Je suis honoré de présenter devant votre commission le rapport d'activité de la commission de transparence, d'autant que j'ai été désigné à la HAS par le Président du Sénat.
L'année 2012 ne marque pas d'évolution notable par rapport à l'année précédente. Première mission de notre commission : se prononcer sur le bien-fondé de la prise en charge des médicaments par la solidarité nationale. Pour ce faire, nous évaluons le service médical rendu (SMR), autrement dit l'intérêt thérapeutique du médicament, qu'il soit nouveau, ou ancien dans le cadre de la réévaluation quinquennale. Les avis de notre commission ne sont que consultatifs, il revient in fine au ministre d'imposer à l'assurance maladie un taux de remboursement. Si le SMR est important, la commission propose un taux de remboursement de 65 % du médicament, 30 % si le SMR est modéré, et 15 % s'il est faible. Si le SMR est insuffisant, l'avis est défavorable, la commission ne propose pas de taux de remboursement, mais cela ne signifie pas pour autant, loin de là, que le médicament est inefficace. Je rappelle à cette occasion que les autorisations de mise sur le marché des médicaments se font désormais au niveau européen et dans des conditions très satisfaisantes.
Deuxième mission : évaluer le progrès thérapeutique d'un médicament par rapport aux produits déjà disponibles, à travers l'amélioration du service médical rendu (ASMR). Si le progrès est majeur, la cote est de I, et si aucun progrès n'est constaté, elle est fixée à V. Le code de la sécurité sociale est formel : si la commission de transparence octroie une cote de V à un médicament, cela induit mécaniquement des économies pour l'assurance maladie.
Troisième mission : favoriser le bon usage des médicaments, à travers notamment une diffusion spécifique des synthèses de nos avis, qui sont davantage lues par les prescripteurs que nos avis.
En 2012, le service d'évaluation du médicament a transmis à la commission environ 800 dossiers, soit un peu moins qu'en 2011, année particulière il est vrai, compte tenu des quelque 250 saisines ministérielles. Nous avons rendu l'an dernier 870 avis, contribuant ainsi à résorber en partie le stock de dossiers en attente, essentiellement des réévaluations quinquennales. Parmi les 200 dossiers de première inscription en 2012, seulement quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze substances nouvelles sont à signaler, car il est courant qu'une même substance soit déclinée sous différentes formes et avec des posologies variées. L'an dernier, 14 % des nouveaux médicaments évalués ont obtenu un SMR insuffisant et n'ont donc pas été proposés au remboursement. Ce taux est-il trop important, ou la commission est-elle au contraire une passoire ? Je rappellerai que la réglementation européenne actuelle interdit de refuser le remboursement d'un médicament qui n'est pas moins bon que ce qui existe. Par conséquent, quand nous ne proposons pas le remboursement d'un médicament, c'est qu'il est vraiment moins bon que l'existant.
En outre, seuls 10 % des nouveaux médicaments ont apporté un réel progrès thérapeutique en 2012. Ce taux est assez constant d'une année à l'autre. Toutefois, en 2011, l'industrie pharmaceutique a estimé que nous avons été plus sévères que les autres années. Je ne partage pas cette analyse : l'année 2011 a tout simplement été une mauvaise année. S'agissant des trente dossiers d'extensions d'indication présentés en 2012, les statistiques sont meilleures. Cette situation est logique : un médicament traitant le cancer du sein qui fait l'objet d'une demande d'extension d'indication pour le traitement d'un autre cancer a de fortes chances de recevoir un avis favorable.
Nos procédures sont soumises au principe du contradictoire, ce qui est normal en droit français. Les laboratoires peuvent donc contester nos avis, argumenter et être auditionnés pour faire valoir leurs points de vue. Ainsi, quarante auditions ont eu lieu en 2012. Elles ne sont pas inutiles, et dans la moitié des cas la commission a modifié son avis, suite à des dossiers initiaux peu clairs ou mal rédigés.
Afin de lutter contre les conflits d'intérêts et de renforcer la déontologie des évaluateurs, la plupart des instances internationales distinguent les « intérêts majeurs » des « intérêts mineurs ». Compte tenu des recours devant le Conseil d'Etat dont font l'objet certains de nos avis (pas moins de sept en 2012, dont nous attendons le jugements sur le fond), nous avons le sentiment d'être dans le « collimateur » de l'industrie pharmaceutique - le mot n'est pas trop fort -, dès lors qu'elle suspecte un conflit d'intérêts ou un manque d'impartialité parmi nos membres. C'est pourquoi nous avons décidé, depuis 2011-2012, d'adopter un principe maximaliste : « zéro lien d'intérêt ». Ainsi, aucun de nos membres ne doit avoir de conflit d'intérêt, qu'il s'agisse d'un « intérêt mineur » ou d'un « conflit négatif » (nous demandons ainsi à ce que toute personne ayant un lien avec un laboratoire concurrent se déporte). Cette exigence ne connaît qu'une exception, rigoureusement encadrée, en matière de médicaments luttant contre les maladies orphelines, qui ne sont connues que de quelques spécialistes français. Les membres de la commission s'autorisent alors, à titre exceptionnel et avec discernement, à les consulter pour mieux connaître la maladie, ce que nous signalons dans nos avis, sans que ces échanges n'influent sur l'évaluation du médicament. J'ajoute que nos séances de travail sont sténotypées, et que nos comptes rendus abrégés sont accessibles sur notre site internet. Rien n'est dissimulé, y compris nos votes à main levée, étant précisé que les votes secrets sont bannis de notre commission.
Afin de donner le maximum d'impact à nos avis, dont la longueur dépasse souvent une vingtaine de pages, nous avons décidé de leur adjoindre une synthèse d'une page et demie afin de mieux informer les prescripteurs médicaux. L'astuce, pour ainsi dire, consiste à publier sur notre site ces synthèses avant même que les visiteurs médicaux de l'industrie pharmaceutique n'entament leurs campagnes promotionnelles auprès des prescripteurs. Nous pouvons ainsi prémunir ces derniers de tout engouement exagérément communicatif suite au passage de visiteurs médicaux... Enfin, nous avons élaboré des fiches de bon usage pour des médicaments psychotropes, pour le traitement de la maladie d'Alzheimer, ou encore les pilules de troisième génération, afin d'expliquer aux prescripteurs le pourquoi et le comment de nos avis. Les fiches d'intérêt thérapeutiques sont même publiées au Journal officiel, afin que les médicaments d'exception, très coûteux, ne soient prescrits que si cela est vraiment nécessaire.