Intervention de Marisol Touraine

Réunion du 24 juillet 2013 à 14h30
Réseaux de soins — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Marisol Touraine, ministre :

Il s'agit en effet d’une proposition de loi importante pour ce qui concerne le champ d’intervention des complémentaires santé.

La discussion de ce texte intervient dans un contexte particulièrement opportun, puisque le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, le HCAAM, a adopté, il y a quelques jours, un rapport concernant l’évolution des complémentaires santé. Ces débats sont utiles, et même nécessaires, car ils doivent nous permettre – je le dis très clairement – de progresser encore sur le sujet majeur de l’accès aux soins de l’ensemble de nos concitoyens. C’est bien dans cette perspective que s’inscrit le Gouvernement.

Je veux souligner que cette proposition de loi diffère profondément de celle qui avait été présentée par M. Fourcade et dont le Sénat avait débattu. Dans le texte qu’ils ont élaboré à l’automne dernier, les députés ont souhaité clarifier le champ et les modalités d’intervention des réseaux de soins. Je tiens à saluer le travail approfondi réalisé par la commission des affaires sociales du Sénat, et tout particulièrement par son rapporteur général.

L’objectif de la proposition de loi est clair : je l’ai dit, il s’agit de renforcer l’accès aux soins de nos concitoyens, tout en limitant le montant qui reste à leur charge. L’accès de tous à des soins de qualité est une priorité. Cela implique d'abord de conforter l’assurance maladie obligatoire, qui est évidemment le socle fondamental et le pilier de notre système de protection sociale en matière de santé. Le fait que nous nous penchions aujourd'hui sur les conditions d’accès aux complémentaires santé et sur les modalités de contractualisation ne doit pas faire oublier que la clé de voûte de notre système est l’assurance maladie obligatoire. Il n’y a pas de contradiction entre les deux.

L’assurance maladie obligatoire se fonde sur un principe de solidarité entre les bien portants et les malades. Elle constitue ainsi un puissant facteur de réduction des inégalités. Pour autant, notre système de solidarité ne s’est jamais traduit par une prise en charge complète des soins. C’est dans ce contexte, et pour cette raison, qu’il nous revient de préciser la place des complémentaires santé. Celles-ci remboursent aujourd’hui près de 14 % des dépenses de santé, ce qui représentait près de 25 milliards d’euros en 2011.

Comme l’a souligné le HCAAM dans son avis du 11 juillet dernier, la couverture complémentaire de santé apparaît désormais comme un élément essentiel de l’accès aux soins, et notamment, mais pas uniquement, pour les dépenses qui sont moins bien remboursées par l’assurance maladie. Aujourd’hui, un certain nombre de nos concitoyens renoncent à se soigner, faute de complémentaire ou de couverture complémentaire de niveau suffisant. C’est le cas en particulier pour certains soins courants : en matière d’optique, par exemple, l’assurance maladie ne prend en charge que 4 % de la dépense totale des ménages.

Malgré la mise en place de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, dont le seuil – je veux le rappeler – a été relevé le 1er juillet dernier, 2, 5 millions de personnes ne sont pas couvertes par une complémentaire. C’est pourquoi le Président de la République s’est fixé comme objectif « à l’horizon 2017 la généralisation de l’accès à une couverture complémentaire de qualité ».

Une première étape a été franchie avec la signature de l’accord national interprofessionnel, l’ANI, qui permettra à tous les salariés de bénéficier d’une couverture complémentaire dès que les conditions de sa mise en œuvre dans l’ensemble des branches seront réunies, c'est-à-dire au plus tard en 2016.

Il faut maintenant parvenir à généraliser les complémentaires au-delà du seul monde du travail, mais aussi réussir à mieux maîtriser les conditions de la mise en place des complémentaires. Pour les soins qui sont remboursés de façon privilégiée par les complémentaires santé, cela implique de développer des dispositifs de régulation adaptés. Les réseaux peuvent contribuer à cet effort de régulation. Ils permettent en effet aux adhérents des complémentaires santé de se soigner avec un reste à charge moins élevé.

