Intervention de Jean-Luc Harousseau

Commission des affaires sociales — Réunion du 11 septembre 2013 : 1ère réunion
Audition du pr jean-luc harousseau président du collège de la haute autorité de santé sur le rapport d'activité de la has pour 2012

Jean-Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité de santé :

J'aimerais maintenant vous parler des autres activités menées par la HAS au cours de l'année 2012, qui sont exercées en dehors des commissions particulières venant de vous être présentées.

L'activité d'évaluation des actes médicaux, pour en terminer sur ce point, est conduite de deux manières différentes. Elle est assurée par la CNEDiMTS pour ceux d'entre eux qui sont associés à des dispositifs médicaux devant être inscrits sur la liste des produits et prestations remboursables. D'autres actes sont évalués en dehors de cette commission ; dans ce cas, il peut s'agir soit d'effectuer un simple toilettage de la classification commune des actes médicaux (CCAM) ou de la nomenclature des actes de biologie médicale, soit d'évaluer de nouveaux actes. Nous faisons face dans ce dernier cas au problème de la longueur des délais entre le moment où un acte nous est soumis pour analyse et son inscription dans la nomenclature par l'assurance maladie. Au niveau de la HAS, cette lenteur résulte des exigences qui s'attachent à notre mission d'expertise et de la difficulté à parfois trouver des experts qui ne soient pas en situation de conflit d'intérêts. Une réflexion est actuellement en cours sur ce point afin de favoriser la prise en charge dans des délais très brefs des actes qui peuvent changer les traitements et les diagnostics des patients. La ministre de la santé nous a en effet demandé de formuler des propositions pour accélérer l'inscription des actes et dispositifs innovants, qui viendraient s'ajouter à la possibilité ouverte par l'article L. 165-1-1 du code de la sécurité sociale.

La HAS exerce également depuis 2008 une mission d'évaluation médico-économique. Celle-ci porte d'abord sur les stratégies de soins et de prise en charge ; nous avons ainsi rendu en 2012 un avis sur la stratégie de dépistage du cancer de la prostate. Elle doit également porter, ainsi que l'a prévu la LFSS pour 2012, sur les produits de santé (médicaments et dispositifs médicaux), en particulier sur ceux qui sont susceptibles de modifier les stratégies thérapeutiques (médicaments à ASMR I, II et III) et ceux qui peuvent avoir un impact significatif sur les dépenses de santé. Le décret du 2 octobre 2012 qui étend les compétences de la HAS sur ce point n'entrera en application qu'en 2013. Nous nous sommes cependant préparés à cette nouvelle mission dès l'année 2012 : la commission évaluation économique et de santé publique, présidée par le professeur Lise Rochaix, l'a en quelque sorte préfigurée en travaillant sur quelques médicaments à la demande du comité économique des produits de santé (Ceps).

La HAS intervient dans le champ des pratiques professionnelles à travers l'outil classique des recommandations de bonnes pratiques mises à la disposition des professionnels de santé. Celles-ci sont très attendues lorsqu'elles interviennent dans des secteurs d'activité marqués par des positions très tranchées. Vous avez certainement entendu parler, par exemple, des recommandations formulées en 2012 par la HAS et l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (Anesm) sur la prise en charge de l'autisme et des autres troubles envahissants du développement chez l'enfant, qui ont suscité des réactions fortement médiatisées des psychanalystes et pédopsychiatres d'un côté, et des associations de parents de l'autre. Alors que les progrès de la connaissance médicale et la transmission de l'information sont de plus en plus rapides, cette mission est actuellement en pleine évolution. Il est aujourd'hui possible d'accéder de manière simple à des recommandations très nombreuses émanant des organismes les plus divers (sociétés savantes, associations privées présentes sur Internet). Dans ce contexte, la HAS doit conserver sa place spécifique d'institution scientifique et indépendante qui retrace l'état de l'art de manière complète. Elle doit également travailler davantage en partenariat avec les sociétés savantes, notamment dans les domaines sensibles où les évidences sont peu nombreuses ou qui mettent en jeu différentes spécialités. Elle pourrait ainsi valider tout ou partie de leurs recommandations et s'appuyer sur celles-ci pour élaborer des produits courts à destination des médecins traitants en utilisant davantage les moyens modernes du numérique.

