Intervention de Pierre Laurent

Réunion du 4 septembre 2013 à 16h00
Débat sur la situation en syrie

Photo de Pierre LaurentPierre Laurent :

La France doit cesser de se fourvoyer et reprendre l’initiative politique et diplomatique. Cela est encore possible, mais il y a urgence.

On voit d’ailleurs le niveau élevé des réticences politiques et des rejets populaires de la guerre en Grande-Bretagne, en Allemagne, en Italie, dans toute l’Europe, et même aux États-Unis.

Non, il n’y a pas de consensus pour la guerre !

La France, monsieur le ministre, a mis jusqu’ici son énergie dans l’option militaire. Nous vous demandons de l’investir dans la recherche d’une issue politique. Au lieu d’imposer la guerre, il faut, avec détermination, avec vos alliés, avec la Russie, emmener les protagonistes syriens aux conditions d’un règlement politique, avec un calendrier et de vraies décisions qui puissent constituer une réelle avancée dans la voie de la transition démocratique attendue par le peuple syrien. La France se grandirait en agissant ainsi, même si, nous le savons, le chemin est difficile.

Le G20 doit être utilisé pour une première et urgente concertation multilatérale, en particulier avec la Russie, les États-Unis et les autres puissances concernées.

La crise géopolitique syrienne sollicite donc, avec insistance, la France et le rôle qui devrait être le sien dans le monde d’aujourd’hui. Car cette crise majeure fait surgir immédiatement d’autres questions de grande portée internationale, en particulier l’enjeu global de la sécurité internationale, celui du désarmement et de l’élimination des armes non conventionnelles ou de destruction massive.

Il n’y a pas, en effet, que les armes chimiques. Il y a aussi, notamment dans la région, les armes nucléaires et la question, cruciale, de la prolifération.

Lors de la Conférence des ambassadeurs, voilà seulement quelques jours, le Président de la République, à propos de la crise sur le nucléaire iranien, a explicitement affirmé : « Le temps presse […], la menace grandit et le compte à rebours est d’ores et déjà enclenché. » Nous souhaitons, monsieur le ministre, que cette grave formulation, visant le principal allié de la Syrie, ne soit pas l’annonce que la crise iranienne devrait, elle aussi, le moment venu, passer par l’inacceptable et dangereuse phase d’une nouvelle opération militaire.

On dit, en effet, à Paris comme à Washington, que « toutes les options sont sur la table ». Y compris, de nouveau, la guerre ? Jusqu’où irons-nous encore ? Je souhaite, monsieur le ministre, que vous répondiez à cette question.

Le traité de non-prolifération doit être respecté par tous ses signataires. Il faut aller vers un désarmement nucléaire multilatéral et contrôlé. Et ni les États-Unis, ni la France, ni d’autres puissances ne peuvent se permettre d’envisager le règlement de toutes les crises par la force. C’est impensable ! Ne nous engageons pas dans un tel engrenage !

Construire une sécurité collective et humaine sur le plan international appelle tout autre chose que la guerre et les ambitions de domination qui vont avec. La France ne doit pas suivre Washington sur ce fil qui mène aux déstabilisations et aux désastres que nous connaissons déjà. Un changement sur le fond de politique internationale et de conception de la sécurité s’impose, avec un effort indispensable pour le désarmement concernant toutes les armes de destruction massive, et la nécessité de lier cette option essentielle au règlement des conflits, notamment la crise sur le nucléaire iranien, la politique israélienne et la question de la Palestine, la politique de la Turquie et la question kurde…

L’urgence n’est pas de faire la guerre ; elle est de construire un avenir commun pour tous les peuples dans cette région cruciale de la Méditerranée et du Proche-Orient. Saurons-nous, en Syrie et ailleurs, commencer à relever ce formidable défi ? Nous pensons, pour notre part, que la France, si elle le décide, en a la force.

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