Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes, que Mme Vallaud-Belkacem a présenté avec beaucoup de détermination. Ce texte s'inscrit dans la continuité de l'action du Gouvernement en faveur des femmes, et suit la réinstallation d'un ministère de plein exercice chargé des droits des femmes.
Comme l'indique l'exposé des motifs, les inégalités de traitement et d'opportunités, qui se constituent dès la petite enfance, marquent encore les parcours et le devenir des femmes et des hommes :
- 80 % des tâches domestiques continuent d'être assurées par les femmes ;
- un écart de rémunération de 27 % sépare toujours aujourd'hui les hommes et les femmes. En outre, 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes ;
- il n'y a encore que 23 % de femmes dans les conseils d'administration des entreprises du CAC 40 et seulement 8 femmes présidentes d'universités ;
- l'Assemblée nationale ne compte que 26 % de femmes (j'ajoute que le Sénat en compte 22 %), et seuls 14 % des maires sont des femmes.
Le secteur culturel n'échappe malheureusement pas à ce phénomène. La place des femmes dans l'art et la culture a été analysée de façon remarquable par la délégation aux droits de femmes, avec l'excellent rapport de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. Il indique que, 7 ans après le premier rapport de Reine Prat sur le sujet, les chiffres sont les mêmes. Les postes de direction des institutions et industries culturelles sont toujours monopolisés par les hommes. Parmi les dirigeants de l'administration culturelle, seuls 18 % sont des femmes soit 7 femmes pour 31 hommes. Au sein de la réunion des opéras de France, 4 % seulement des directeurs sont des femmes. Ce taux est de 15 % pour les 34 centres dramatiques nationaux. Il passe à 30 % pour les centres chorégraphiques nationaux. Comme vous pouvez le constater, nous sommes très loin d'une situation d'égalité entre les femmes et les hommes !
Le projet de loi que nous examinons ce matin aborde l'égalité dans toutes ses dimensions en traitant des questions relatives à l'entreprise, la conciliation des temps de vie, à la précarité des femmes, notamment celle des mères isolées, à leur protection renforcée contre les violences, à l'image des femmes dans les médias ou encore à la parité dans la sphère publique ou privée.
La saisine de notre commission concerne trois articles:
- l'article 16 relatif à la modification des pouvoirs du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) ;
- l'article 19 relatif à la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives ;
- l'article 23 qui prévoit les habilitations du Gouvernement à prendre par ordonnances des mesures relevant de la loi.
J'ajoute que la commission des lois, saisie au fond, a déjà établi le texte de la commission. Sa rapporteure, notre collègue Virginie Klès, a fait adopter des amendements tendant à renforcer plusieurs dispositions du texte. Ainsi le nouvel article 22 ter vise à introduire une obligation de représentation équilibrée entre les hommes et les femmes sur les listes de candidats aux élections des chambres de métiers et de l'artisanat.
Avant de vous présenter les résultats de mes travaux sur les articles dont nous nous sommes saisis, je voudrais d'ores et déjà vous indiquer que je vous soumettrai un amendement relatif à l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de l'intermittence.
Comme vous le savez, le groupe de travail que je préside va poursuivre ses travaux sur les intermittents cet automne. À la demande de notre collègue Mme Gonthier-Maurin, nous avions prévu de nous pencher plus précisément sur le cas des femmes intermittentes, en particulier sur celui des « matermittentes ». Nous avons depuis été alertés par le collectif qui représente ces dernières : elles se trouvent dans des situations intolérables et c'est pourquoi je vous proposerai un amendement qui obligera le Gouvernement à se pencher sur leur cas. Il s'agit en effet de demander, dans les 6 mois suivant la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant le nombre de cas de refus d'indemnisation du congé de maternité ainsi que les conséquences pour le retour à l'activité et la retraite, parmi les femmes exerçant une profession discontinue, dont les intermittentes font partie.
J'ai été alertée, lors de mes auditions, par le collectif des « matermittentes » : en raison de la réglementation qui leur est appliquée et de la gestion de leurs dossiers par les Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et par Pôle emploi, elles sont nombreuses à se retrouver sans aucun revenu, alors qu'elles sont enceintes et dans l'impossibilité physique, puis juridique, de travailler. Cette précarisation est inacceptable : les femmes enceintes doivent être protégées et nous ne pouvons tolérer les situations dramatiques qui se multiplient et créent ainsi une rupture caractérisée de l'égalité entre les femmes et les hommes.
