Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 22 juillet 2013 : 1ère réunion
Egalité entre les femmes et les hommes

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin, présidente, rapporteure :

La délégation a examiné, le lundi 22 juillet 2013, le rapport d'information de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente, rapporteure, sur les dispositions du projet de loi pour l'égalité entre les femmes et les hommes n° 717 (2012-2013), dont elle a été saisie par la commission des Lois.

Mes chers collègues, la commission des lois nous a saisis du projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes et je m'en réjouis car c'est un texte important qui aborde, dans une perspective intégrée, la plupart des aspects de la problématique de l'égalité entre les femmes et les hommes.

Je regrette en revanche le calendrier qui nous est imposé pour l'examen de ce texte : celui-ci a été présenté le 3 juillet en conseil des ministres et sa discussion en première lecture devant le Sénat devrait ouvrir la session extraordinaire de septembre, dès le lundi 8 ou le mardi 9. Nous n'avons donc pu disposer que de peu de temps pour étudier des dispositions qui, s'agissant d'un texte transversal, abordent des thématiques très variées et nécessitent de recueillir le point de vue d'un grand nombre d'interlocuteurs.

J'ai, entre le 4 et le 12 juillet, auditionné une quarantaine de personnes : les représentantes des associations de défense des femmes les plus directement concernées par les thématiques du projet de loi, les responsables des politiques d'égalité des principales organisations syndicales, des personnalités qualifiées : Brigitte Grésy, que vous connaissez bien, Réjane Sénac, chercheuse et présidente de la commission parité du Haut conseil à l'égalité hommes femmes, Ernestine Ronai, responsable de l'observatoire des violences de Seine-Saint-Denis et coordinatrice nationale de la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences, la MIPROF, et Sylvie Pierre-Brossolette du Conseil supérieur de l'audiovisuel. Nous avons en outre été en contact régulier avec le cabinet de la ministre.

Michèle Meunier, rapporteure de la commission des affaires sociales et membre de notre délégation, a procédé aussi à des auditions et m'a rejointe pour certaines des nôtres.

De ces auditions, je retiens l'impression générale suivante : dans l'ensemble le projet de loi rencontre un accueil favorable et les personnes auditionnées se réjouissent que, pour la première fois, l'égalité hommes femmes soit abordée dans une perspective globale et intégrée ; pour autant, nos interlocuteurs, qui attendaient une véritable loi-cadre, restent un peu sur leur faim quant au contenu effectif du projet de loi. Ils comptent sur nous pour l'enrichir. La ministre nous y invite aussi : lorsque nous l'avons rencontrée, elle nous a incités à le compléter et à jouer pleinement notre rôle de législateurs.

Je me suis efforcée de répondre à cette double attente, ce qui me conduit à vous proposer 35 recommandations, dont certaines appelleront une traduction législative par voie d'amendements.

A la suite du préambule de la Constitution de 1946, de nombreux textes sont venus réaffirmer, dans tous les domaines, le principe d'égalité entre les femmes et les hommes et pourtant des inégalités sont toujours là et elles s'ajoutent les unes aux autres. Les inégalités salariales expliquent, pour une large part, une inégalité dans le partage des tâches éducatives. 40 % de femmes interrompent ou restreignent leur activité professionnelle à l'arrivée des enfants, contre 11 % des hommes, ce qui ne fait qu'aggraver ensuite les conditions d'un éventuel retour à l'emploi. C'est aussi l'inégalité économique ou la menace de la précarité qui amène certaines femmes à subir longtemps des violences avant de prendre le risque d'en parler. Un cas, loin d'être anecdotique, est celui de ces femmes seules avec enfants, qui préfèrent s'enfoncer dans la précarité plutôt que d'engager des poursuites pour obtenir le versement régulier de leur pension alimentaire, de peur des violences et des conflits. C'est alors la double, voire la triple peine !

