut basculer sur du 100 % de contrôle dans des situations d'alerte maximale : toutes les déclarations aux douanes qui sont susceptibles de remplir le profil vont être alors forcément contrôlées.
Dans le domaine sanitaire, il existe un double contrôle des flux internationaux de marchandises : le contrôle d'une autorité sanitaire puis le contrôle d'une autorité douanière. Néanmoins, cela ne signifie pas qu'il n'y a pas de fraudes. Lorsque nous avons connu la prohibition en matière aviaire avec la Chine, nous avons eu des cas de fraudes. Nous avions constaté rapidement que des volailles chinoises étaient vendues sur le marché à Paris. Nous avons immédiatement déclenché notre système d'alerte dans la mesure où il y avait un produit prohibé qui avait déjà passé nos frontières et se trouvait dans nos rues. Il fallait identifier la filière d'entrée. Grâce à l'alerte que nous avons pu donner et aux éléments que nous avons transmis, ce sont nos collègues belges qui ont mis à jour chez eux la filière, puisque des entreprises françaises dédouanaient à Anvers. Comment dédouanaient-elles pour éviter tous les contrôles sanitaires et douaniers ? Elles utilisaient une autre nomenclature douanière. Elles écartaient une nomenclature de viande, a fortiori de volaille de Chine, et utilisaient des nomenclatures de légumes congelés par exemple. Cette technique est redoutable puisque vous éliminez pratiquement tout risque de contrôle, car il s'agit de produits globalement peu contrôlés, tant sur le plan tarifaire que sanitaire.
On voit donc bien que lorsque l'on parle de glissement tarifaire - c'est le terme que nous autres douaniers utilisons pour frauder en basculant d'une nomenclature à une autre -, le fraudeur va probablement ne pas utiliser une nomenclature de viande pour la substituer à une autre nomenclature de viande, puisque il y a là toujours le risque d'avoir un autre contrôle sanitaire puisqu'il s'agit toujours de viande, mais utiliser une nomenclature de légumes à la place de la viande.
En revanche, dès lors que l'on a franchi le premier cordon, et que le produit n'est pas prohibé, ce qui est le cas dans notre affaire, la circulation au sein de l'Union est libre. Il n'y a plus du tout de contrôles aux frontières, même s'il peut y avoir des contrôles à la circulation - nous en avons le pouvoir, et en cas de crises sanitaires, nos services à la circulation sont sensibilisés sur certains types de camions à contrôler.
Si demain une alerte sanitaire grave est lancée, par exemple sur de la viande, il est évident que nous demanderons le renforcement des contrôles sur les camions frigorifiques car on peut y trouver ce type de produits. Cela ne signifiera pas que nous aurons tous les pouvoirs du code des douanes mais nous pourrons effectuer des contrôles à la circulation, immobiliser le véhicule et appeler les services vétérinaires qui pourront intervenir. Notre rôle ne peut en effet aller au-delà de la simple immobilisation de la marchandise. Cela signifie que si les services vétérinaires ne viennent pas, nous devons libérer la marchandise car nous ne pouvons pas la bloquer indéfiniment. Il s'agit là de situations délicates, en particulier à certains endroits et à certaines heures. Si vous immobilisez un camion le week-end ou la nuit, il n'est pas sûr que quelqu'un pourra venir rapidement même si nous pouvons garder le véhicule un certain nombre d'heures. Nous avons donc des pouvoirs qui viennent en complément de ceux que nous avons abordés précédemment et que nous pouvons mettre en oeuvre lorsque se produisent des situations extrêmement sensibles.