Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui définit les principes de fonctionnement des réseaux de soins constitués par les organismes complémentaires en santé, mutuelles, assureurs ou institutions de prévoyance. Ce sujet a fait l’objet de longs débats au sein de notre Haute Assemblée en 2011.
La proposition de loi déposée par M. Le Roux reprend, en effet, une des dispositions de la loi du 10 août 2011, dite loi Fourcade, modifiant la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires. À l’époque, cette mesure avait été insérée par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, afin de donner la possibilité aux mutuelles de mieux rembourser leurs adhérents, lorsque ces derniers faisaient appel à un prestataire de santé membre d’un réseau de soins avec lequel elles avaient conclu un contrat.
Après sa suppression par le Sénat, sur l’initiative de plusieurs membres de la commission des affaires sociales – et pas uniquement de son rapporteur ! –, un compromis avait été trouvé lors de la commission mixte paritaire, consistant en une expérimentation très encadrée d’une durée de trois ans. L’article correspondant avait finalement été censuré par le Conseil constitutionnel, qui l’avait considéré comme un cavalier législatif.
Permettez-moi, mes chers collègues, de revenir quelques instants sur la méthode employée.
Tout d’abord, j’observe que cette proposition de loi présentée par le président du groupe socialiste de l’Assemblée nationale ne devait pas être une priorité pour le groupe socialiste du Sénat, puisqu’il ne l’a jamais inscrite dans la moindre de ses « niches parlementaires » depuis son adoption par l’Assemblée nationale, le 28 novembre 2012 !
Quelle urgence y avait-il à examiner ce texte en fin de session extraordinaire, un 24 juillet ? Est-ce une réponse à certaines mutuelles pour qu’elles finissent par accepter l’ANI ? Je vous rappelle que la généralisation de la complémentaire santé au sein de chaque entreprise a mis en émoi de nombreux intervenants de l’économie de l’assurance santé. Plusieurs d’entre eux avaient parlé de milliers d’emplois supprimés et de la liquidation de plusieurs mutuelles.
En ce qui concerne la procédure, je tiens à rappeler que l’obligation de procéder à une étude d’impact existant pour les projets de loi ne s’applique pas aux propositions de loi. En outre, sur un sujet aussi important, il aurait été utile, avant que le Parlement ne se prononce, de solliciter le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie afin d’obtenir un éclairage précis sur la prise en charge par les organismes complémentaires d’assurance maladie du reste à charge.
J’en viens au fond : alors que j’étais rapporteur de la loi Fourcade, j’avais rappelé qu’offrir un meilleur remboursement aux adhérents qui se font soigner par un professionnel conventionné par un réseau de soins s’inscrit non pas dans le cadre du conventionnement de ce dernier, mais bien dans celui des relations entre les adhérents et les mutuelles. À ce jour, je reste convaincu qu’une modulation de la prise en charge des prestations, selon que le patient choisit ou non de recourir à un professionnel de santé membre d’un réseau, va à l’encontre des principes de notre système de santé, fondé notamment sur l’équité et le libre choix du patient, et ne résout pas nécessairement la problématique du reste à charge.
Les mutuelles appellent de leurs vœux cette pratique qui leur est interdite par le code de la mutualité, à la différence des autres organismes complémentaires d’assurance maladie. À la suite de deux récents arrêts de la Cour de cassation, qui leur a rappelé cette interdiction, elles veulent une modification législative pour rétablir, disent-elles, l’égalité de la concurrence. Or, dans l’un de ses jugements, la Cour de cassation souligne que les plaignants « n’avaient pas de choix libre entre un orthodontiste non conventionné à leur porte et un conventionné à 45 kilomètres ». La mise en place de ces réseaux ne règle donc en rien le problème des déserts médicaux et pourrait même l’aggraver !
Cette proposition de loi vise, en réalité, à étendre une pratique déjà développée. Sans doute est-ce le signe d’une perte de pouvoir : de plus en plus souvent, le politique court après l’existant et cherche à trouver des solutions après coup, voire à se poser les questions une fois la législation en place.