L'un des grands mérites de ce projet de texte est de faire le choix de la transversalité. L'approche intégrée consacrée par l'article premier consiste pour l'Etat et les collectivités territoriales à agir pour l'égalité dans l'ensemble de leurs politiques. Aussi, pour conforter l'ancrage de ce principe dans notre droit, la première recommandation que je vous propose consiste à remplacer le verbe « favorise » par le verbe « garantit » dans l'alinéa de l'article premier de la Constitution relatif à « l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales ».

Ma proposition de recommandation n°2 porte directement sur le texte de l'article premier du projet de loi, puisqu'elle propose de compléter la liste des principaux domaines d'actions visés par cet article en y ajoutant les « actions relatives à l'égal accès aux mandats électoraux et aux fonctions électives ».

Le titre Ier (articles 2 à 5) comporte une mesure phare : le partage du congé parental ou, plus précisément, le partage entre les deux conjoints du complément de libre choix d'activité (le CLCA), c'est-à-dire l'allocation - de 570 euros - aujourd'hui versée pendant ce congé. Pour un enfant, les six mois de versement du CLCA pourront être prolongés par six mois supplémentaires, à condition qu'ils soient pris par le deuxième parent. Pour les familles de deux enfants et plus, cette durée sera toujours de trois ans si et seulement si le second conjoint (souvent le père) interrompt son activité ou travaille à temps partiel pendant au moins six mois. C'est une mesure progressive (pour les enfants nés à partir de juillet 2014) et qui va dans le bon sens car le congé parental français, outre qu'il est peu rémunéré, est l'un des plus longs d'Europe. Il conduit donc à éloigner les femmes de la vie professionnelle. Le gouvernement table dans un premier temps sur le fait que 20 % des pères demandent le CLCA. Trente mois pour la mère, six mois pour le père ; on est encore loin de l'égalité ! Or cette réforme n'a de sens que si elle contribue à faire bouger les mentalités en définissant un projet de société, une trajectoire vers l'égalité. La recommandation n°3 consiste donc à demander quel est, sur dix, quinze ou vingt ans, le calendrier de cette évolution vers l'égal partage du congé parental entre les deux parents.

Cette réforme du congé parental doit s'accompagner d'un développement des modes de garde (100 000 places de crèches et 100 000 places supplémentaires chez des assistantes maternelles agrées sont annoncées) et de la scolarisation des enfants de moins de trois ans, qui devrait augmenter de 75 000 d'ici la fin du quinquennat. Indépendamment de cet aspect qui ne manque pas de poser de nombreuses questions sur les moyens, la réforme appelle aussi un meilleur accompagnement des salariés en congé parental vers le retour à l'emploi. Or les mesures envisagées dans le récent accord professionnel sur la qualité de vie au travail ne concernent que les personnes de retour de congé parental. La proposition de recommandation n°4 vise à ce que l'on propose aussi des formations ou des bilans de compétences pendant le congé.

Je vous propose aussi de reprendre des recommandations que nous avions adoptées récemment à l'occasion de nos rapports Femmes au travail et sur le projet de loi Egalité salariale, allant dans le sens d'un meilleur partage des tâches éducatives au sein du couple et au cours de la vie. Ce sont mes propositions de recommandations :

- n°5, portant à 4 semaines la durée du congé de paternité jours et le rendant obligatoire ;

- n°6, recommandant pour le père une protection juridique à l'arrivée de l'enfant, comme cela existe pour la femme enceinte (interdiction de licenciement, prise en charge d'un certain nombre d'absences etc.) ;

- et la proposition de recommandation n°7 en faveur d'un congé parental d'éducation modulable tout au long de la vie, droit individuel à la parentalité, portable en dehors de l'entreprise.

À côté de cette réforme du congé parental, le projet de loi comprend d'autres dispositions intéressantes. C'est le cas de l'article 3 qui impose des restrictions d'accès - progressives et proportionnées - aux marchés publics pour les entreprises condamnées pour discriminations ou qui ne respecteraient pas leurs obligations en matière d'égalité. De même, l'article 4 octroie une protection juridique minimale aux collaborateurs libéraux ; il s'agit principalement des jeunes avocates et médecins libéraux qui n'ont que très peu de droits pendant la grossesse. Je suis en revanche plus réservée sur l'article 5 qui propose qu'à titre expérimental, les comptes épargne temps (CET) des salariés puissent être monétisés en chèques emplois service.