Je tiens à rappeler la décision du Défenseur des droits en date du 8 mars 2012, qui s'est prononcé à la suite d'une saisine de la haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), par 33 « matermittentes ». Le Défenseur a reconnu que les conditions d'ouverture des droits à une indemnisation du congé de maternité sont inadaptées à la situation des intermittentes, et que (je cite) : « le dispositif d'attribution des prestations aux intermittentes du spectacle durant et à l'issue de leur congé de maternité n'est pas assuré correctement au regard de l'impératif de protection de la femme enceinte. La situation dans laquelle (elles) sont placées (...) constitue une discrimination fondée sur l'état de grossesse tant au regard du droit communautaire que du droit interne ».
Le 16 avril dernier, la direction de la sécurité sociale a enfin publié une circulaire détaillant le régime juridique applicable aux personnes exerçant une profession discontinue pour l'accès aux prestations en espèces servies au titre de la maladie et de la maternité. Cette circulaire constitue un progrès qui doit être souligné. Toutefois, d'après les témoignages reçus, elle ne règle pas les problèmes constatés.
En outre, on attend toujours le décret d'application de l'article 51 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale, qui modifie le code de la sécurité sociale pour prendre en compte le cas des femmes ayant accepté, lors de leur grossesse, des petits contrats insuffisants pour le maintien de la qualité d'assurée.
Enfin, les CPAM ne motivant pas assez précisément les refus d'indemnisation, il leur est impossible de comprendre la raison pour laquelle elles se retrouvent du jour au lendemain sans aucune ressource.
Si des mesures semblent urgentes, il convient dans un premier temps, et rapidement, de faire le point sur la situation de ces femmes. Une analyse complète, juridique et chiffrée permettra d'envisager une solution pertinente et efficace.
Mais revenons désormais sur les articles du texte que j'évoquais en introduction.
Le présent projet de loi offre une réponse aux difficultés relatives à l'image des femmes dans les médias et à leur présence dans le sport en confiant de nouveaux pouvoirs au CSA (article 16) et en fixant des règles contraignantes de mixité au sein des organes dirigeants des fédérations sportives (article 19). Enfin, l'article 23 prévoit que des mesures en faveur de la parité dans les autorités administratives soient prises par voie d'ordonnance.
L'article 16 du projet de loi prévoit d'une part que le CSA puisse assurer le respect des droits dans femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle et d'autre part à imposer des obligations de programmation aux chaînes hertziennes nationales afin qu'elles contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes.
Je suis pleinement favorable à ces dispositions, mais je crois qu'il serait pertinent d'étendre la disposition relative aux obligations de programmation à l'ensemble des services de communication audiovisuelle (à la fois radios et télévision) qu'ils soient nationaux ou même locaux, et non pas aux seules chaînes nationales. Je vous présenterai ainsi un amendement en ce sens. La lutte contre les préjugés sexistes est l'affaire de tous.
Je suis également pleinement favorable au principe de la mise en place d'une obligation de représentation minimale des femmes dans les instances dirigeantes des fédérations sportives (25 % dans les fédérations comptant moins de 25 % de femmes et 50 % dans les autres). Le renforcement de la pratique sportive féminine est un impératif qui passe aussi par une montée progressive de la place des femmes dans les organes dirigeants des fédérations.
Néanmoins, nous sommes aussi à l'écoute des contraintes spécifiques des acteurs bénévoles de la vie associative. Je considère ainsi qu'un léger assouplissement de la disposition permettrait une mise en oeuvre beaucoup plus efficace. Un amendement à l'article 19 vous sera là encore proposé.
Les dispositions de l'article 23 sont superfétatoires s'agissant de la parité au sein du Conseil supérieur de l'audiovisuel, puisqu'un dispositif spécifique est déjà prévu dans le projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public. Le mieux est donc de ne pas modifier le présent texte mais de se consacrer à la question dans le texte relatif aux médias dont nous sommes saisis au fond.
Je vous propose en conclusion de donner un avis favorable à ces articles sous réserve de l'adoption des amendements dont nous allons discuter.