Madame la ministre, vous l’avez rappelé, la priorité du Gouvernement, c’est l’accès de tous à des soins de qualité. Pour garantir cet accès aux soins, le pilier fondamental, c’est l’assurance maladie obligatoire. Il n’est donc pas question de remettre en cause ce dispositif, garant d’un système de santé solidaire. Il faut le répéter pour faire taire l’une des objections sans fondement à la proposition de loi que nous discutons aujourd’hui.
Si cette proposition de loi n’a pas vocation à régir l’accès aux soins dans son ensemble, elle constitue cependant une étape importante, puisqu’elle nous offre l’occasion de commencer à fixer les règles du jeu entre les réseaux et les organismes complémentaires.
Aujourd’hui, nous devons d’abord répondre à l’urgence de combler un vide juridique et modifier le code de la mutualité pour acter le principe de conventionnement mutualiste et mettre ainsi sur un pied d’égalité les trois familles d’organismes de protection sociale complémentaires : mutuelles, instituts de prévoyance et sociétés d’assurance. En effet, cette possibilité, remise en cause par un arrêté de la Cour de cassation de mars 2010, insécurise les mutuelles qui encourent des condamnations à brève échéance.
Or, depuis la mise en place de réseaux de soins dans les secteurs où la prise en charge de l’assurance maladie est faible – soins dentaires, optique, audioprothèse –, on observe une baisse des tarifs de 30 %, de 40 %, voire de 50 %, ce qui permet l’accès des ménages modestes à des soins majeurs.
La légalisation des réseaux de soins mis en place par les mutuelles depuis une vingtaine d’années dans les secteurs où l’assurance maladie s’est le plus désengagée est une promesse de campagne de François Hollande, parce qu’elle favorise les conditions d’un meilleur accès de tous à des soins de qualité et au meilleur coût.
La loi Fourcade de 2011 avait tenté, dans son article 22, de légiférer dans le même sens et n’avait pas alors suscité d’oppositions de fond. Pourtant, elle n’apportait pas les garanties que ce texte présente et que j’évoquerai dans un instant.
Depuis dix ans, les politiques de santé mises en œuvre par la précédente majorité ont mis à mal la protection des Français en réduisant le périmètre des solidarités nationales, avec les réformes successives sur les participations forfaitaires, les franchises médicales et la diminution du taux de remboursement de certains médicaments. Ce désengagement a entraîné le développement de la prise en charge par les organismes complémentaires, en premier lieu par les mutuelles.
Les organismes complémentaires prennent aujourd’hui en charge 13, 7 % des dépenses de santé, soit 26 milliards d’euros, ce qui légitime des politiques de gestion du risque et des partenariats avec les professionnels et des établissements de santé, comme l’a rappelé la présidente de la commission des affaires sociales à une autre occasion.
Si le socle reste et doit rester – j’insiste ! – l’assurance maladie obligatoire, les complémentaires existent et il n’a jamais été question que la sécurité sociale constitue l’élément exclusif du système. Encore faut-il que toutes les complémentaires de santé soient placées dans une situation identique. Or les mutuelles regroupent à elles seules 38 millions d’usagers : elles font partie de l’histoire de la solidarité et ont toute légitimité pour être des acteurs à part entière et agir dans le domaine des réseaux de soins, avec les effets positifs que l’on relève.
L’objectif des réseaux de soins est de faire pression sur les prix pour diminuer le reste à charge pour les patients, dans un contexte où 10 % à 15 % de nos concitoyens disent avoir renoncé à des soins pour des raisons financières, en particulier dans les secteurs que j’ai précédemment cités.
La réduction du reste à charge pour le patient doit bien être le fil conducteur de nos orientations en matière de protection sociale, et tout ce qui peut y participer doit être encouragé.
La proposition de loi que nous présentons aujourd’hui a été enrichie par notre assemblée pour répondre aux craintes que nous avons entendues. Les grands principes qui la sous-tendent et garantissent la régulation et la transparence de ces réseaux ont été précisés.
Ainsi l’article 2 nouveau définit-il le cadre juridique des réseaux de soins, quel que soit leur statut. Il précise que les conventions conclues ne peuvent porter sur le niveau des tarifs pratiqués par le médecin pour les actes et prestations qui sont remboursés par l’assurance maladie obligatoire dans le cadre des conventions médicales nationales. Il interdit les clauses d’exclusivité ; il indique que le réseau ne peut porter atteinte au libre choix du patient et qu’il doit reposer sur des critères objectifs, transparents et non discriminatoires de sélection des professionnels, vous l’avez rappelé, madame la ministre. Il garantit une information claire et complète des adhérents sur les caractéristiques des soins mis en place par sa complémentaire, ainsi que sur l’impact sur les garanties souscrites. Le patient pourra donc choisir, en toute connaissance de cause, son praticien et connaître le montant de son remboursement.
L’article 3 nouveau prévoit que, à compter du 30 juin 2013, un rapport annuel adressé au Parlement par le Gouvernement analysera les conséquences de la mise en place des réseaux de soins quant à la qualité des prestations offertes et à l’amélioration de l’accès aux soins des assurés concernés.
Afin d’aller encore plus loin, la commission des affaires sociales de notre assemblée a adopté plusieurs amendements du rapporteur général. Ainsi, nous devrons nous prononcer sur la possibilité pour les organismes complémentaires de « contractualiser avec les professions de santé », sans que les conventions comportent de clauses tarifaires, hormis pour les chirurgiens-dentistes, les opticiens et les audioprothésistes.
Les conventions avec les médecins ne pourront avoir pour effet une modulation du remboursement et les conventions entre les mutuelles et les professionnels ne pourront entraîner de discriminations dans la délivrance des soins.
Enfin, les réseaux de soins seront ouverts à tous les professionnels remplissant les conditions fixées, sauf pour l’optique où la démographie justifie le recours à cet outil de régulation. On observe, en effet, dans ce secteur une forte croissance des magasins d’optique avec 47 % de points de vente supplémentaires par rapport à 2000. Or cette croissance excède largement l’augmentation des besoins médicaux de la population et entraîne une sous-productivité qui se traduit dans les marges brutes prélevées par les opticiens.
Grâce à la précision apportée par le rapporteur général, cet article tendra également à affirmer qu’être dans un réseau de soins ne revient pas à être favorisé pour l’accès aux soins.
Aussi, la majorité des membres de mon groupe votera ce texte qui, tout en donnant une base juridique à des réseaux existants et opérants, ce qui est son objectif principal à court terme, dissipe les inquiétudes qu’il a suscitées, particulièrement celles qui concernent l’inclusion des médecins dans le dispositif, l’aliénation du choix des patients et la crainte d’une moindre qualité des prestations.
La future grande loi de santé publique auquel nous travaillons viendra en son temps répondre à tous les enjeux majeurs de l’organisation de notre système de santé. Elle nous permettra de débattre du sujet global de la régulation de l’offre de soins dans notre pays, pour que les générations à venir continuent à bénéficier d’une protection sociale juste et solidaire et d’un accès aux soins qui ne soit pas régi seulement par une logique de marché.