Intervention de Alain Anziani

Commission mixte paritaire — Réunion du 23 juillet 2013 : 1ère réunion
Commission mixte paritaire sur le projet de loi de lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière et sur le projet de loi organique relatif au procureur de la république financier

Photo de Alain AnzianiAlain Anziani, sénateur, rapporteur pour le Sénat :

Le texte voté par le Sénat comporte un certain nombre de différences majeures avec celui adopté par l'Assemblée nationale, puisque le Sénat a notamment supprimé l'ensemble des articles relatifs au procureur de la République financier pour les remplacer par d'autres dispositions.

En ce qui concerne le reste du texte, je souhaite attirer l'attention des membres de la commission sur un certain nombre de dispositions importantes.

La première concerne la suppression de l'article 1er, qui prévoyait le droit pour les associations agréées en matière de lutte contre la corruption de se constituer partie civile.

À l'article 1er bis, qui prévoit que les amendes encourues par les personnes morales peuvent être proportionnelles à leur chiffre d'affaires, le Sénat a exclu du champ de ces dispositions les contraventions, pour les rendre applicables aux seuls crimes et délits punissables d'au moins cinq ans d'emprisonnement, et introduit un lien avec le profit direct ou indirect obtenu par l'entreprise.

Nous avons un désaccord sérieux à l'article 2 bis concernant la définition du blanchiment, qui prévoit un renversement de la charge de la preuve. Notre analyse est que cela correspond à un tournant considérable dans notre droit pénal et à la mise à bas de toute une philosophie juridique. Nous devons nous méfier des effets de cette mesure, qui introduit une présomption de culpabilité contraire à nos principes constitutionnels. Cette dérive pourrait se généraliser, si elle était avalisée par le juge constitutionnel.

À l'article 3 bis D, nous avons modifié la composition de la commission des infractions fiscales, en portant de six à huit le nombre de membres élus respectivement par le Conseil d'État, par la chambre du conseil de la Cour des comptes et par l'assemblée générale de la Cour de cassation.

À l'article 3 ter, nous avons souhaité que le rapport annuel communiqué au Parlement par l'administration fiscale comprenne le nombre de signalements effectués par les agents de la direction générale des finances publiques auprès du ministère public en application du second alinéa de l'article 40 du code de procédure pénale.

Nous pourrions trouver un accord sur l'article 3 sexies, qui a été approuvé par le Gouvernement et vise à réprimer la conception de logiciels de comptabilité ou de caisse contribuant à l'évidence à la réalisation de fraudes fiscales.

L'article 9 quater est un point sensible, car l'Assemblée nationale a prévu de consacrer dans la loi la règle jurisprudentielle selon laquelle en cas de dissimulation de l'infraction, le délai de prescription ne commence à courir qu'à compter de la découverte de l'infraction. Le Sénat est plutôt d'avis qu'il convient de ne pas inscrire ce principe dans la loi et de s'en remettre à une jurisprudence bien établie ; en outre, si ce principe devait être adopté, il conviendrait de le rendre applicable aux crimes et non seulement aux délits.

L'Assemblée nationale pourrait également accepter l'article 9 septies A, qui prévoit que, en cas d'échec d'une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité engagée après une instruction, l'ordonnance de renvoi devient caduque, sauf à ce que le procureur de la République assigne le prévenu devant le tribunal correctionnel.

Nous avons une divergence certaine sur les lanceurs d'alerte, à l'article 9 septies. La rédaction de l'Assemblée nationale était très large : nous avons décidé de la limiter, d'une part, aux crimes et délits, et, d'autre part, aux signalements faits aux autorités judiciaires et administratives, et non aux médias, voire à une entreprise concurrente.

À l'article 10 relatif à l'utilisation dans le cadre de procédures fiscales d'informations d'origine illicite, nous avons souhaité conserver l'encadrement proposé par le Gouvernement en adoptant une définition limitée des pièces concernées et des autorités à l'origine de cette transmission.

Concernant les dispositions relatives aux avocats à l'article 10 bis, nous pensons possible de conserver les modifications introduites par le Sénat visant à étendre aux visites domiciliaires fiscales l'application de l'article 56-1 du code de procédure pénale, qui prévoit un certain nombre de garanties et l'intervention du bâtonnier en cas de perquisition au cabinet ou au domicile d'un avocat.

À l'article 10 quinquies, qui concerne les caisses des règlements pécuniaires des avocats, nous pensons qu'à partir du moment où la transaction alimentant ces caisses a pour origine une procédure juridictionnelle, il n'y a peut-être pas lieu à signalement.

À l'article 11 bis C, nous avons fixé à 10 000 euros le montant maximal des amendes pouvant être prononcées en cas d'opposition à la copie de documents par l'administration fiscale. Si le montant de 10 000 euros adopté par le Sénat peut être modifié pour trouver un plafond approprié, une telle limitation nous paraît nécessaire pour respecter le principe de proportionnalité des peines.

À l'article 11 sexies, l'Assemblée nationale a prévu de doubler le délai de prescription en matière fiscale en le portant à six ans, ce qui ne nous semble pas être une bonne idée, car cela conduirait à avoir une durée exorbitante dans la seule matière fiscale et pourrait conduire à rallonger d'autant la durée d'instruction.

En ce qui concerne l'article 11 decies A relatif à l'optimisation fiscale des grands groupes, l'Assemblée nationale pourrait l'accepter en le retravaillant et en précisant les conditions de son entrée en vigueur.

Le reste des dispositions du projet de loi concerne les dispositions alternatives à la création du procureur financier que le Sénat a adoptées.

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