Intervention de Jean-Pierre Finance

Mission d'information sur l'action extérieure de la France — Réunion du 4 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Pierre Finance délégué permanent de la conférence des présidents d'université

Jean-Pierre Finance, délégué permanent de la Conférence des présidents d'université :

Merci de m'accueillir. La CPU a été instituée par la loi Faure de 1970, sur les universités en France. Depuis la loi relative aux libertés et aux responsabilités des universités (LRU) de 2007, elle a un statut associatif. Sur ses 108 membres, 82 sont des universités, le reste des grands établissements, comme l'Ecole normale supérieure, Centrale Paris ou l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS). La CPU a une fonction de réflexion, d'analyse, de portage de positions et de mutualisation sur toutes les questions relatives au système universitaire. Depuis vingt ans, elle n'a cessé de se professionnaliser et compte désormais trente permanents. L'Europe et l'international figurent parmi ses chantiers prioritaires, et font désormais l'objet d'une commission spécifique en son sein. Nous avons désormais un bureau à Bruxelles.

La CPU développe des relations avec des organisations analogues telles qu'elles existent par exemple en Allemagne ou en Espagne. Elle est un membre actif de plusieurs réseaux internationaux, comme la European university association (EUA), qui rassemble 850 établissements à l'échelle du Conseil de l'Europe ou l'Agence universitaire de la francophonie (AUF), forte de près de 800 membres.

Depuis quelques années, les universités et les différents organismes de recherche convergent. La moitié des 3 000 laboratoires de recherche français sont ainsi des unités mixtes de recherche (UMR), un millier associant le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), une soixantaine l'Institut de recherche pour le développement (IRD), environ 200 pour l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm).

Quant à moi, j'ai été président de l'université de Nancy I pendant quatorze ans, président de la CPU en 2007-2008, au moment de la loi LRU, et j'en suis depuis un an le délégué permanent à Bruxelles, où je suis également le représentant permanent de l'IRD.

La collaboration entre des opérateurs comme l'IRD et les universités se justifie tout particulièrement quand il s'agit du Sud. Nous assistons à un véritable changement de paradigme : nous passons d'une logique de recherche au Sud à une logique de recherche pour le Sud. Pendant longtemps, l'activité de recherche s'est développée dans certains pays du Sud qui étaient de précieux terrains d'expérimentation en raison de leurs spécificités géographiques ou climatiques, mais sans qu'il soit tenu compte de leurs attentes ni de leurs besoins en matière de développement. Désormais, ce sont nos partenaires. Première conséquence : l'importance de la formation et des transferts de technologie. Deuxième conséquence : les universités du Sud participent à la définition des programmes, à la réalisation des outils et des infrastructures et à la mise en oeuvre des stratégies décidées conjointement. La relation a changé, notre démarche est désormais pluridisciplinaire.

Notre volonté d'excellence scientifique est-elle menacée par ces partenariats avec des pays n'ayant pas le même niveau de développement ? Nous pensons que le choix des thématiques de recherche permet de lever cette apparente incompatibilité : nous travaillons certes peu avec les universités du Sud sur les propriétés des nanomatériaux, mais la biodiversité, l'écologie, l'eau, les questions sanitaires sont autant de thèmes propices à la coopération scientifique. C'est en tout cas le point de vue qu'a défendu la CPU lors des Assises de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Parmi nos modes d'action, il y a des projets de recherche communs, des laboratoires internationaux co-portés par des réseaux d'université et des organismes de recherche, la création d'infrastructures - ancien professeur d'informatique, je sais leur importance. Enfin, nous menons des activités de formation : c'est le capacity building.

L'IRD et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) y contribuent ; le CNRS, très présent au Sud, est en revanche surtout attaché à ses propres activités de recherche. Les universités assurent la cotutelle des thèses et les co-diplômes, mais n'ont pas de rôle moteur en matière de recherche pour le développement, même si elles peuvent accompagner les projets portés par l'IRD dans le cadre d'une UMR. Des partenariats sont toutefois en train de se nouer entre de grandes universités latino-américaines, notamment brésiliennes et chiliennes, et des universités françaises.

D'une manière générale, nous souffrons encore du morcellement historique de nos dispositifs de recherche. La création des Alliances a été un grand pas en avant, qui permet de coordonner les priorités de la recherche sur certaines grandes thématiques. Sollicitées par le ministère chargé de la recherche dans le cadre de la stratégie nationale de recherche pour 2014-2020, elles sont appelées à jouer un rôle à l'échelle européenne. Je sais toutefois d'expérience que lorsqu'il s'agit de se projeter à l'international, la concurrence interne prend le dessus. Il faut lutter contre cela et mettre en cohérence des actions à la fois thématiques et territoriales. C'était l'objectif de la création de l'Agence inter-établissements de recherche pour le développement (AIRD). Son positionnement institutionnel et sa capacité à coordonner les stratégies des différents acteurs continuent toutefois de poser problème.

Tout n'est pas négatif pour autant. Ces organismes ont des représentants dans de nombreux pays, qui sont de plus en plus souvent communs. Nous essayons de joindre notre voix à la leur : à Hanoï par exemple, la CPU et l'IRD seront dotés d'un représentant commun. C'est une politique des petits pas, mais qui porte progressivement ses fruits.

L'Union européenne, à travers ses programmes cadres de recherche et développement (PCRD) successifs, a également renforcé la dimension internationale de sa stratégie. C'est un aspect important du septième PCRD, bien qu'il soit accompagné d'un trop grand nombre d'instruments - Inco-Net, Era-Net, Bilat, la zoologie européenne est riche... Des actions intéressantes sont conduites en partenariat avec l'Amérique latine : coopération entre universités pour le soutien à la mobilité, mais aussi projets de recherche financés par l'Union européenne et portés par l'EUA.

Ce n'est pas tout : dans le cadre du huitième partenariat Europe-Afrique, un volet de recherche complet est porté par l'IRD, et des projets en cours dans le bassin méditerranéen devraient aboutir à une initiative de l'article 185 du Traité.

Dépourvu de volet spécifiquement dédié à l'international, le programme Horizon 2020 me laisse plus sceptique. Son volet « recherche », guidé par la quête d'excellence, est tourné vers l'Europe, tout comme celui consacré au développement des petites entreprises. Seul son troisième pilier, relatif aux défis sociétaux - santé, vieillissement ou climat - envisage des appels d'offres spécifiques pour des partenariats internationaux. Rien n'est pour l'instant arrêté. Les ministères suivent ce dossier de près, mais je doute que notre vision de la recherche pour le développement comme investissement humain de long terme soit partagée par l'Union européenne, qui attend surtout un retour sur investissement à court terme.

Si j'avais une recommandation à formuler, je proposerais de renforcer la coordination entre les acteurs. La France a une vision originale du soutien au développement, qui intéresse notamment les Allemands. Nous devrions maintenir nos efforts financiers dans ce domaine, et favoriser les démarches en réseau à l'échelle européenne.

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