Le 16 mai dernier, le Conseil constitutionnel censurait l'article 30 de la loi relative aux conseillers départementaux, aux conseillers municipaux et aux conseillers communautaires, et modifiant le code électoral. Cet article 30 procédait à une nouvelle répartition des sièges des conseillers de Paris, jamais modifiée depuis 1982, date de l'adoption de la loi dite PLM (Paris Lyon Marseille).
La répartition des 163 conseillers de Paris reposait jusqu'alors sur le principe de l'attribution minimale de trois sièges par arrondissement, afin de permettre l'application du mode de scrutin municipal proportionnel assorti d'une prime majoritaire. Pour tenir compte de la population, les 103 sièges restants avaient ensuite été répartis selon la règle de la plus forte moyenne.
Entre 1982 et 2012, la population de la capitale a intégré presque 58 000 nouveaux habitants inégalement répartis entre les arrondissements. Pour respecter l'exigence constitutionnelle du principe de l'égalité du suffrage, le Gouvernement a proposé d'actualiser le tableau -ce dont je le remercie, car j'avais eu moins de succès lors de mes deux dernières tentatives- à effectif constant, car il n'aurait pas été raisonnable d'augmenter le nombre de conseillers de Paris.
Les correctifs apportés au tableau, qui visaient à se conformer au principe de l'égalité des suffrages, découlaient des évolutions démographiques contrastées des différents arrondissements, d'une part, et du minimum de 3 sièges, d'autre part. Aussi, la représentation des 4ème, 6ème et 8ème arrondissements qui ne comptaient, chacun, que 3 conseillers de Paris, n'a pas été modifiée.
Les trois arrondissements qui ont connu l'évolution la plus marquée -les 10ème, 19ème et 20ème- ont bénéficié chacun d'un siège supplémentaire. En contrepartie, les 7ème, 16ème et 17ème arrondissements, dont la population a diminué, ont tous trois perdu un siège.
Le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution l'article 30 et le tableau annexé, ainsi que le tableau n° 2 annexé au code électoral, c'est-à-dire le tableau initial de 1982.
En ce qui concerne le tableau rectifié par la loi du 17 mai 2013, le Conseil a jugé que l'effectif des trois sièges minimum maintenus aux 1er, 2ème et 4ème arrondissements s'éloignait trop du quotient électoral de la moyenne de l'ensemble (13 706 habitants). En effet, les écarts au quotient moyen sont de - 57 % pour le 1er arrondissement, - 45 % pour le 2ème arrondissement et - 31 % pour le 4ème arrondissement.
Si le Conseil constitutionnel a reconnu le bien-fondé d'une représentation minimale de chaque secteur au Conseil de Paris, le rapport du nombre des conseillers de Paris à la population de chacun de ces arrondissements s'écarte trop de la moyenne constatée à Paris « dans une mesure qui est manifestement disproportionnée ».
Le Conseil constitutionnel a précisé les tempéraments qu'il admet au principe cardinal de l'égalité devant le suffrage. En premier lieu, les organes délibérants des collectivités doivent être élus « sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ». Cependant, « s'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population (...) ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ».
En ce qui concerne le tableau en vigueur depuis 1982, le Conseil constitutionnel a appliqué sa jurisprudence néo-calédonienne du 25 janvier 1985 qui lui permet de vérifier « la régularité au regard de la Constitution des termes d'une loi promulguée (...) à l'occasion de l'examen de dispositions législatives qui la modifient, la complètent ou affectent son domaine », pour censurer le tableau n° 2 annexé au code électoral.
Nous nous trouvions devant un vide juridique sidéral : pour organiser les élections municipales en mars 2014, il n'y avait plus de répartition des sièges au Conseil de Paris. Il fallait donc délibérer d'urgence pour établir un tableau sincère dans des délais raisonnables. Le nouveau tableau proposé, basé sur la population arrêtée au 1er janvier 2013, vise à respecter le principe de l'égalité du suffrage sans bouleverser le régime électoral de la capitale, si peu de temps avant le renouvellement de son conseil. D'autres pistes auraient pu être examinées, mais six mois avant le scrutin, cela n'aurait pas été raisonnable.
La nouvelle répartition des sièges au Conseil de Paris s'inscrit dans le découpage de la capitale en vingt secteurs correspondant chacun à un arrondissement. A effectif global constant, l'attribution d'un minimum de trois sièges à chaque arrondissement a été abandonnée, car il aurait fallu augmenter le nombre de conseillers de façon sensible.
La répartition des sièges s'effectue toujours selon la proportionnelle à la plus forte moyenne. La novation réside cependant dans son application à l'ensemble des 163 sièges.
À l'issue de la première étape qui a consisté à attribuer à chaque secteur le nombre de sièges correspondant à sa population sur la base du quotient électoral (13 766 habitants), 10 sièges restaient à répartir à la plus forte moyenne. Sur cette base, ils ont bénéficié aux 8ème, 10ème, 18ème, 19ème, 16ème 15ème 20ème et 12ème secteurs, par rang d'attribution.
Toutefois, il est apparu nécessaire de corriger les excès découlant de cette méthode pour tempérer les écarts de représentation qui en résultent : les 2ème et 3ème arrondissements présentaient un écart de + 67 % et + 29 % excédant largement la marge de plus ou moins 20 % du quotient électoral autorisée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Le correctif a consisté à attribuer à chacun de ces deux secteurs un siège supplémentaire pour ramener le rapport à la moyenne respectivement à - 16,4 % et à - 13,7 %, grâce au transfert du siège supplémentaire bénéficiant aux 12ème et 20ème arrondissements par application de la règle de la plus forte moyenne.
La nouvelle répartition entraîne la création de dix nouveaux sièges de conseiller d'arrondissement dont l'effectif, aux termes de l'article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT), est le double du nombre des conseillers de Paris élus dans la circonscription sans qu'il puisse être inférieur à dix ni supérieur à quarante.
L'augmentation du nombre de conseillers de Paris dans les 10ème (+ 1), 15ème (+ 1), 18ème (+ 1), 19ème (+ 2) et 20ème (+ 1) entraîne mécaniquement l'apparition de douze nouveaux conseillers d'arrondissement dont il faut retrancher la diminution de treize à douze des conseillers du 17ème arrondissement.
Aujourd'hui, l'article L. 2511-25 du CGCT impose de choisir le maire d'arrondissement parmi les membres du conseil municipal. En outre, l'un de ses adjoints au moins doit être conseiller municipal.
Cette double règle devient inapplicable dans le 1er arrondissement qui ne sera désormais représenté au Conseil de Paris que par un siège. Elle devient aussi difficilement applicable dans le 2ème arrondissement doté de deux conseillers de Paris. C'est pourquoi l'article 2 de la proposition de loi propose de la supprimer : dorénavant, le maire et l'ensemble des adjoints d'arrondissement pourront être choisis parmi les conseillers d'arrondissement. Cette modification, tout comme l'article L. 2511-25, est d'application commune à Paris, Lyon et Marseille. Les modifications soumises au Sénat découlent, dans ce calendrier très contraint, des exigences résultant de la censure opérée par le Conseil constitutionnel. À moins de huit mois du scrutin municipal, il est inenvisageable de refondre le régime électoral parisien, fut-ce par un redécoupage de la carte des secteurs, pour permettre une compétition électorale satisfaisante.