Le projet de loi relatif à la consommation a été adopté par le conseil des ministres le 2 mai dernier et comportait alors soixante-treize articles. Après son examen par l'Assemblée nationale, il en compte désormais cent vingt-huit, répartis en six chapitres relatifs à l'action de groupe, aux droits du consommateur, au crédit et à l'assurance, aux indications géographique, aux pouvoirs de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et à des dispositions diverses et transitoires.
L'objet de la loi étant très vaste, et plusieurs commissions étant sollicitées - la commission des affaires économiques, saisie au fond, la commission des lois et la commission du développement durable - j'ai souhaité que notre avis soit strictement limité au domaine de compétence de la commission des finances, soit deux thématiques : le crédit à la consommation et les jeux en ligne, regroupant un total de trente articles.
L'essentiel du rapport pour avis est ainsi consacré au chapitre 3, relatif au crédit et à l'assurance. Plus spécifiquement, je me suis intéressée à la section 1ère de ce chapitre, relative au crédit à la consommation, ainsi qu'à la section 3 qui a été entièrement ajoutée par l'Assemblée nationale et qui concerne la création d'un registre des crédits aux particuliers - connu également sous le nom de « fichier positif ». En revanche, je ne me suis pas penchée sur la section 2, relative à l'assurance, dans la mesure où il s'agissait de mesures portant sur la vie de contrats d'assurances dommages destinés aux particuliers, hors du champ de compétence traditionnel de la commission des finances.
Par ailleurs, notre avis porte également sur le chapitre VI du projet de loi, au sein duquel ont été insérés neuf articles relatifs à la régulation des jeux en ligne.
Tout d'abord, l'Assemblée nationale a considérablement enrichi la section 1 du chapitre 3 consacrée au crédit à la consommation. Le projet de loi initial du Gouvernement se limitait, en la matière, à deux articles de portée réduite qui apportait des ajustements à la loi du 1er juillet 2010, dite loi « Lagarde ». L'article 18 vise à préciser que les prêteurs sont obligés de proposer systématiquement une offre de crédit amortissable alternativement à une offre de crédit renouvelable, au-dessus de 1 000 euros. Cette obligation existe depuis la loi de 2010 mais elle était interprétée de façon trop souple par les établissements. L'article 19 apporte quant à lui des clarifications rédactionnelles.
L'Assemblée nationale, tant en commission qu'en séance publique, a adopté de nombreux amendements portant, pour la plupart, articles additionnels, ce qui a fait passer la section de deux à seize articles dans la version actuelle.
Il s'agit pour l'essentiel de précisions ou d'ajustements qui font suite à la réforme du crédit à la consommation de 2010. En effet, les bilans de l'application de cette loi, dressés par Muguette Dini et Anne-Marie Escoffier, ainsi que par les parties prenantes dans le cadre du Comité consultatif du secteur financier, ont montré des lacunes et des possibilités de contournement utilisées par les établissements.
Je citerai notamment : un encadrement de la publicité des regroupements de crédits, un élargissement de l'interdiction de mentionner des avantages promotionnels dans une publicité pour un crédit, une pérennisation du comité de suivi de la réforme de l'usure dont fait partie notre collègue Philippe Dominati, ou encore une extension de l'encadrement des cartes dites « liées » aux cartes associant paiement et crédit - cartes dites « double action ».
Ces ajouts sont pour l'essentiel bienvenus : ils viennent corriger et renforcer certains aspects de la loi de 2010, suite aux constats faits par les autorités de contrôle que sont l'Autorité de contrôle prudentiel (ACP) et la DGCCRF.
Deux amendements adoptés par l'Assemblée nationale sont, en revanche, plus fondamentaux. Ils ont été introduits sans que leur cohérence soit nécessairement assurée avec la création, par ailleurs, du registre des crédits.
Le premier, désormais article 18 D, réduit de huit à cinq ans la durée maximale des mesures de redressement dans le cadre des procédures de surendettement. Cet article pourrait avoir des conséquences néfastes à la fois pour les personnes surendettées et pour la distribution du crédit. Je vous en proposerai donc un aménagement.
