Je suis ravi de l'existence de cette mission d'information, qui permet de discuter des enjeux de la recherche au Sud, de ses finalités et de ses modalités d'organisation, afin d'être le plus efficace possible.
Quand je suis arrivé aux responsabilités, j'ai étudié cette dimension de très près. Notre force de frappe, en matière de recherche publique pour le développement, est l'une des plus ambitieuses au monde - pour ne pas dire la plus ambitieuse au monde. Nous souffrons cependant d'un déficit de communication pour faire connaître aux Français le résultat de la recherche publique, même lorsque celle-ci est associée à des entreprises. Il s'agit donc d'un enjeu de légitimité.
Comment mieux connecter notre politique de développement avec la recherche publique ? Je ne prendrai qu'un seul exemple : nous accueillerons la conférence Climat en 2015, ce sera probablement la seule conférence multilatérale qui se déroulera en France pendant le quinquennat. Un des enjeux pour y associer les pays du Sud - notamment africains - est de s'assurer que nous traiterons convenablement la question de l'adaptation aux changements climatiques, particulièrement dans le domaine de l'agriculture, sujet auquel le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) est très attaché, mais que l'Institut de recherche pour le développement (IRD), à travers sa multidisciplinarité, peut aborder de manière plus large. Il est donc tout à fait légitime de mobiliser notre force de recherche publique pour préparer cette conférence, pour en faire un succès.
Or, sauf erreur de ma part, il n'existe pas de réelle discussion politique indiquant la direction dans laquelle chercher. Il ne s'agit pas d'une injonction politique, mais de mettre les choses en ordre de marche, de façon qu'il y ait une cohérence et que ces recherches, ces innovations et ces propositions nourrissent notre politique et nos succès, notamment diplomatiques.
En second lieu, je pense que les programmes de recherche ne sont pas suffisamment orientés vers les résultats. La fondation Gates, de ce point de vue, applique une méthode qu'il me semble intéressant d'étudier - non que je partage les positions de cette fondation, j'y suis même opposé quand il s'agit par exemple des OGM. Leur méthode, globalement, consiste à identifier les points de passage obligés pour obtenir un résultat et à se concentrer dès lors sur les verrous à lever pour avancer dans la bonne direction. Cette méthode vaut dans la lutte contre la malaria ou la tuberculose, ou encore dans la gestion de l'eau : la fondation Gates, constatant que notre système d'assainissement standard est impossible à déployer pour 9 milliards d'êtres humains, a focalisé ses recherches sur un mode d'assainissement applicable au Sud.
Je souhaiterais que l'on redéfinisse les objets de la recherche pour le développement sous forme de grands défis à résoudre, se déclinant comme autant de points de passage obligés, avant de mettre les compétences au service du projet. Nous avons par ailleurs la chance de disposer d'une base assez large pour avoir plusieurs objectifs.
Un autre enjeu est celui de la cohérence. La recherche - son orientation autant que ses résultats - n'est pas assez connectée aux politiques publiques. Cette connexion dépend des personnes, elle n'est pas institutionnalisée : les relations entre le CIRAD et l'Agence française de développement (AFD) ne font pas l'objet d'une charte, par exemple. Or, il est pour le moins paradoxal que le contribuable français finance la recherche, sans qu'elle soit déployée dans nos politiques publiques, financées elles aussi par le contribuable ! Nous pouvons faire en sorte que les équipes soient davantage associées à la conception des politiques publiques, à mobiliser la recherche pour contextualiser notre action, donc la rendre plus efficace. C'est dans ce sens que j'ai voulu inclure la recherche dans les Assises pour le développement, au titre du chantier consacré à l'innovation.
Au-delà des organismes dédiés, comme l'IRD ou le CIRAD, des outils comme le Fond français pour l'environnement mondial (FFEM), agrègent des initiatives très intéressantes en matière d'innovation et de recherche et développement.
En matière de recherche pour le développement, le débat est permanent entre la spécialisation et la transversalité, avec des architectures diverses pour la coordination. En matière d'agriculture, par exemple, la cohérence est-elle d'abord à rechercher dans l'articulation entre le CIRAD et l'INRA, ou bien entre le CIRAD et l'IRD ? Quelle coordination ? Je crois, ici, que nous devons, plutôt que jeter le bébé avec l'eau du bain, conforter et rendre plus partenariaux les organismes de recherche pour le Sud.
C'est tout l'intérêt de votre mission, qui arrive au moment de la première loi sur le développement. Celle-ci passera en conseil des ministres fin octobre, et sera envoyée au Conseil d'Etat fin juillet. Les choses peuvent ensuite continuer à évoluer. S'il existe des éléments de nature législative, nous les étudierons avec grand intérêt, sachant que le rapport annexé, qui n'a pas de valeur législative propre, est plus souple et forme, avec la loi, un paquet politique, même si, juridiquement, les deux objets sont différents. C'est pourquoi je serai ravi de pouvoir utiliser les conclusions de vos travaux dans ce domaine.