J'en viens maintenant au titre II relatif à la lutte contre la précarité. L'article 6 propose d'expérimenter un certain nombre de mesures visant à mieux protéger le conjoint dont la pension alimentaire n'est pas payée régulièrement. Parmi celles-ci figure la création de l'allocation de soutien familial (ASF) différentielle. Pendant la durée de l'expérimentation - en principe trois ans -, elle laissera tout de même subsister une différence entre le montant versé dans les dix départements et sur le reste du territoire. Au nom de l'égalité entre les personnes concernées, souvent des femmes connaissant la précarité, je vous propose une recommandation n°8 visant à réduire au minimum la période d'expérimentation pour cette seule mesure.

Enfin, au cas où un certain nombre d'éléments de l'accord Qualité de vie au travail seraient repris par amendement au cours du débat législatif - ce qui n'est pas certain - je vous propose de rappeler quelques exigences que nous avions déjà posées lors de nos travaux antérieurs et qui trouveraient ici directement à s'appliquer.

La proposition de recommandation n°9 rappelle ainsi que nous sommes favorables dans son principe à une clarification des différentes obligations de négociation des entreprises en matière d'égalité, dès lors qu'il en découle une plus grande effectivité. L'accord envisage en effet de simplifier la situation actuelle marquée par l'existence de deux, voire trois négociations obligatoires sur des sujets voisins.

La recommandation n°10 propose que, dans les accords de branches obligatoires, la mention de « l'objectif d'égalité professionnelle » soit remplacée par « l'objectif d'égalité professionnelle et les mesures pour les atteindre » ; là encore pour aller vers plus d'effectivité.

Puisque l'accord prévoit la création d'un groupe de travail paritaire sur le rapport de situation comparée, nous pourrions - par la recommandation n°11 - rappeler tout l'intérêt d'y faire figurer les données relatives à l'ancienneté des salariés et leurs qualifications. Il faut en effet comparer ce qui est comparable !

A la suite de nos travaux précédents, la proposition n°12 marque l'attachement de la délégation à ce que, à côté du principe « à travail égal, salaire égal », soit consacré le principe « à travail égal, valeur égale ». Ce dernier renvoie à la nécessité d'engager une négociation sur les classifications que la proposition de recommandation n°13 demande de rendre obligatoire.

La proposition de recommandation n°14 est une demande de rapport au gouvernement relatif à la situation en matière d'égalité dans les entreprises de moins de 50 salariés. Le texte peut être l'occasion d'engager un travail, pour que les salariées des PME ne soient plus des oubliées du droit à l'égalité.

Enfin, la proposition de recommandation n°15 de la délégation demande un bilan de la façon dont les contrats d'avenir sont attribués entre les femmes et les hommes, aussi bien au plan quantitatif que qualitatif, notamment pour ce qui concerne la reproduction des stéréotypes. L'Etat et les collectivités publiques se doivent en effet d'être exemplaires dans le cadre de l'approche intégrée dont ce projet pose les premiers jalons.

J'en viens maintenant à la protection des femmes contre les violences et les atteintes à leur dignité qui fait l'objet des dispositions du titre III du projet de loi.

Les neuf articles que comporte le projet de loi en matière de lutte contre les violences viennent, pour l'essentiel, remédier à certaines faiblesses qui sont apparues à l'usage, dans l'ordonnance de protection mise en place par la loi du 9 juillet 2010, en matière de violences au sein du couple. Les recommandations que je vous proposerai tendent à leur apporter quelques compléments et à améliorer le traitement judiciaire de formes de violences envers les femmes qui ne sont pas abordées dans le projet de loi.