A côté de ces activités d'évaluation et de recommandation, la deuxième grande mission de la HAS porte sur la certification des établissements de santé, l'accréditation et l'organisation de la qualité des soins.

L'ensemble des établissements de santé passent tous les quatre ans au crible de la certification. Nous achevons actuellement un processus entamé en 2010 qui a permis d'évaluer 2 800 établissements, au rythme d'environ 700 par an, en application de la procédure de certification dite V2010 et au moyen d'outils standardisés et acceptés par les établissements. La certification a été à l'origine de nombreux progrès dans les établissements de santé : elle a permis de prendre conscience de la nécessité de disposer d'une politique de qualité et de sécurité des soins et a favorisé l'amélioration des pratiques professionnelles. Afin d'améliorer notre processus de certification, nous avons mené une enquête auprès des établissements et nous avons travaillé à partir de l'année 2012 à la mise au point d'une nouvelle procédure de certification, la V2014, qui sera mise en application dès l'année prochaine. Elle permettra de mettre en place un processus de contrôle plus continu et centré moins sur les procédures que sur les patients et sur les résultats cliniques. Nous utiliserons en particulier la technique dite du patient traceur, qui a déjà été expérimentée dans les pays anglo-saxons, et que nous avons mise en place dans quelques centres en 2012 et en 2013. Cette certification prendra également en compte l'incitation financière à l'amélioration de la qualité (Ifac) sur laquelle nous travaillons avec la direction générale de l'offre de soins (DGOS).

L'accréditation des médecins est un dispositif facultatif destiné aux professionnels de santé exerçant dans une discipline à haut risque. En échange d'un engagement dans une démarche de qualité validée par un organisme d'accréditation et par le collège de la HAS, ceux-ci reçoivent une aide financière de l'assurance maladie pour leur responsabilité civile professionnelle. Près de 9 000 médecins, principalement dans les spécialités chirurgicale, obstétricale et en anesthésie, et essentiellement dans le secteur privé, ont ainsi été accrédités, et plus de 11 000 médecins étaient engagés dans une procédure d'accréditation en 2012. Les médecins concernés sont tenus de déclarer les événements porteurs de risque qu'ils constatent, c'est-à-dire les événements qui, s'ils ne sont pas corrigés, risquent d'entraîner des situations indésirables. Nous avons ainsi pu constituer une base de données très importante recensant plus de 50 000 événements de ce type, ce qui nous permet d'identifier des solutions permettant de diminuer les risques dans les hôpitaux et ainsi d'améliorer la qualité des pratiques et la sécurité des soins. Des réflexions sont en cours quant à l'extension de ce dispositif facultatif d'accréditation aux équipes médicales au sein des établissements de santé, en lien avec la procédure de certification, ainsi qu'aux autres professionnels de santé.

Dans le cadre de cette mission de certification, la HAS a développé avec la DGOS une politique d'indicateurs de qualité et de sécurité des soins dont elle a aujourd'hui la gestion complète. En 2012, onze thèmes différents ont été évalués par plus de cinquante indicateurs dans 2 400 établissements de santé participants. Initialement orientés vers les procédures de soins, ces indicateurs sont aujourd'hui davantage axés sur les pratiques et les résultats cliniques. Un travail de recherche entamé en 2012 avec des équipes hospitalières nous a permis de dégager des indicateurs ciblés sur la sécurité des patients. Cette politique d'indicateurs peut poser problème aux établissements de santé dans la mesure où elle contribue à augmenter leur charge de travail. C'est pourquoi, dans un souci d'efficacité, nous travaillons à mettre en place des indicateurs ciblés, discutés avec les professionnels, et qui ne sont remplis que tous les deux ans. Un colloque de la HAS sera consacré en novembre prochain à cette politique d'indicateurs.

