Intervention de Yannick Vaugrenard

Délégation sénatoriale à la prospective — Réunion du 16 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Martin Hirsch président de l'agence du service civique et ancien haut-commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté puis à la jeunesse

Photo de Yannick VaugrenardYannick Vaugrenard, rapporteur :

En écoutant vos propos avec un grand intérêt, j'ai repensé à un point qui est ressorti des différentes auditions que j'ai pu mener depuis maintenant deux mois, à savoir l'impérieuse nécessité de l'évaluation. C'est vrai pour l'ensemble des politiques publiques, et plus particulièrement des politiques sociales.

Or je mesure combien cette ambition peut parfois gêner, déranger, notamment lorsqu'il s'agit d'évaluer le travail fait par des bénévoles. Notre pays compte 200 000 « petites ONG », autant d'associations qui oeuvrent dans le domaine de l'action sociale. Pourquoi serait-il choquant de vouloir, à partir de comptes rendus d'expériences, prendre des conseils chez les uns et les autres qui pourraient permettre d'être plus efficaces ? C'est pourtant un pas que certains hésitent à franchir ; peut-être en raison du sentiment diffus qu'il ne serait pas moralement concevable d'agir de la sorte avec des gens qui prennent de leur temps pour être disponibles au service des plus défavorisés.

À mon sens, une telle évaluation est absolument indispensable, indépendamment, bien entendu, de celle, plus globale, des politiques publiques.

À la fin de votre intervention, vous avez évoqué les relations entre les différents acteurs. Je ferai un parallèle avec les contrats de projet, ceux qui ont succédé aux contrats de plan - lesquels seront peut-être d'ailleurs prochainement relancés -, car aucune contractualisation de ce type n'a jamais été engagée dans le domaine de l'aide sociale.

Les responsables politiques et économiques sont toujours très à l'aise pour parler grandes infrastructures, recherche, innovation, soit autant d'enjeux bien entendu très importants pour penser l'avenir. Cependant, même le nez dans le guidon, il devrait être possible de faire ce travail de prévision lorsqu'il s'agit de pauvreté.

J'entends bien ce que vous dites sur la décentralisation, mais il m'est difficile d'admettre que les publics défavorisés puissent être traités différemment dans notre société, selon leur département de résidence. Pour régler les différentes problématiques, n'y aurait-il pas moyen d'élaborer des contrats de projet d'une durée de trois, quatre, cinq ans, concernant l'aide sociale et les différents aspects sociaux sur l'ensemble des départements ? Ils ne se substitueraient en rien aux expérimentations mises en oeuvre. Bien au contraire, ils permettraient d'assurer un minimum d'unicité, pour associer chacun dans des objectifs communs, fixés collectivement dans un cadre national, où l'ensemble des départements seraient liés à l'État par un système de conventions.

En matière de pauvreté, d'extrême pauvreté, il y a urgence, particulièrement au niveau des publics jeunes. Nombreux sont ceux qui, parmi ces derniers, choisissent de se débrouiller tout seuls : ils ne veulent plus entendre parler de lourdeurs administratives, de dispositifs trop compliqués et qui leur donnent le sentiment d'être stigmatisés, montrés du doigt. S'ils abandonnent, c'est aussi parce que, souvent, à Pôle emploi, à la caisse d'allocations familiales, au bureau d'aide sociale de la commune, leurs interlocuteurs respectifs se renvoient la balle. N'y aurait-il pas intérêt à poser le principe d'un travailleur social référent pour chaque personne en grande difficulté, chargé de débroussailler, sur le plan administratif, les aides dont cette dernière est susceptible de bénéficier ?

Lorsque vous avez évoqué un équilibre à trouver entre professionnels et bénévoles, j'ai pensé à la situation du Samu social de Paris. Le Samu social n'est composé que de professionnels, six cent cinquante en tout, dont une centaine affectée aux maraudes. Parallèlement, ces professionnels travaillent avec des bénévoles, notamment de la Croix-Rouge et de la Croix-Blanche. Pourquoi ce qui se fait au niveau du Samu social ne pourrait-il s'envisager dans d'autres domaines, sachant effectivement que la puissance publique ne sera pas éternellement en mesure de créer des emplois ?

Pour finir, je voulais avoir votre sentiment, même si je le connais un petit peu, sur les allocations familiales. Dans notre pays, les allocations familiales ne commencent à être versées qu'à partir du deuxième enfant. Or, avant d'en faire un deuxième, il faut déjà en faire un premier ! Il arrive, malheureusement, qu'entre-temps le ménage se délite : force est de constater statistiquement que de plus en plus de femmes se retrouvent seules avec un enfant à élever sans pour autant bénéficier des allocations familiales.

Si la politique familiale à la française a fait ses preuves, ne vous paraît-elle pas aujourd'hui insuffisamment adaptée à l'évolution de la société ? La séparation d'un ménage, au-delà des souffrances qu'elle entraîne, notamment chez les enfants, emporte des conséquences financières non négligeables.

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