Je souhaite rappeler notre position sur ce sujet.
La question des instructions individuelles est intéressante au niveau du principe. Mais, lorsqu’il y en a quatre par an, qui sont versées au dossier, comme cela a été rappelé, on ne peut pas dire qu’elles changent véritablement le cours des choses, ni d’ailleurs la position de la Cour européenne des droits de l’homme quant à l’indépendance de notre système judiciaire.
Je vous ai entendu dire, madame la ministre, qu’il fallait que la justice soit indépendante. Alors que vous êtes garde des sceaux depuis plus d’un an, je ne vous ferai pas l’injure de dire qu’elle ne l’est pas...
L’article XVI de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 fixe le principe de la séparation des pouvoirs. Cet équilibre des pouvoirs est selon nous très important. Or vous voulez le modifier de manière importante en confiant au parquet, qu’il s’agisse des procureurs généraux ou des procureurs de la République, un pouvoir d’adaptation reconnu par des dispositions légales.
Recevoir une instruction générale et l’appliquer avec bon sens et professionnalisme, comme c’est le cas la plupart du temps, ce n’est pas la même chose que de se voir reconnaître par la loi la capacité d’adapter ladite instruction !
Cette question soulève plusieurs problèmes, et d’abord celui de la publicité, dont nous avons déjà débattu ici.
Nous considérons pour notre part que, dans l’intérêt de la société et du gouvernement de la République, certaines instructions générales ne doivent pas faire l’objet d’une publicité.
J’en viens à l’objet essentiel de l’article 2, qui est au cœur du dispositif du projet de loi : le pouvoir du parquet.
Vous confiez aux procureurs généraux un pouvoir de précision et d’adaptation de vos instructions générales. Et vous nous dites que vous-même, dans tel ou tel cas, envoyez dans certains territoires des circulaires précisant le contenu de votre politique.
Le présent article dispose donc que chaque procureur général aura, de par la loi, le pouvoir d’adapter vos instructions générales. Mieux encore, dans chaque ressort de tribunal de grande instance, le procureur de la République pourra adapter les instructions adressées par le parquet général.
Nous le savons, la justice est humaine : elle n’est pas toujours parfaite, même si, dans leur immense majorité, les magistrats font bien leur travail. Dans certains cas, la reconnaissance légale de ce pouvoir aura donc des conséquences graves sur la politique pénale de la Nation. Nous ne pouvons pas y souscrire !