Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en cet instant, je me remémore toutes ces réunions et ces mois passés avec les présidents de tous les groupes - communiste, UMP, UDF et socialiste - de l'Assemblée nationale.
J'avoue que je n'aurais jamais cru qu'un jour, sur un sujet aussi passionnel - on le voit ce soir, et c'est bien normal -, on puisse trouver un compromis - je dis bien un compromis - entre, d'un côté, ceux qui, pour des raisons religieuses profondes que je respecte, ne peuvent accepter l'idée de normaliser le fait que 150 000 personnes soient débranchées chaque année et, de l'autre, ceux qui veulent que la loi reconnaisse l'euthanasie. C'est bien normal, et je respecte les convictions des uns et des autres.
Mais à un moment donné, dans un endroit, en France, des responsables politiques ont décidé de passer au-dessus de ces passions.
Je ne prétends pas qu'ils ont eu raison, je ne donne pas de leçon, n'ayant pas moi non plus de certitude. Je dis seulement que, à un moment donné, on a décidé, dans ce pays - le seul au monde, jusqu'à présent, qui se soit engagé dans cette voie -, d'aller au-delà des passions pour parvenir à un compromis, que ceux dont les convictions religieuses sont très fortes ne peuvent approuver pleinement et qui ne peut satisfaire complètement les partisans de l'euthanasie.
A l'instant où je parle, vous le savez aussi bien que moi, des patients sont sur le point d'être « débranchés », pour employer un mot vulgaire mais explicite, et cela dans une hypocrisie absolue, sans qu'aucune loi s'applique, sans que le médecin, le malade et sa famille puissent bénéficier d'un quelconque support juridique.
Sans que j'y sois pour rien, vos collègues de l'Assemblée nationale - nous sommes ce soir au Sénat, je le sais, mais il faut tenir compte de l'historique - ont essayé de progresser dans l'élaboration d'une conception française de la fin de vie dans la dignité. Je sais que cela ne suffit pas à certains, que cela va trop loin pour d'autres. Que l'on me permette simplement de souligner qu'il ne faut pas obligatoirement abîmer le travail qui a été accompli, même s'il est incomplet et imparfait, car il était déjà très difficile de parvenir au point où nous en sommes.
Je dis cela avec beaucoup d'humilité, puisqu'il s'agit d'une proposition de loi. Croyant un peu savoir de quoi je parle, je vous invite à respecter le compromis obtenu : ce n'est pas quelque chose de neutre, c'est une chance historique pour notre pays, pour nos malades et pour la fin de vie dans la dignité.