Intervention de Gilles Salvat

Mission commune d'information sur la filière viande en France et en Europe — Réunion du 26 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de Mm. Gilles Salvat directeur de la santé animale et franck foures directeur adjoint du service de l'évaluation des risques de l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation de l'environnement et du travail anses

Gilles Salvat, directeur de la santé animale à l'ANSES :

Le risque que présentent les résidus d'antibiotique est extrêmement faible et le problème de l'utilisation des antibiotiques dans les filières animales ne vient pas de la présence de résidus dans les viandes. Dans l'immense majorité des cas, les temps d'attente sont respectés et l'on est en dessous de la limite maximale de résidus (LMR). En tout état de cause, il s'agit d'un épiphénomène et en aucun cas d'un problème de santé publique.

Ce qui nous préoccupe dans l'utilisation des antibiotiques, c'est la sélection de bactéries résistantes chez les animaux, bactéries qui peuvent ensuite servir de porteurs de gènes de résistance chez les humains, soit en contact direct avec les animaux, notamment les animaux domestiques et les animaux d'élevage, soit par la chaîne alimentaire puisque l'on sait que toutes les bactéries ne sont pas détruites par la cuisson. Une contamination croisée par des produits animaux ou par des produits végétaux, pour lesquels ont été utilisés des engrais organiques qui peuvent être eux-mêmes contaminés par des bactéries animales, peut aussi se produire. Nous nous intéressons à la circulation entre les différents maillons de la chaîne alimentaire des facteurs d'antibiorésistance, y compris dans l'environnement, car ils peuvent être transmis par l'eau que nous buvons - et ce, même si l'eau est potable en France - mais aussi par l'eau d'arrosage des légumes, les engrais organiques...

Il s'agit de notre préoccupation majeure. Depuis trois ans, nous organisons une réunion en octobre-novembre à laquelle nous invitons toutes les parties prenantes, les professionnels de l'élevage, les associations de consommateurs et les élus, lors de laquelle nous communiquons nos résultats. Nous possédons deux réseaux, un réseau qui surveille l'antibiorésistance des bactéries pathogènes de l'animal en examinant les résultats de 25 000 antibiogrammes par an et un réseau qui analyse la consommation d'antibiotiques. En comparant les deux, nous regardons si des augmentations de consommation d'antibiotiques sont à l'origine d'augmentations de résistance.

Il y a quatre ans, nous avons commencé à voir des augmentations, que nous avons jugées inquiétantes, de résistances à des antibiotiques critiques, comme les fluoroquinolone et les céphalosporines de troisième génération. Nous les qualifions de « critiques » car ils sont utilisés chez l'homme en avant-dernière intention : c'est ce qu'on appelle les carbapenem. Ils sont utilisés uniquement à l'hôpital et par injection et absolument pas en médecine vétérinaire. Ils sont parfois utilisés en médecine de ville. Ces céphalosporines de troisième génération sont utilisées pour soigner des maladies graves à l'hôpital et la présence de gènes de grande résistance chez les animaux nous a préoccupés parce qu'il nous semblait que le risque était non négligeable de voir apparaître chez l'homme des résistances liées à l'utilisation des antibiotiques dans les élevages. Nous avons alerté nos partenaires des filières animales et des organisations de consommateurs et avant même la mise en place du plan écoantibio du ministère de l'agriculture l'an dernier. La filière porcine a mis en place un moratoire sur ces antibiotiques critiques qui étaient utilisés dans les phases difficiles de la vie des animaux comme le sevrage, où l'on fait passer l'animal de l'alimentation lactée à l'alimentation solide ce qui génère des déséquilibres. Plutôt que d'utiliser des antibiotiques pour réguler ces déséquilibres digestifs, les éleveurs se préoccupent désormais d'utiliser de bonnes méthodes d'élevage et une alimentation mieux équilibrée pour assurer cette transition - le sevrage est une étape critique et beaucoup de précautions doivent être prises. Les résultats sont là : en une année, les céphalosporines ont diminué de 60 %.

Notre rôle à l'ANSES est d'alerter, de conseiller les éleveurs, de leur dire de s'orienter vers d'autres méthodes d'élevage plus respectueuses de l'animal, de diminuer les densités, d'éviter les mélanges d'animaux venant de mères différentes, pour faire en sorte de ne pas mélanger les microbismes. La prise de conscience est aujourd'hui très bonne puisque la diminution des consommations est très nette et se reflète, avec un décalage d'un ou deux ans, dans la diminution de l'antibiorésistance. Ce décalage s'explique par les aptitudes à la survie de certaines bactéries qui résistent mieux que d'autres dans l'environnement. L'antibiorésistance a un coût biologique différent d'une bactérie à l'autre, certaines résistent mieux que d'autres dans l'environnement. Il y a donc un décalage entre la diminution de l'utilisation d'une molécule et la réelle diminution du nombre de bactéries porteuses de gènes de résistance.

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