Aujourd’hui, l’ensemble des complémentaires ne disposent pas des mêmes possibilités puisque, sur le plan juridique, elles n’ont pas toutes le droit de mettre en place des réseaux. C’est pourquoi le premier objectif de cette proposition de loi est de placer l’ensemble des complémentaires sur un pied d’égalité.

Les entreprises d’assurance et les institutions de prévoyance ont la possibilité de conventionner sans restriction. À l’inverse, les organismes régis par le code de la mutualité ne peuvent pas proposer à leurs adhérents des contrats intégrant ce type de dispositions. Il faut donc que la loi permette à l’ensemble des complémentaires de disposer des mêmes outils de régulation. En effet, il ne serait pas compréhensible que seules les mutuelles ne puissent pas recourir aux outils de régulation que constituent les réseaux de soins.

Cependant, pour pouvoir se développer, ces réseaux doivent être encadrés. Le travail réalisé par l’Assemblée nationale a permis de définir les principes et les règles qui doivent régir leur fonctionnement. Ces principes ont été précisés par la commission des affaires sociales du Sénat.

Le premier principe est le libre choix du patient. Il est au cœur du modèle de santé français. Nos concitoyens y sont profondément attachés, et il n’est évidemment pas envisageable de le remettre en cause.

Le deuxième principe est l’instauration de règles claires en matière de conventionnement. De telles règles font encore défaut aujourd’hui. Les conventionnements devront reposer sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires. J’insiste, pour ma part, sur la transparence, car elle constitue un point clé de la légitimité des conventionnements. La transparence doit bénéficier à tous : aux professionnels, aux complémentaires et aux patients.

Les conventionnements ne pourront pas comporter de clause d’exclusivité. Il ne serait pas acceptable qu’un professionnel ne puisse conventionner qu’avec un seul réseau, car cela ne correspondrait pas aux besoins de la population. Un professionnel doit pouvoir prendre en charge l’ensemble des patients, en fonction des besoins de santé qu’ils expriment.

L’Autorité de la concurrence a déjà eu l’occasion de rappeler ces principes de transparence, d’objectivité et de non-discrimination : ils seront désormais inscrits dans la loi et deviendront donc opposables. C’est l’objet de l’article 2 de la proposition de loi.

Enfin, le troisième principe est le droit à l’information. L’organisme assureur devra veiller à ce que ses adhérents soient pleinement éclairés sur l’existence d’un conventionnement, sur ses caractéristiques ou encore sur les garanties de remboursement. Ce principe de transparence devra s’appliquer avant la conclusion du contrat et tout au long de son exécution. Le rapport annuel prévu par l’article 3 de la proposition de loi contribuera, lui aussi, à cette exigence de transparence.

La commission des affaires sociales du Sénat a souhaité préciser ces principes en rappelant que chaque professionnel devait à ses patients les mêmes modalités de délivrance des prestations de soins. De la sorte, le texte adopté par la commission rappelle le principe fondamental d’égal accès aux soins édicté par le code de la santé publique. Votre rapporteur général a cependant déposé un amendement visant à mentionner explicitement ce principe dans la proposition de loi.

Même si ce n’est pas nécessaire sur un plan strictement juridique – ce principe fondamental du droit de la santé figure déjà, je viens de le dire, dans le code de la santé publique –, cet amendement permettra de clarifier le sens du texte adopté en commission. Le Gouvernement y sera donc favorable.

La commission a également soulevé la question de l’existence du numerus clausus dans ces réseaux : le texte qu’elle a adopté tend ainsi à prévoir que tous les professionnels pourront conventionner avec les complémentaires santé dès lors qu’ils en respectent le cahier des charges, sauf pour l’optique, où des réseaux fermés peuvent être autorisés.

