Intervention de Laurent Fabius

Réunion du 4 septembre 2013 à 16h00
Débat sur la situation en syrie

Laurent Fabius :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord remercier tous ceux qui sont intervenus, quelle que soit leur position : Jean-Michel Baylet, André Gattolin, Philippe Adnot, Jean-Pierre Raffarin, François Rebsamen, Pierre Laurent, Jean-Marie Bockel, Jean-Pierre Chevènement, Jean-Pierre Vial et, à l’instant, le président Jean-Louis Carrère.

Je les remercie, non seulement parce qu’ils ont élaboré des réponses, pris en considération les arguments, mais aussi, personne ne le contestera, parce que le climat de nos débats est empreint de gravité, de sérieux, d’écoute de l’autre. Cela est extrêmement important sur un sujet comme celui-ci, car si, en définitive, il faut choisir – vous l’avez dit fort bien, monsieur le président de la commission, nous ne sommes pas des commentateurs, des journalistes libres d’écrire ce qu’ils veulent, ni même des citoyens pouvant interpréter la situation comme ils l’entendent –, nous devons regarder les deux côtés – il y a deux colonnes –, mais, à la différence de beaucoup, – c’est cela notre responsabilité politique – nous devons faire un trait en bas des deux colonnes et décider dans un sens ou dans un autre.

À cet égard, il est juste de dire qu’aucune solution n’est parfaite. C’est peut-être le propre de la décision politique. Mais la décision politique supérieure, c’est lorsqu’il existe, pour chaque solution, des inconvénients et des avantages. Il faut faire la balance, qui est très délicate et dépend de la grille d’analyse, de la réflexion de celui qui la fait.

Cela s’applique particulièrement dans une situation aussi complexe que celle de la Syrie aujourd’hui.

Avant de répondre précisément aux orateurs, je voudrais ajouter deux messages qui, j’en suis sûr, seront partagés par beaucoup.

Nous discutons, c’est le propre de notre démocratie. Vos collègues députés le font aussi au même instant. Mais il ne faut jamais perdre de vue qu’il y a d’abord les hommes et les femmes en Syrie et dans les territoires autour, et qu’ils ne sont pas du tout indifférents à nos débats.

Un orateur a dit qu’il avait visité les camps. Je l’ai fait aussi, comme plusieurs d’entre vous. C’est une émotion terrible de voir les images que vous avez vues : des enfants morts dans des linceuls de fortune. Nous avons tous ressenti cette émotion, cette indignation, et il faut en tenir compte. Mais, dans le même temps, nous devons aller plus loin, réfléchir.

Je pense à ces Syriens, en particulier à ceux que nous avons vus dans les camps. Le camp qui m’a peut-être le plus touché est le camp de Zaatari, que certains d’entre vous connaissent sans doute. Le nombre de réfugiés dans ce camp, qui était à l’origine de 10 000, est aujourd’hui de 130 000 ; ils sont dans le désert, sans rien.

Il faut écouter ce que nous disent les Syriens – ce sont des Syriens qui sont partis –, et ne pas être portés uniquement par l’émotion. Ainsi, au moment de prendre notre position, et même s’il faut faire la part de l’émotion et du raisonnement, les choses vont tout de même dans un certain sens.

Je n’ai entendu aucune de ces femmes ou aucun de ces hommes dire autre chose que : « Venez à notre secours ! » Leurs propos sont souvent beaucoup plus forts, et vous le savez.

Je voudrais dire un mot – ce pourrait être un long débat – sur ce qui nous rassemble aussi certainement : l’aspect humanitaire. D’ailleurs, un lien existe entre mes propos précédents et ceux-ci.

Une action humanitaire est menée, et une action humanitaire est à mener, car, plusieurs d’entre vous l’ont dit, les comptabilités macabres du Haut Commissaire Guterres sont malheureusement exactes. C’est le plus grand drame humanitaire depuis le début du siècle, et même depuis plus longtemps !

En plus des solutions que nous devons apporter à la cause, il faut que nous nous impliquions toujours davantage pour apporter un soutien aux populations victimes de ces drames humanitaires.

De ce point de vue, l’un d’entre vous a évoqué la question des couloirs humanitaires, des zones d’exclusion, etc. Ce sont des sujets qui ont bien sûr été examinés, et on ne peut pas lancer cette « solution » sans en étudier les conséquences. Nous souhaiterions évidemment tous que cela puisse être installé.

Prenons l’exemple de la zone d’exclusion. D’après les examens des militaires, une telle zone requerrait, en troupes au sol – il n’est pas question d’installer ces éléments d’exclusion sans qu’il y ait des éléments au sol –, en artillerie et autres, six fois ce qui a été déployé pour la nuit.

Dans le contexte géographique qui est celui de la Syrie, la communauté internationale a malheureusement jugé que, pour l’heure, cette solution n’était pas possible. C’est un crève-cœur.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai regroupé en sept ou huit points les principaux éléments de vos interventions auxquels je répondrai brièvement.

Tout d’abord, en reprenant ce que de nombreux orateurs ont dit, je souligne qu’il y a, au total, peu de contestations sur les faits. Bien sûr, plusieurs d’entre vous considèrent qu’il faut attendre la remise des travaux des inspecteurs. Reste le constat global, qui est très important. En effet, lorsqu’on regarde le concert international, ce qui retient ou empêche de très grands pays – je pense à la Russie ou la Chine – de permettre une réaction, c’est la contestation des faits. Il y a quelques heures encore, le président Poutine a déclaré que, si les faits étaient avérés, il n’excluait pas non seulement de soutenir une action contre le régime syrien, mais aussi de la soutenir militairement.

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