L'ordonnance de protection est une nouvelle procédure civile mise en place par la loi de 2010 pour assurer dans l'urgence la protection de la victime de violences au sein du couple. Problème : son délai de délivrance est trop long, plus de vingt jours dans la moitié des cas. Introduire un délai fixe dans la loi, comme le demandent certaines associations, serait contreproductif : les procédures qui ne pourraient aboutir dans ce délai tomberaient ; le gouvernement a donc préféré la formule suivant laquelle l'ordonnance doit être rendue « dans les meilleurs délais ». C'est un peu vague mais je vous propose d'apporter notre soutien à cette solution sous réserve que le gouvernement s'engage à prendre les dispositions procédurales ou réglementaires qui permettront une réduction effective de ces délais, en s'inspirant de bonnes pratiques comme celle du tribunal de Bobigny dont me parlait Ernestine Ronai : celui-ci privilégie systématiquement la convocation par huissier (Recommandation n°16).

Pour autant, l'ordonnance de protection ne constitue pas l'unique procédure civile à laquelle ont recours les femmes victimes de violence : dans certains cas ou dans certaines juridictions, le référé, la saisine du juge dans la forme des référés ou l'assignation à jour fixe peuvent se révéler plus efficaces : leurs délais sont d'ailleurs plus courts même s'ils sont encore trop longs ; il faut inciter les tribunaux à les réduire autant que possible quand ces procédures sont utilisées dans un contexte de violences conjugales (Recommandation n°17).

Je vous propose d'approuver l'allongement de la durée de l'ordonnance qui passera de quatre à six mois et la réaffirmation du principe de l'éviction du conjoint violent du domicile commun. Pour lever une ambiguïté dans la pratique des tribunaux que m'ont rapportée des associations, je vous proposerai de préciser que le logement est attribué au conjoint victime, « même s'il a bénéficié d'un logement d'urgence » : on ne doit en aucun cas pénaliser le conjoint qui a dû, sous la menace d'un danger pressant, quitter dans l'urgence le domicile commun (Recommandation n° 18).

Je vous proposerai également, sans remettre en question la liberté d'appréciation par le juge des circonstances particulières et notamment de celles qui ont trait à l'intérêt de l'enfant, de recommander d'éviter pour les enfants la résidence alternée ou au domicile du conjoint violent en cas d'ordonnance de protection (Recommandation n 19).

Autre rappel sur lequel je vous recommanderai d'insister : le juge doit pouvoir, dans le cadre d'une ordonnance de protection, prononcer le retrait partiel de l'exercice de l'autorité parentale ou du droit de garde du conjoint violent (Recommandation n°20).

Dernière recommandation en ce domaine : inciter les tribunaux à préciser que la remise des enfants, qui est souvent un moment à risque, doit se faire dans des espaces de rencontres protégés et, à défaut de lieux spécifiques, dans les commissariats ou les gendarmeries (Recommandation n°21).

La médiation pénale paraît décidément inadaptée dans le cas de violences au sein du couple car elle ne peut que raviver les phénomènes d'emprise. Le projet de loi en restreint les conditions en précisant qu'elle ne sera plus possible qu'à la demande expresse de la victime. Allons plus loin et demandons qu'elle soit dorénavant exclue dans ce contexte (Recommandation n°22).

Je vous propose d'apporter notre plein soutien au dispositif téléphone grand danger, expérimenté avec succès à Bobigny et à Strasbourg et auquel l'article 10 du projet de loi donne une base légale. Mais invitons l'Etat à consacrer les moyens nécessaires à sa généralisation : celui-ci repose largement sur les associations partenaires et appelle donc des compensations financières en leur faveur (Recommandation n 23).

Même soutien aux stages destinés aux auteurs de violences car c'est un levier pour éviter la récidive : mais je vous proposerai de parler plutôt de « stage de responsabilisation » que de sensibilisation et, surtout, je demande que leur objet soit recentré sur les violences au sein du couple proprement dites plutôt que dilué dans une dénonciation des violences sexistes (Recommandation n°24).

