Il s'agit d'un consortium essentiellement saoudien, mais la technologie est espagnole.
Enfin, il faut noter que bien qu'elle ne soit pas soumise au code des marchés publics, MASEN a décidé de recourir à des appels d'offre, auxquels les bailleurs de fonds internationaux ont été associés tout au long du processus, à travers la procédure de « l'avis de non objection ».
Du point de vue du développement, la construction de la centrale de Ouarzazate est l'occasion d'aménager le territoire et de contribuer au développement local. La centrale a également nécessité la mise en place d'infrastructures routières, téléphoniques ou hydrauliques, qui ont été installées en prenant en compte les besoins de proximité. D'autre part, MASEN a exigé que 70 % des emplois non qualifiés soient réservés à la population locale.
Le plan solaire marocain vise également au développement d'une véritable filière industrielle marocaine dans le domaine de l'énergie solaire. L'appel d'offre comprenait l'exigence que 30 % du montant de l'investissement soit réalisé par des entreprises marocaines. Et afin d'améliorer la formation de la main d'oeuvre marocaine, un institut dédié aux énergies renouvelables sera ouvert à Ouarzazate, qui sera accompagné de deux autres à Tanger et à Oujda.
Enfin, à terme, les centrales solaires pourraient être une source de revenus à travers l'exportation de l'électricité vers l'Europe. On se rappelle le projet allemand « Desertech », mais le plan solaire marocain est plus réaliste.
Je vais maintenant aborder les investissements dans le réseau électrique. Le Maroc compte une population rurale importante de 13,4 millions d'habitants et dont l'accès à l'électricité est limité. Le taux d'électrification rurale au Maroc ne dépassait pas 14 % en 1990 quand il était compris entre 70 et 85 % dans les autres pays du Maghreb.
En 1996, a donc été lancé un programme d'électrification rurale global (PERG), que la France a accompagné depuis ses origines. Au total, l'AFD a accordé 241 millions d'euros de prêts, représentant plus de 10 % du budget global du PERG.
Les résultats de ce programme sont particulièrement bons. Fin 2012, le taux d'électrification rurale s'élevait à 98 %, au terme de près de 1,8 milliard d'euros d'investissements, donnant l'accès à l'électricité à 12 millions de personnes.
L'AFD a également accordé deux prêts de 50 millions d'euros en 2008 et de 57 millions d'euros en décembre dernier afin de financer le renforcement du réseau de transport électrique.
Enfin, nous allons aborder la question de l'efficacité énergétique, à travers l'exemple de l'habitat social. La croissance importante de la population urbaine marocaine vient densifier les quartiers d'habitat insalubre et les bidonvilles. Pour soutenir la politique de l'habitat social au Maroc, l'AFD a concentré ses financements sur le Holding d'aménagement Al Omrane, en lui accordant au total trois prêts pour un montant de 115 millions d'euros.
Dans le cadre du troisième de ces prêts l'AFD a, entre autre, conditionné l'obtention du prêt au respect de normes environnementales. Cette exigence permet également de nourrir les réflexions sur l'application d'une réglementation thermique nationale.
Au cours de mon déplacement au Maroc, j'ai pu visiter des logements réalisés grâce à ce financement, dans le cadre d'un projet portant sur le relogement de 18 202 ménages dans le quartier de Sidi Moumen. J'ai pu apprécier la qualité des logements financés et notamment le niveau des finitions.
Je me suis particulièrement intéressée à un mécanisme de financement innovant : le recours à un tiers investisseur. Certains lots nus sont attribués directement par Al Omrane à des ménages bidonvillois, qui se regroupent pour construire l'immeuble, chaque famille bénéficiant ensuite d'un étage. Pour financer la construction de l'immeuble, de nombreux bidonvillois ont décidé de céder le rez-de-chaussée et souvent le premier étage à un tiers investisseur, qui en échange finance la construction de l'ensemble de l'immeuble.
Cette solution, adoptée spontanément par les ménages bidonvillois a permis d'assurer une certaine mixité sociale à l'intérieur même des immeubles et de créer une activité économique, les rez-de-chaussée étant souvent utilisées comme boutiques. Elle pourrait utilement être étendue à d'autres projets et à d'autres pays.