Cette question est complexe, car l’enjeu n’est pas tant de savoir si un réseau est ouvert ou fermé que de s’assurer que chaque adhérent peut accéder à des professionnels conventionnés à proximité de son lieu de vie. C’est notamment le cas – je sais d’ailleurs que nombre d’entre vous y sont particulièrement sensibles – dans les zones rurales.

Or il ne faudrait pas que, pour des raisons de densité de professionnels médicaux, la constitution de réseaux soit favorisée dans les secteurs urbains, au détriment des secteurs ruraux. Je souhaite que nos débats nous permettent d’approfondir ce point, car, je le répète, le fait d’opposer réseaux ouverts et réseaux fermés ne répond pas à cet enjeu.

Par ailleurs, je tiens à souligner qu’il nous appartient collectivement de veiller au respect des principes constitutionnels, en particulier celui de la liberté contractuelle, qui pourrait être remise en cause par l’interdiction de certaines formes de contractualisation. Prévoir dans la loi une interdiction des réseaux fermés pourrait être considéré comme une atteinte à ce principe constitutionnel. En outre, la souplesse des réseaux peut être essentielle pour faire face aux évolutions de notre système de soins et aux réalités du terrain.

Enfin, il s’agit de préciser le champ d’intervention de ces réseaux de soins, sujet qui a suscité de nombreux débats et de grandes inquiétudes. Comme l’a exprimé le HCAAM dans un avis récent, ces réseaux trouvent tout leur sens pour les soins dont les tarifs ne sont pas aujourd’hui suffisamment encadrés et pour lesquels la prise en charge par l’assurance maladie est limitée. C’est par exemple le cas des soins prothétiques dentaires, mais cela concerne aussi une large part des dispositifs médicaux, au premier rang desquels figurent l’optique et l’audioprothèse.

Néanmoins, soyons clairs : les tarifs de ces soins, fixés par voie conventionnelle entre les syndicats et l’assurance maladie, n’ont pas vocation à être régulés, et ne peuvent l’être, dans le cadre des réseaux, puisque la liberté tarifaire n’existe pas pour ces soins. Je pense en particulier aux soins paramédicaux.

L’examen par l’Assemblée nationale a également permis de préciser que les tarifs des actes médicaux ne pouvaient être encadrés par de tels réseaux : en effet, l’avenant n° 8 a fixé un cadre pour réguler les dépassements d’honoraires, comme le souhaitait fermement le Gouvernement.

La commission des affaires sociales du Sénat a complété ces mesures en précisant que ces actes médicaux ne pouvaient pas, dès lors, donner lieu à des remboursements différenciés dans le cadre de ces réseaux. Je veux le dire ici de façon très claire, c’est bien dans cet esprit que l’Assemblée nationale avait adopté ces dispositions. Pour les députés, il s’agissait de la conséquence logique de la rédaction qu’ils avaient adoptée. Néanmoins, il vous a paru utile de préciser ce point dans le texte que vous avez voté en commission. C’est sans doute une bonne chose que cette ambiguïté ait été dissipée.

Par ailleurs, la commission a souhaité expliciter et restreindre le champ des professions pour lesquelles les réseaux de soins peuvent comporter des stipulations tarifaires. Le texte adopté limite, en effet, l’encadrement des tarifs pour les actes remboursés par l’assurance maladie aux seuls professionnels pour lesquels les complémentaires sont majoritaires dans le financement, c’est-à-dire les opticiens, les audioprothésistes et les chirurgiens-dentistes. Nous pouvons en discuter, mais vous avez souhaité poser ce point de départ. De mon point de vue, si les complémentaires ont, à l’évidence, un rôle majeur à jouer là où l’assurance maladie propose actuellement un remboursement inférieur à 50 %, on ne peut pas déterminer la part que doivent prendre les complémentaires en fonction de ce qu’est aujourd’hui…

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