Je vous propose également une recommandation n°25, pour demander que des formations soient dispensées aux professionnels qui ont à connaître des violences au sein des couples. Ces formations doivent être agréées par l'Etat et leur contenu défini avec rigueur : je vous propose qu'il soit élaboré en partenariat avec la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences, la MIPROF.

Nous devons approuver l'article 14 du projet de loi qui dispense les femmes étrangères victimes de violences du paiement des taxes et droits de timbres liés aux titres et cartes de séjour : pour une dépense fiscale limitée (160 000 euros par an) nous éviterons bien des difficultés à des femmes le plus souvent plongées dans la précarité. La loi de 2010 prévoit que ces titres doivent leur être délivrés lorsqu'elles bénéficient d'une ordonnance de protection, sauf si leur présence sur le territoire constitue « une menace pour l'ordre public ». Certains préfets ont semble-t-il interprété de façon extensive cette notion de menace à l'ordre public pour refuser la délivrance de ces titres. Les associations souhaiteraient la suppression de toute réserve de façon à rendre automatique la délivrance de ces titres. Je ne vous proposerai pas d'aller jusque-là mais de recommander que ces titres soient délivrés sauf en cas de menace grave à l'ordre public, par parallélisme avec la condition posée par le code de l'entrée et du séjour des étrangers pour l'expulsion d'un étranger en situation régulière (Recommandation n°26).

Dernière recommandation sur le chapitre des violences. Nous avons déjà eu l'occasion, lors de la discussion de la loi rétablissant le délit de harcèlement sexuel, de dénoncer la tendance des tribunaux à « déqualifier » les violences sexuelles. La garde des Sceaux nous a entendus et a publié une circulaire relative au harcèlement sexuel qui répond en tous points à nos recommandations. Nous devons aujourd'hui nous préoccuper d'une pratique qui consiste pour les tribunaux à « correctionnaliser » les viols, autrement dit à ne pas les poursuivre devant les cours d'assises comme il se doit pour un crime, mais à les poursuive en correctionnelle comme s'il s'agissait d'un simple délit d'agression sexuelle. C'est contraire à l'intérêt des victimes et à la lutte contre les violences envers les femmes car cela revient à minimiser aux yeux de la victime et de son agresseur la gravité de cet acte. Nous devons recommander à la garde des Sceaux de se montrer vigilante pour que des incriminations moins graves cessent d'être utilisées pour sanctionner un viol, dès lors que les éléments constitutifs de ce crime sont caractérisés (Recommandation n°27).

L'article 16 du projet de loi renforce sur deux points la protection de l'image des femmes dans les médias audiovisuels. En premier lieu, il confie cette responsabilité au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Pour ce faire, nous pourrions recommander au CSA de se doter d'une mission de contrôle identifiée, ouverte sur les partenaires extérieurs notamment associatifs (Recommandation n°28).

En second lieu, le texte prévoit un renforcement des obligations des entreprises de l'audiovisuel public. En complément de cette mesure, je vous proposerai de recommander que le CSA mette aussi en place des indicateurs chiffrés de progression de l'égalité femme-homme dans les programmes des chaînes privées (Recommandation n°29).

Le dernier grand axe du projet de loi concerne la parité dans les instances de représentation et de discussion. L'on peut saluer la volonté du gouvernement d'avoir une approche intégrée en s'intéressant à la fois au monde économique, politique et culturel. Toutefois, je pense qu'il est possible d'aller plus loin.