Nous abordons maintenant la question des transports, et tout d'abord dans l'agglomération de Casablanca. Celle-ci connait une croissance importante et devrait atteindre 5 millions d'habitants en 2030. Parallèlement, on constate une explosion du trafic automobile, le nombre de voitures en circulation étant passé de 300 000 en 2001 à un million en 2012. Au-delà des nuisances pour les habitants et des effets environnementaux, le coût de la congestion pèse également sur l'activité économique. Ce coût a été estimé en 2006 entre un et deux points de PIB régional.
La région du Grand Casablanca a adopté en 2007 un plan de déplacements urbain (PDU), proposant un scenario ambitieux de développement des transports collectifs à l'horizon 2030, prévoyant notamment la mise en place d'un tramway, dont la première ligne a été inaugurée en décembre 2012. C'est cette ligne que j'ai pu emprunter lors de mon déplacement à Casablanca.
Son coût total s'est élevé à 541 millions d'euros environ, dont 103 millions de prêts de la RPE et 23 millions de prêts de l'AFD. Le matériel roulant Alstom est identique à celui de Strasbourg. Le tramway est exploité par une filiale de la RATP.
En termes d'emplois, la construction de la ligne de tramway a permis de créer 2 000 emplois directs ou indirects. En phase d'exploitation, ce sont 650 emplois qui seront créés, pour la plupart recrutés localement. Le tramway s'inscrit également dans une véritable logique d'inclusion sociale, en traversant des quartiers populaires.
En janvier 2012 ont été lancées les études pour la suite de la réalisation du projet de déplacements urbains, qui comporte notamment un projet de métro aérien, d'autres lignes de tramway et des bus à haut niveau de service.
Le prêt AFD de 23 millions d'euros a été accordé à une société de développement local avec la seule garantie de la Communauté urbaine de Casablanca et non celle de l'Etat marocain. Cette première permet de continuer à financer des projets au Maroc sans être limité par le ratio « grand risque ». Cela répond également à une stratégie de l'AFD visant à accompagner les processus de décentralisation en cours.
S'agissant maintenant de la capitale du Maroc, l'agglomération de Rabat-Salé regroupe 1,9 million d'habitants environ, répartis sur les villes de Rabat et Salé, séparées par le fleuve Bouregreg, ainsi que la ville de Témara. La situation des transports s'y est dégradée au fil des années, du fait d'un système de transports publics peu efficace et couteux.
Pour répondre, entre autre, à ce problème de mobilité urbaine, un grand projet de réaménagement de la vallée du Bouregreg a été décidé et confié à l'Agence pour l'aménagement de la vallée du Bouregreg (AAVB).
La mise en oeuvre de ce projet, qui porte au total sur une superficie de 6 000 hectares, a commencé dès 2006 et comporte la construction d'aménagements portuaires, d'un tunnel routier, d'un nouveau pont sur le Bouregreg rendant possible la navigation fluviale, ainsi que d'équipements publics et d'immeubles.
Le projet d'aménagement de la vallée comporte également la construction de quatre lignes de tramway, dont les deux premières ont été inaugurée le 18 mai 2011 par Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
Le coût total de ces premières lignes s'est élevé à 343 millions d'euros. L'AFD a accordé un prêt de 45 millions d'euros pour le financement des infrastructures tandis que la RPE a été mobilisée à hauteur de 97 millions d'euros. Il s'agit également d'un tramway de marque Alstom.
En termes d'emploi, un effort a été fait pour créer de nombreux emplois peu qualifiés. Ainsi, 185 contrôleurs travaillent sur les deux lignes, ce qui permet un taux de fraude très bas, estimé à 2 %, soit environ dix fois moins qu'en France. De même la vente des billets se fait dans des kiosques et non par distributeurs. Cette présence dans les gares et dans les rames contribue à la sécurité du réseau mais également à la promotion du tramway. Enfin, le dépôt a été construit dans Salé, afin que les emplois qu'il crée bénéficient en premier lieu à ses habitants.
Il faut noter que l'exploitation du tramway de Rabat est excédentaire. C'était une vraie surprise pour moi, quand on sait qu'en France le taux de couverture est d'environ 40 %.
A terme, le réseau de tramway sera étendu à 4 lignes, en utilisant un deuxième point de franchissement du fleuve Bouregreg.
