Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les réseaux de soins existent depuis plus de dix ans. Ils ont leur utilité, notamment pour développer la pratique du tiers payant. Il n’est donc pas question ici de les remettre en cause en tant que tels.
En conséquence, l’objet de cette proposition de loi est non de réformer globalement les réseaux de soins, mais principalement d’en encadrer l’une des modalités, celle du remboursement différencié.
Il convient donc, d’emblée, d’établir une distinction claire entre, d’une part, les réseaux de soins et, d’autre part, la prestation différenciée. C’est ce qui nous amène au véritable sujet du texte : permettre aux mutuelles de pratiquer des remboursements différenciés au sein desdits réseaux.
On le sait, la question se pose parce que, dans sa rédaction actuelle, le code de la mutualité interdit explicitement aux mutuelles de moduler leurs prestations en faveur de leurs adhérents ayant recours à un professionnel de santé membre d’un réseau de soins.
La Cour de cassation a rappelé les mutuelles au respect de cette interdiction par un arrêt du 18 mars 2010. Cette jurisprudence constante, nous l’interprétons comme un appel au législateur, un appel d’autant plus légitime qu’aucune interdiction comparable ne s’impose aux deux autres catégories de complémentaires santé que sont les instituts de prévoyance et les assurances.
L’objet de ce texte serait donc de rétablir l’égalité sur ce point entre mutuelles, d’une part, et instituts de prévoyance et assurances, d’autre part, et ce dans un contexte de concurrence évidemment exacerbée par la généralisation de la complémentaire santé salariale mise en place par la loi de sécurisation de l’emploi.
La mesure semble donc légitime. Elle est, d’ailleurs, recommandée de toutes parts, de la Cour des comptes au Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie.
À vrai dire, nous n’entrerons pas dans ces considérations. Il ne nous appartient pas de défendre tel ou tel opérateur face à tel ou tel autre. Notre rôle de législateur est de défendre l’intérêt général, en l’occurrence celui de l’assuré, du patient : le seul enjeu pour nous est que chacun, quels que soient ses revenus, même et surtout les plus modestes, puisse avoir des lunettes ou se faire poser une prothèse dentaire au meilleur prix, c’est-à-dire avec un reste à charge le plus bas possible.
Le développement du remboursement différencié sert-il cet objectif ? La réponse est, pour l’instant, affirmative. Si nous répondons ainsi, c’est parce que les avis autorisés convergent. L’Autorité de la concurrence et la Cour des comptes concluent que le reste à charge est, en moyenne, inférieur, au sein des réseaux.
Observons tout de même que ce résultat n’est pas uniquement le fait du remboursement différencié. Il se combine avec la négociation de tarifs plus avantageux pratiqués par les professionnels conventionnés.
Schématiquement, l’augmentation des volumes et une certaine standardisation permettent une baisse des coûts de fourniture répercutée d’abord dans les prix, puis dans la bonification du remboursement. Selon ce schéma vertueux, il n’est pas irrationnel de compter sur le remboursement différencié pour contribuer à faire baisser le reste à charge à l’avenir, à condition, bien sûr, que son développement n’ait pas d’effets pervers préjudiciables à l’assuré !
Pour cela, un certain nombre de conditions doivent être réunies. J’en énumérerai quatre.
Premièrement, il ne faudrait évidemment pas que le remboursement différencié conduise à une augmentation du reste à charge pour les assurés qui n’auraient pas la possibilité de recourir à un professionnel de réseau.
Autrement dit, la prestation différenciée doit demeurer une bonification de remboursement au sein du réseau, et non se transformer en pénalité pour les autres. Le seul moyen d’éviter cela est de garantir un remboursement minimal de toute prestation. Notre groupe a préparé un amendement sur ce point très difficile, on le sait. Je pense que Jean-Marie Vanlerenberghe interrogera Mme la ministre sur ce sujet. Une réponse rassurante nous ferait plaisir.
Après avoir réglé la question de la quantité, se pose la deuxième question clé, celle de la qualité des prestations : comment la garantir dans les futurs réseaux de soins ?
Sur ce point encore, le texte a été amélioré en commission. Il tend à prohiber toute discrimination dans la délivrance des soins entre assurés. Comment, toutefois, garantir en amont la médicalité des conventions elles-mêmes ? Certes, les cahiers des charges sont élaborés en concertation avec les professions médicales concernées, puis contrôlés par l’Autorité de la concurrence. Mais ces professions ne sont pas des autorités médicales extérieures à l’accord et l’Autorité de la concurrence n’est pas une autorité médicale du tout.
Nous voulions, là aussi, défendre un amendement visant à faire certifier la médicalité des cahiers des charges par la Haute Autorité de santé, par exemple. Après réflexion, cela ne nous a pas paru possible. Nous souhaiterions que le rapport annuel d’évolution des conventionnements soit un moyen de contrôler la médicalité de ces conventions avec une année de retard. Autrement dit, nous aimerions que la clause de trois ans ne soit pas respectée et que le rapport ait définitivement un caractère annuel.
Troisièmement, il ne faudrait pas que la liberté de l’assuré de choisir son prestataire se trouve, de fait, entamée.
On ne cesse de répéter que l’assuré restera libre. Bien sûr ! Mais si la paire de lunettes est remboursée 50 euros en un lieu et 200 euros ailleurs, pour la plupart des assurés, le calcul sera vite fait… Et que faire si l’opticien conventionné est loin ? Cela pose la question de l’accès à des soins de proximité. Vous l’avez dit, madame le ministre, en filigrane ressurgissent le spectre de la désertification médicale et le débat sur les réseaux ouverts et fermés.
Bien entendu, seuls les réseaux ouverts sont susceptibles de garantir la meilleure accessibilité géographique aux soins. C’est pourquoi nous ne pouvons que saluer l’effort d’amélioration entrepris par notre rapporteur général en la matière. Le texte issu des travaux de la commission des affaires sociales précise en effet que, par principe, les réseaux constitués seront ouverts, à l’exception notable des opticiens-lunetiers.