Dans le domaine économique, le projet du gouvernement vise à renforcer la parité dans les chambres consulaires. Je vous propose d'apporter notre soutien à ce dispositif. Par ailleurs, je propose, à titre de mesures complémentaires, d'abaisser à 250 salariés le seuil à partir duquel, les conseils de surveillance et d'administration des entreprises devront comporter au moins 40 % de membres de chaque sexe. Il s'agit d'étendre la portée de la loi du 27 janvier 2011. En effet, avant même l'application de la loi sur la parité dans les conseils d'administration et de surveillance des entreprises de plus de cinq cents salariés, il y a eu une forte féminisation de ces instances. C'est la preuve qu'un vivier de femmes compétentes et disponibles existait. Un tel vivier existe aussi pour les conseils d'administration et de surveillance des entreprises de 250 à 500 salariés (Recommandation n°31)

Dans le domaine sportif, le principe d'une amélioration de la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives me paraît aller dans le bon sens. Il répond à une recommandation que notre délégation avait formulée dans son rapport « femmes et sport ». Mais il faut aller plus loin et demander que la recherche d'une représentation équilibrée entre les hommes et les femmes dans le monde sportif soit étendue aux postes d'encadrement : directeurs techniques nationaux, entraîneurs nationaux, conseillers techniques régionaux (Recommandation n°30).

En matière politique, les pénalités financières incitatives pour renforcer la parité ont fait preuve d'une efficacité très limitée. Certains partis semblent préférer subir une pénalité financière plutôt que de présenter des candidates. Il est frappant de constater que la proportion de femmes candidates aux dernière élections législatives a baissé par rapport à celles de 2007. Le projet de loi alourdit les pénalités financières qui ne s'imputent aujourd'hui que sur la première partie de l'aide publique. Mais cette mesure suffira-t-elle ? Peut-être conviendra-t-il d'engager une réflexion sur les possibilités de mettre en place des pénalités financières basées sur la deuxième fraction. C'est ce que j'ai essayé de traduire dans ma recommandation n°32.

En effet, les subventions allouées dans ce cadre sont substantiellement supérieures à celle de la première fraction. Bien évidemment, toute réforme du financement des partis politiques doit tenir compte du pluralisme des courants d'idées et d'opinions.

Sur d'autres points, je vous propose également d'enrichir ce texte par des mesures supplémentaires comme la ministre nous y a invités.

Le conseil économique, social et environnemental a fait l'objet d'une réforme afin d'améliorer la parité. Les effets de cette loi sur la présence des femmes ont été significatifs. Elles sont passées de 22 % des conseillers à plus de 40 %. Je vous propose donc de transposer ce dispositif à la composition des conseils économiques sociaux et environnementaux régionaux (Recommandation n°33). En effet, ces derniers, qui ont vocation à débattre de la politique régionale et assistent le conseil régional, ne sont actuellement composés que de 19,5 % de femmes.

Les syndicats jouent un rôle décisif dans les relations de travail. Le législateur a d'ailleurs reconnu leur importance en institutionnalisant à l'article premier du code du travail le dialogue social. Ces organisations sont conscientes des enjeux de la féminisation, tant de leurs adhérents que des instances de direction locales et nationale. Mais, comme nous avons pu le constater dans le cadre de notre rapport sur les « femmes et travail », les organisations syndicales reconnaissent qu'elles ont encore des progrès à faire sur le chemin de la mixité et qu'elles sont encore loin de la parité.

Face à ce constat, je vous proposerai de renouveler la recommandation que la délégation avait formulée à l'occasion de son rapport de 2013 « Femmes et travail ». Il s'agit d'inviter les organisations syndicales à poursuivre les efforts qu'elles ont engagés pour améliorer la mixité dans leurs différentes instances et aboutir à une parité véritable dans leurs instances de direction (Recommandation n°34).

Enfin, un dernier élargissement de la parité est proposé aux conseils de prud'hommes. En 2001, le Sénat avait proposé l'instauration de listes paritaires. Toutefois, l'Assemblée nationale avait jugé qu'une modification aussi brutale n'était pas possible dans la mesure où « l'exercice de la fonction de conseiller prud'homal imposait une formation lourde ». Lors des dernières élections de 2008, la part des femmes élues était de 28 %. C'est pourquoi, je vous proposerai (Recommandation n°35) l'instauration de mesures contraignantes visant à garantir la présentation de listes paritaires à ces élections.

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