Le second, à l'article 19, réduit de deux à un an le délai au terme duquel tout compte de crédit renouvelable est automatiquement résilié. Cet amendement réduirait drastiquement le nombre de comptes, sans véritablement atteindre son objectif de prévention du surendettement. Je vous proposerai donc une formule alternative.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté deux dispositions de nature bancaire dans des domaines différents, qui nous avaient notamment occupés lors de l'examen du projet de loi de séparation bancaire : la mobilité bancaire et l'assurance emprunteur. Nous y reviendrons à l'occasion des amendements.
Ensuite, l'Assemblée nationale a adopté, en commission des affaires économiques et à l'initiative du Gouvernement, un amendement majeur créant le registre national des crédits aux particuliers.
Ce registre, ou « fichier positif », est un sujet hautement polémique, avec des clivages qui traversent les groupes et les sensibilités. La loi « Lagarde » avait chargé un comité de préfiguration d'en dessiner les contours, et son rapport a été remis en 2012. Un groupe de travail a été constitué au Sénat en 2012, dont j'ai fait partie avec le président Philippe Marini, qui a présenté les pistes et les arguments en faveur et en défaveur du fichier.
Je me borne, pour l'instant, à vous dresser les principaux contours du projet actuel, et certains de mes amendements permettront ensuite d'appeler votre attention sur certains aspects importants. Le registre est limité aux crédits à la consommation et ne retrace pas les crédits immobiliers ni les autorisations de découverts de moins de trois mois. Cela permet de réduire le nombre de personnes qui figureraient dans le registre de 25 à 12 millions environ. Le registre ne reprend pas le stock de crédits existants, mais sera alimenté au fur et à mesure. Les crédits à la consommation ayant une maturité de cinq ans maximum en moyenne, il reprendra rapidement l'ensemble du stock. L'identifiant utilisé sera un « identifiant spécifique » déterminé à partir, notamment, de l'état civil. Ce ne sera donc pas, comme préconisé par le comité de préfiguration, un identifiant dérivé du numéro de sécurité sociale (connu sous le nom de numéro d'inscription au répertoire INSEE - NIR) mais, dans l'idée du Gouvernement, une sorte de nouvel identifiant « bancaire » individuel. La consultation par un établissement de crédit est possible uniquement dans le cadre d'une vérification de solvabilité d'un candidat à l'emprunt et pour la gestion des risques du portefeuille. La consultation du registre à des fins de prospection commerciale est interdite.
De façon générale, je considère que le registre qui nous est proposé constitue un point d'équilibre dans la recherche d'une proportionnalité entre le coût, la protection des données personnelles et la nécessité de prévenir les phénomènes de surendettement qui, même en cas d'accidents de la vie, sont souvent liés à une accumulation de crédits à la consommation.
Cependant, je pense que plusieurs éléments ne sont, à ce stade, pas suffisamment précis dans le projet du Gouvernement. Il s'agit notamment de la prise en charge du coût, de la fréquence d'actualisation ou encore de l'identifiant. Je vous proposerai donc des amendements afin de préciser ces éléments pour assurer une mise en oeuvre effective du registre.
Enfin, l'Assemblée nationale a inséré au sein de ce projet de loi un véritable volet relatif aux jeux d'argent et de hasard, composé de neuf articles additionnels. J'y reviens plus longuement car je n'aurai que deux amendements à vous soumettre sur ce volet.
Pour la plupart d'entre eux, les articles apportent des retouches à la loi du 12 mai 2010 relative à l'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, dont notre commission a été saisie au fond - et dont notre collègue François Trucy était le rapporteur. Je le remercie d'ailleurs pour les apports dont il nous a fait profiter.
Ces articles, d'importance inégale, peuvent être regroupés autour de thèmes logiques. Un article (72 quater) propose d'harmoniser la définition des jeux d'argent et de hasard, pour lesquels vaut un principe général d'interdiction - sauf exceptions de nature législative, auxquelles il n'est pas question de toucher. Cette démarche est nécessaire car, actuellement, plusieurs définitions coexistent, ce qui crée une insécurité juridique pour l'ensemble des parties prenantes. Seraient désormais visées « toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l'opérateur de la part des participants ».