Enfin, je vous présente un dernier projet, celui de la ligne à grande vitesse entre Tanger et Casablanca. Le schéma directeur du réseau ferroviaire national à grande vitesse au Maroc prévoit la construction de 1 500 km de lignes à l'horizon 2035. La première ligne du réseau LGV marocain reliera Tanger à Casablanca, via Rabat et vise à contribuer au rééquilibrage territorial du Maroc, au bénéfice notamment de la région Nord de Tanger. La réalisation de cette ligne sera fera tout d'abord sur le tronçon Tanger-Kénitra.
Les rames seront similaires à celles du TGV Est français. Les travaux ont officiellement été lancés en septembre 2011.
Le coût de ce premier tronçon est estimé à 1,8 milliard d'euros. La France y contribue fortement avec un prêt de l'AFD de 220 millions d'euros, un don FASEP de 75 millions et un prêt RPE de 625 millions.
Cette LGV participera au développement économique du Royaume. Elle doit être vue comme un outil d'aménagement du territoire. Ainsi, la liaison ferroviaire desservant le nouveau port de Tanger-Méditerranée, qui a fait l'objet d'un prêt de 25 millions d'euros de l'AFD, a permis un développement économique local, à commencer par l'implantation d'une usine Renault à Tanger.
D'autre part, des efforts financiers importants sont consentis par l'ONCF pour en faire un « TGV populaire », avec un tarif envisagé relativement bas, basé sur le tarif actuel en train classique, majoré de 20 dirhams pour tenir compte du coût de réservation.
Il faut noter que les investissements sur le réseau à grande vitesse n'empêchent pas d'investir également sur le réseau classique. Au total, 1,7 milliard d'euros viendront financer l'électrification totale du réseau et la rénovation des gares
J'ai en particulier pu visiter les gares de Casa Port, qui est en train d'être complétement réaménagée, et celle de Rabat-Ville, dont la rénovation est achevée. Il est d'ailleurs à noter que les revenus de la valorisation des gares participent au financement des rénovations.
S'agissant du financement du projet, au cours de l'entretien que j'ai eu avec le directeur général de l'ONCF, celui-ci a attiré mon attention sur le fait que le projet devait initialement bénéficier d'un concours de la BEI et de la facilité d'investissement pour le voisinage (FIV). Ces contributions n'ont finalement pas été accordées, au terme d'un processus que j'ai souhaité éclaircir.
La décision d'accorder les financements de la FIV est prise par le comité opérationnel, qui regroupe des représentants des différents États membres. Chaque projet doit être présenté par un bailleur européen. Pour la LGV marocaine, le projet était porté par la BEI. Il aurait dû être soumis au dixième comité opérationnel, le 23 novembre 2010. Cependant, suite à la décision, le 16 novembre, du conseil des directeurs de la BEI de ne pas accorder leur soutien au projet, celle-ci n'était plus en mesure de le présenter au comité opérationnel. Il fut donc retiré de l'ordre du jour.
Pourtant, la BEI a étudié le projet en profondeur, pendant près d'un an. La direction de l'ONCF m'a indiqué qu'elle considérait que ce refus de la BEI ne provenait pas de la qualité du projet mais tenait à « des considérations et des enjeux qui [semblent] d'ordre politique et non technique » et notamment « à des intérêts divergents entre pays membres ». En d'autres mots, les Allemands ont fait campagne contre ce projet, le choix des autorités marocaines ne s'étant pas porté sur une technologie allemande.
En conséquence, le projet a perdu 400 millions d'euros de financements (300 millions de prêt de la BEI et 100 millions d'euros de subventions de la FIV). De plus, le désengagement de bailleurs communautaires a pu être interprété comme une marque de défiance vis-à-vis du projet et ont pu dès lors le décrédibiliser.
Ce problème de financement a été réglé grâce aux contributions de différents fonds arabes qui ont apporté les 400 millions d'euros nécessaires. Il n'en demeure pas moins que le retrait de la BEI et, consécutivement, la perte de la subvention au titre de la FIV, et leur remplacement par des fonds arabes ne sont pas neutres politiquement et ont ôté à ce projet son caractère de coopération euro-marocaine. Cette situation est d'autant plus regrettable qu'il ne semble pas que tous les crédits dont dispose la FIV seront consommés à la fin de l'année.