Intervention de Jean-Michel Dubernard

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 septembre 2013 : 1ère réunion
Audition du pr jean-luc harousseau président du collège de la haute autorité de santé sur le rapport d'activité de la has pour 2012

Jean-Michel Dubernard, membre du collège de la HAS, président de la Commission nationale d'évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé (CNEDiMTS) :

Le travail de la commission que je préside n'est pas aisé car le domaine des dispositifs médicaux est extrêmement hétérogène. J'ai estimé que 150 000 produits étaient répertoriés sous cette appellation, d'autres ont parlé de 400 000 produits. L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris a recensé, il y a un an, 97 430 dispositifs médicaux dans ses commandes, tandis que certains avancent le chiffre de 4 000 classes de dispositifs. Bref, la définition des dispositifs médicaux est plus difficile que pour les médicaments.

L'enjeu économique des dispositifs médicaux est pourtant majeur. Il en va de la compétitivité de l'industrie dans notre pays. J'ai présenté en 1994 un rapport à Edouard Balladur sur les transferts de technologies dans le domaine de la santé. Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous informer qu'un colloque sur l'innovation dans le domaine des dispositifs médicaux sera organisé au Sénat, le 25 octobre prochain, en partenariat entre la HAS, la présidente de votre commission et vos collègues Chantal Jouanno et Bernard Cazeau, suite à leurs travaux dans le cadre de la mission commune d'information sur les dispositifs médicaux implantables et les interventions à visée esthétique. Beaucoup d'innovations ont lieu en France, mais les obstacles techniques et administratifs sont malheureusement trop nombreux.

Comme vous le constatez sur le document qui vous a été fourni, le taux des services attendus ou rendus insuffisants a augmenté entre 2005 et 2011 : la moyenne entre 2005 et 2007 était de 13 %, de 18 % entre 2008 et 2010, et de 36 % en 2011, avant de baisser à 23 % en 2012. J'observe que les dossiers que nous traitons sont moins bien rédigés que pour les médicaments, souvent sans méthodologie ni preuves, avec des populations cibles trop peu nombreuses. L'intérêt de la création de la HAS consiste justement à donner des avis scientifiques sur les services attendus et rendus des dispositifs médicaux afin de résister aux pressions politiques de toutes sortes.

Concernant les progrès thérapeutiques apportés par les nouveaux dispositifs, la situation est là encore différente de celle évoquée à l'instant pour les médicaments : seulement un dispositif en 2011, et un autre en 2012, se sont vu délivrer la cote I, la plus haute, tandis que la majorité des dispositifs médicaux obtient la cote V.

Le délai pour les demandes de première inscription a connu une évolution favorable ces dernières années. Il est théoriquement fixé à 180 jours, mais nous avons souhaité le ramener à quatre-vingt-dix jours pour faciliter le travail du comité économique des produits de santé. Depuis trois ans, le délai médian est passé sous la barre des quatre-vingt-dix jours. Grâce à une très forte mobilisation de nos équipes, 56 % des dossiers sont traités dans ce délai, malgré des demandes initiales complexes et souvent incomplètes.

S'agissant de l'évaluation des catégories de dispositifs médicaux en 2012, il faut distinguer les dispositifs du secteur ambulatoire ou de ville, inscrits dans les listes de produits de prestation remboursables (LPPR), et ceux de l'hôpital, qui relèvent de deux listes différentes. Lors des révisions des descriptions génériques, nous avons examiné, entre autres, la contention orthopédique, les implants articulaires de genoux, l'oxygénothérapie et la ventilation assistée à domicile. Le coût de certains dispositifs est parfois très important et avoisine le milliard d'euros.

Certains de nos avis sont également soumis à des phases contradictoires, la difficulté étant que nous devons fonder nos analyses uniquement sur les dossiers initiaux, qui sont souvent défaillants. Parallèlement aux saisines du ministère, nous avons enregistré en 2012 de nombreuses autres saisines, portant par exemple sur les scooters pour handicapés, les neurotransmetteurs médullaires ou encore les implants rétiniens. Je voudrais m'attarder sur ce dernier exemple, qui constitue une innovation de rupture car ces implants permettent à des personnes qui ont perdu la vue de distinguer à nouveau certaines formes ou certains objets. Toute la difficulté vient du fait qu'il existe très peu de documentation scientifique sur ce dispositif. Si les dispositions de l'article L. 165-1-1 du code de la sécurité sociale, introduites dès 1998 dans notre législation, autorisent la prise en charge financière d'un nouveau médicament à titre dérogatoire et transitoire, elles sont malheureusement restées lettre morte à cause de l'opposition de l'assurance maladie, ce que je déplore.

Sans rentrer dans les détails, parmi les facteurs conduisant à un niveau de service attendu ou rendu suffisant, on doit citer la démonstration de l'équivalence (dont l'usage est délicat pour les dispositifs médicaux), la compensation du handicap, la nouveauté du dispositif et le choix des populations cibles, pour lesquelles il serait d'ailleurs souhaitable de développer des coopérations en Europe.

Quant aux facteurs conduisant à un niveau de service attendu ou rendu insuffisant, on peut citer notamment un faible niveau d'efficacité et des effets indésirables notables non contrebalancés par l'efficacité clinique.

Je souhaite ardemment que l'on encourage le plus possible le secteur industriel des dispositifs médicaux, qui pèsera d'ici quelques années entre 14 milliards et 20 milliards d'euros. Pour encourager ce secteur, la HAS organise des journées pour rencontrer et informer les fabricants de dispositifs médicaux et les consultants. L'ignorance de certains de mes interlocuteurs sur les règles à suivre en matière de protocoles ne cesse de me surprendre. La nouvelle direction de la HAS a en outre instauré des « rencontres précoces » avec les fabricants, avant le dépôt d'une étude médico-économique par exemple, afin de les conseiller sur les protocoles à suivre sans les influencer, et nous avons rédigé un guide méthodologique qui sera bientôt traduit en anglais.

Un dernier mot pour vous informer que des discussions très importantes ont lieu actuellement au niveau européen, suite aux débats relatifs aux prothèses PIP, aux prothèses de hanche métal-métal et aux organismes notifiés, et que nous pouvons compter notamment sur l'engagement de Nora Berra, parlementaire européenne, pour faire avancer les choses au niveau de la commission européenne.

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