Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je suis médecin et je ne suis pas le seul dans cette assemblée.
En tant que sénateur, j'ai été, avec Gérard Dériot, rapporteur de la loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite loi Kouchner. Le problème de la fin de la vie avait, alors, déjà été évoqué. Dans le texte de l'Assemblée nationale qui nous avait été transmis figurait la nécessité d'une morte digne. Nous avions fait remarquer que la mort n'était ni digne, ni indigne ; selon nous, c'est la vie qui doit être digne jusqu'à la fin, et c'est ce qui a été retenu par les deux assemblées.
En tant que pédiatre, j'ai été confronté à la mort des enfants. C'est différent, car la souffrance des parents et de l'entourage donne une connotation tout à fait particulière. S'agissant de l'accompagnement des enfants en fin de vie- je le dis, car il faut faire repentance dans le monde actuel -, nous n'avons pas tout mis en oeuvre pour lutter contrer leurs souffrances, car, si nous avions été formés à une certaine éthique, nous ne l'avions pas été sur ce problème particulier.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt les orateurs pendant la discussion générale. Bien que respectueux des législateurs que vous êtes, mon âge et mon expérience me permettant d'être libre avec vous, je vous avoue que je suis quelque peu abasourdi par le nombre de vos certitudes. Personnellement, je n'ai aucune certitude sur ce qu'il convient très exactement de faire au moment de la mort de ceux qui nous sont confiés, à nous médecins.
La société, la médecine et le corps médical ont évolué. De nombreuses personnes sont aujourd'hui isolées, voire abandonnées. Nous aimerions être sûrs, pour chacun de nous, les membres de notre famille, les êtres qui nous sont chers, que nous serons entourés, au moment du passage, des nôtres, de nos enfants et petits-enfants, ainsi que de cette personne de confiance dont vous parliez dans vos discours et qui devrait être le médecin. C'est la seule certitude que j'ai : je voudrais être entouré des miens et de ce médecin en qui j'aurai confiance. Je n'aurai rien à lui demander, car il saura prescrire le bon dosage de morphine, par exemple. Très sincèrement, je crois que c'est l'essentiel.
Cette proposition de loi n'a pas philosophiquement de raison d'être. Elle nous est uniquement soumise en raison de l'évolution de notre société. Ce sont les cas très cruels, très médiatisés, évoqués par les uns et les autres, ainsi que les souffrances affreuses des jeunes, de leurs parents, du médecin, qui ont conduit l'Assemblée nationale d'abord, puis maintenant le Sénat, à se prononcer sur ces problèmes.
Ce texte, que je voterai, reprend - soyons clairs ! - le code de déontologie, des notions qui nous sont familières, ce que les médecins ont fait de tout temps ! Mais reconnaissons-le, l'évolution de la société a amené une notion inexistante pendant des décennies : la survenue de l'aspect judiciaire. En tant que législateurs, nous nous devons donc de protéger la société, c'est-à-dire à la fois le corps médical et la population.