Intervention de René Teulade

Réunion du 24 juillet 2013 à 14h30
Réseaux de soins — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de René TeuladeRené Teulade :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en matière de santé, le renoncement aux soins est un phénomène de plus en plus prégnant. Pour preuve, en 2010, 32, 6 % des personnes qui n’étaient pas couvertes par une complémentaire santé déclaraient avoir renoncé à des soins pour des raisons pécuniaires.

Dès lors, il n’est pas surprenant de constater que, dans le cadre de la conférence nationale contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale qui s’est tenue l’hiver dernier, le groupe de travail sur la santé et l’accès aux soins préconisait une extension de la couverture maladie universelle, de la CMU complémentaire, ainsi qu’un accès aux complémentaires santé à des coûts maîtrisés pour les plus démunis.

Par conséquent, la fragilisation et la paupérisation croissantes d’une frange importante de la population conduisent à faire de l’accès aux soins une problématique vive, qui se pose à l’échelon du continent européen lui-même. En guise d’illustration, comment ne pas mentionner la Grèce, pays dans lequel la crise économico-sociale a conduit à la résurgence de maladies que l’on pensait depuis longtemps disparues ?

Bien entendu, toute comparaison abusive me ferait tomber dans l’inanité. Notre système de santé n’a pas été autant affecté par les politiques d’assainissement budgétaire que celui de l’État hellénique. Pour autant, d’autres funestes fléaux, tels que la désertification médicale, participent au creusement des inégalités territoriales et renforcent les difficultés d’accès aux soins.

Or l’intérêt de la présente proposition de loi réside précisément dans l’apport d’une solution à ces entraves. Il s’agit de permettre aux mutuelles d’être en mesure d’améliorer l’accès aux soins de leurs affiliés en régulant les secteurs inflationnistes ou ceux qui sont délaissés par l’assurance maladie, c’est-à-dire les secteurs où les mutuelles trouvent une légitimité pour intervenir.

Aujourd’hui, la part des remboursements des complémentaires santé est majoritaire en matière d’optique, de soins dentaires et d’audioprothèse. À titre d’exemple, en moyenne, l’assurance maladie rembourse 4 % des frais d’équipement en optique, quand les organismes complémentaires prennent en charge 45 % de cette dépense. Autrement dit, un reste à charge singulièrement élevé pour le patient demeure; ce qui explique d’ailleurs, dans une large mesure, le renoncement aux soins que j’évoquais précédemment.

Sans revenir exhaustivement sur les dispositions du texte, parfaitement présentées, d’ailleurs, par M. le rapporteur général, la pratique du remboursement différencié selon le cas où les patients recourent à un professionnel de santé conventionné ou non, dans les conditions, strictes, fixées par la présente proposition de loi, est de nature à diminuer le reste à charge des adhérents et, donc, à améliorer leur accès aux soins.

Par ailleurs, ai-je bien entendu et saisi les arguments des pourfendeurs de la modulation du remboursement sur le fondement du conventionnement mutualiste ? La liberté de choix du praticien par le patient serait, paraît-il, entravée. En réalité, il s’agit ici d’un postulat spécieux : l’incitation financière visant à faire appel à un professionnel de santé membre d’un réseau de soins n’est en aucun cas une obligation. La nuance est donc de taille, et il faudra veiller à ce que la couverture territoriale du réseau soit, naturellement, la meilleure possible.

D’autre part, d’aucuns ont également mis en exergue le fait que la qualité des équipements fournis serait de moins bonne facture dans les réseaux de soins. Or, en l’espèce, la constitution de tels réseaux n’aurait aucun sens si elle aboutissait à une détérioration de ladite qualité. Au contraire, il semble que l’encadrement des appels d’offre afférents à la procédure d’adhésion aux conventions ainsi que le contrôle exercé par les mutuelles sur les professionnels de santé membres des réseaux favorisent un accès à des soins de haute qualité pour un coût raisonnable, comme en témoignent d’ailleurs plusieurs études.

Enfin, conformément à l’engagement du Président de la République, retranscrit dans la loi relative à la sécurisation de l’emploi; après accord de la majorité des partenaires sociaux, la généralisation de la couverture complémentaire santé obligatoire devrait être instituée d’ici à 2017, ce qui doit être salué. Néanmoins, je tiens ardemment à souligner qu’elle n’est qu’un premier pas.

En effet, l’amélioration de l’accès aux soins ne peut s’arrêter aux seuls salariés. Les étudiants, les chômeurs, les retraités ne doivent pas être oubliés, car, à terme, le risque est d’assister à l’avènement d’un système à trois vitesses dans lequel l’assurance maladie serait complétée par une couverture complémentaire, qui ne serait obligatoire que pour certains, tandis que les plus aisés opteraient pour une sur-complémentaire. In fine, ce serait une nette régression par rapport au modèle pensé après guerre.

Enjeu éminent de santé publique, mais plus substantiellement révélateur du progrès social au sein de notre société, l’amélioration de l’accès aux soins, ou le refus de l’inégalité devant la souffrance, doit rester un leitmotiv permanent.

C’est la raison pour laquelle j’ai souvent défini, à titre personnel, la sécurité sociale comme le droit à ne pas courber l’échine. Je n’ai pas toujours été compris. J’explique alors que c’est en Corrèze, lors de ma jeunesse, que j’ai vu deux pauvres voisins se courber jusqu’à terre après la visite de leur médecin pour le remercier de ne pas les avoir fait payer et d’avoir même participé à l’achat de médicaments en laissant sur la table de nuit de l’argent… Nous devons l’affirmer en permanence et c’est là le fond de notre débat futur : la sécurité sociale est ce qui sépare la charité du droit et la dignité de l’assistance. §

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