Intervention de Laurence Cohen

Réunion du 24 juillet 2013 à 14h30
Réseaux de soins — Article 1er

Photo de Laurence CohenLaurence Cohen :

L’article 1er, qui constitue à lui seul l’objet de cette proposition de loi, nous contraint à deux options qui ne sont pas véritablement des choix.

Soit nous adoptons cette proposition de loi, au motif que les moyens à mettre en œuvre importent peu, tant que le reste à charge des patients diminue.

Soit nous nous prononçons contre son adoption, et nous continuons de fait à accepter les difficultés de nombre de nos concitoyens à se faire soigner par un chirurgien-dentiste, à s’équiper de lunettes ou d’audioprothèses.

L’application de l’article 40 de la Constitution nous prive d’un débat alternatif puisqu’il nous est impossible d’amender cette proposition de loi afin de renforcer la participation de notre système de protection sociale dans les domaines principalement visés par ce texte, à savoir les soins dentaires, l’optique ou l’audioprothèse, dans lesquels, reconnaissons-le, les remboursements par la sécurité sociale sont particulièrement faibles. Alors que nous constatons toutes et tous cette carence, je m’étonne d’ailleurs que nous nous retrouvions aujourd’hui à débattre d’une proposition de loi qui désarme encore un peu plus l’État et la protection sociale au bénéfice d’opérateurs économiques privés.

Pourtant, Mme la rapporteur du texte à l’Assemblée nationale a été claire lorsqu’elle affirma : « Cette situation, qui est de fait celle d’un système de santé à plusieurs vitesses, est responsable du maintien, voire du creusement des inégalités dans l’accès aux soins, et génère des comportements de renoncement à certains soins pour des raisons financières. »

Hélas, pour résoudre cette inégalité sociale – c’est bien de cela qu’il s’agit –, on nous propose de combattre la protection sociale obligatoire à deux vitesses, non pas en remédiant à cette situation, mais en proposant de transposer cette situation à la protection sociale complémentaire. Car, soyons clairs, nos concitoyennes et concitoyens les plus modestes, ceux par exemple qui sont assujettis à la CMU et à la CMU-C, dont plus de 33 % ont déjà renoncé aux soins pour des raisons financières, et qui sont de fait parmi les plus nombreux à renoncer aux soins, ne seront pas demain mieux remboursés qu’ils ne l’étaient hier, et ne bénéficieront d’aucun accès facilité aux soins.

Les personnes âgées ou en situation de handicap, qui peinent à se déplacer et dont les frais de santé sont parmi les plus importants, seront discriminées, si elles ne peuvent s’inscrire dans un réseau de soins en raison de leur manque de mobilité, par rapport aux autres adhérents qui, eux, n’ont pas de difficulté à se déplacer.

Quant à celles et ceux qui ne peuvent pas souscrire une mutuelle, faute de moyens suffisants, mais ne sont pas bénéficiaires pour autant de la CMU, l’adoption de ce texte n’améliorera en rien leur accès aux soins.

En effet, pour ces derniers et, d’une manière générale, pour tous nos concitoyens, la seule manière efficace de réduire les inégalités territoriales et sociales en matière de santé réside dans le renforcement de notre système de protection sociale.

J’ai bien compris, en commission et aujourd’hui encore, que cet objectif était partagé au-delà des rangs du groupe CRC. Je me réjouis que nous partagions ainsi les mêmes valeurs. Mais cela ne suffit pas, mes chers collègues. Où sont les actes communs ?

Comment interpréter le fait que, comme sous le précédent quinquennat, les 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations sociales consenties aux employeurs perdurent ?

Comme j’ai eu l’occasion de le souligner lors de mon intervention générale, l’ANI, madame la ministre, a encore appauvri la sécurité sociale de 2, 5 milliards d’euros, dans le but précisément de renforcer le développement des contrats complémentaires, comme s’il fallait, pour permettre le développement de tels contrats, affaiblir le seul régime solidaire et universel qui existe, la sécurité sociale.

Et aujourd’hui, plutôt que de renforcer la sécurité sociale, plutôt que de rassurer nos concitoyens sur sa place dans les années à venir, nous renforçons les complémentaires.

Tout cela nous inquiète pour l’avenir, puisque nous n’ignorons rien de la tentation que certains nourrissent de substituer progressivement les mutuelles à la sécurité sociale, et de transférer le financement de celle-ci des richesses produites par le travail à la consommation, au moyen d’une augmentation de la CSG ou de la TVA.

Il suffit d’ailleurs de lire avec attention le rapport de l’Assemblée nationale pour s’apercevoir que cette proposition de loi pourrait n’être qu’une étape.

Vous comprendrez, mes chers collègues, que, dès aujourd’hui, le groupe CRC réaffirme que seul l’élargissement du périmètre et du niveau de remboursement des soins par la sécurité sociale est de nature à réduire efficacement et solidairement le reste à charge que supportent actuellement nos concitoyens. Nous devons avoir le courage d’avancer ensemble dans cette voie. Or c’est précisément le chemin inverse que l’on nous propose malheureusement d’emprunter au travers de cet article.

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