De nombreuses activités liées aux questions d'organisation des soins se développent actuellement à la HAS. Les compétences dévolues à la HAS justifient en effet qu'elle prenne sa place dans les travaux actuellement en cours à de nombreux niveaux sur l'amélioration des parcours de soins, qui visent à garantir une meilleure coordination et une prise en charge plus efficace et plus efficiente. Nous avons tout d'abord travaillé sur les coopérations entre professionnels de santé prévues par l'article 51 de la loi HPST. Ce dispositif permet à un médecin de déléguer certaines de ses responsabilités à des professionnels de santé non-médecins, notamment des infirmiers. Nous avons étudié en 2012 dix-neuf protocoles de coopération, qui émanaient principalement des hôpitaux, et qui visaient à faciliter la prise en charge des patients dans les situations et spécialités où se pose un problème de démographie médicale. Ces coopérations, qui sont en plein développement, posent plusieurs problèmes, parmi lesquels la prise en charge de l'acte délégué, la formation des professionnels concernés et l'extension de protocoles locaux à l'échelon national. Nous avons également travaillé sur le thème de la pertinence des actes. A la demande de la DGOS et de l'assurance maladie, nous nous sommes penchés sur un certain nombre d'actes, notamment chirurgicaux, dont la fréquence de réalisation est très disparate au niveau régional. Nous avons notamment travaillé en 2012, avec la participation des professionnels du secteur, sur les césariennes programmées et les appendicectomies. Ces travaux, menés dans un court de délai afin de répondre aux conditions de notre saisine, ont été suivis d'une réflexion plus générale, qui a notamment porté sur l'organisation du parcours de soins de la femme enceinte. Je voudrais enfin insister sur nos travaux relatifs aux affections de longue durée (ALD), qui représentent un enjeu majeur pour notre système de soins. Nous avons rédigé de nouveaux guides relatifs aux parcours de soins pour quatre maladies chroniques (bronchite chronique, insuffisance cardiaque, insuffisance rénale, maladie de Parkinson) : ils visent une meilleure coordination entre professionnels de santé et une meilleure information du patient, qui doit pouvoir participer à sa propre prise en charge. Nous avons également été impliqués dans la mise en oeuvre de l'article 70 de la LFSS pour 2012, qui avait trait à une expérimentation du parcours de soins notamment chez le sujet âgé.

Relève enfin de nos compétences l'information des patients et des professionnels de santé. Nous assurons dans ce cadre une mission de surveillance des visites médicales et de certification des firmes pharmaceutiques, ainsi qu'une mission de certification des sites internet. Cette dernière nous semble cependant peu efficace ; c'est pourquoi nous avons décidé de l'abandonner en 2013 et de réfléchir à une nouvelle façon de répondre à cette mission qui nous a été confiée par la loi.

S'agissant de l'avenir de la HAS, il me semble nécessaire qu'elle devienne plus réactive, à la fois face aux progrès de la médecine et aux saisines dont elle fait l'objet, plus lisible pour les institutions sanitaires, les professionnels et les patients, et enfin plus complémentaire par rapport aux autres institutions du paysage sanitaire. Nous avons commencé à travailler en ce sens en 2012 et avons inscrit ces orientations dans le projet d'établissement qui fixe nos ambitions pour la période 2013-2016. Je vous indiquais en introduction que la HAS participait à l'amélioration de la qualité des soins ; nous souhaitons aller plus loin et participer à la régulation des soins à la fois par l'amélioration de la qualité et par la recherche de l'efficience.

A compter d'octobre 2013, l'évaluation des produits de santé connaîtra une profonde évolution avec la prise en compte d'une dimension médico-économique à côté de la dimension médico-technique traditionnelle. Cette évolution sera fondée sur le principe de la comparaison des nouveaux produits et stratégies avec l'existant. Dans cette optique, nous avons souhaité que le système actuel d'évaluation des produits de santé soit simplifié et repose désormais sur un seul indicateur comparatif. Celui-ci permettra d'apprécier l'intérêt thérapeutique d'un produit de santé par rapport à l'existant et sera associé à l'avis d'efficience donné par la commission médico-économique. Une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) est actuellement en cours pour évaluer la pertinence de cet indicateur unique.

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