Intervention de Jean-Pierre Raffarin

Réunion du 4 septembre 2013 à 16h00
Débat sur la situation en syrie

Photo de Jean-Pierre RaffarinJean-Pierre Raffarin :

Quel mauvais exemple nous donnerions en nous affranchissant des Nations unies dès lors qu’elles gêneraient notre liberté d’action ! Les conditions posées par le chapitre VII de la Charte des Nations unies ne peuvent être réunies : en effet, nous ne sommes pas dans le cas d’une menace contre la paix, prévu à l’article 39, ou en état de légitime défense, comme visé à l’article 51.

La tragédie syrienne dure depuis plus de deux ans, elle a fait plus de 100 000 morts par armes conventionnelles. Malgré cela, le Conseil de sécurité est toujours divisé et sa décision est dépendante d’un veto d’un membre permanent.

Invoquer la « responsabilité de protéger » les populations constitue certes une voie de recours, mais, là non plus, on ne peut s’affranchir d’un acquiescement ou d’une absence d’opposition des Nations unies.

Créer un précédent serait donc regrettable, car cela permettrait à des États mal intentionnés de prendre parti dans telle ou telle querelle intérieure au nom de la sauvegarde d’une fraction de la population. La légalité internationale prévient les abus à venir.

On parle de mener des frappes aériennes pour « punir » Bachar Al-Assad d’avoir franchi une « ligne rouge », celle de l’usage de l’arme chimique.

La dimension morale de cette forme de réaction est forte, mais celle-ci n’en suscite pas moins de sérieuses interrogations de notre part. Cela fait deux ans que les combats armés se déchaînent en Syrie. Ils ont causé plus de 110 000 morts, le déplacement d’innombrables réfugiés, des drames humains séparant des communautés qui, jusqu’alors, vivaient ensemble sans trop de difficultés. Ces actions ne sont-elles pas en elles-mêmes punissables ? Pourquoi la situation serait-elle devenue brutalement telle qu’il faille maintenant bombarder la Syrie sans mandat international ?

Le recours à l’arme chimique est odieux, insupportable, mais l’utilisation de bombes à fragmentation l’est-elle moins ? Il ne s’agit pas d’accepter, il ne s’agit pas de se résigner, mais, au contraire, de réagir de la meilleure façon, la plus efficace au regard de l’objectif visé, à savoir le retour à la paix et à la concorde civile en Syrie et dans la région !

Évidemment, nous payons tous le prix de l’attentisme de la communauté internationale sur ce dossier.

On parle de frappes « ciblées », « proportionnées », devant dissuader Damas de recourir à nouveau à l’arme chimique et attester que les lignes rouges fixées ne peuvent être franchies sans que cela entraîne de sérieuses conséquences.

Mais, parce que la situation intérieure est d’une extrême complexité, l’on dit dans le même temps que l’on ne veut pas provoquer la chute de Bachar Al-Assad et un changement de régime…

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