Intervention de Guy Fischer

Réunion du 12 avril 2005 à 21h30
Droits des malades et fin de vie — Articles additionnels avant l'article 1er ou après l'article 2 ou avant l'article 3 ou avant l'article 10

Photo de Guy FischerGuy Fischer :

Tout le monde reconnaît aujourd'hui que, malgré une législation répressive, mais à cause de cette loi, l'euthanasie est pratiquée clandestinement. Elle ne l'est pas toujours par des médecins ; elle est parfois pratiquée dans l'anarchie la plus complète, donc sans contrôle, sans concertation, sans que les proches soient toujours consultés, souvent à l'insu du malade, ce qui peut paraître encore plus grave que l'acte lui-même.

Il existe donc, en France, aussi paradoxal que cela puisse paraître, une dépénalisation de fait de l'euthanasie.

Il est impossible de donner des indications chiffrées sur l'importance de ces pratiques qui sont, par définition, inquantifiables puisque clandestines, mais M. le ministre a mentionné tout à l'heure le cas de 150 000 personnes qui seraient « débranchées ».

On a évoqué, au cours des auditions, le chiffre de 2 500 euthanasies annuelles, mais sans que ces données puissent être sérieusement étayées.

En revanche, on est mieux informé sur la pratique hospitalière.

Chaque année, dans les services de réanimation, une centaine de milliers de patients - 90 000 à 100 000 personnes - meurent après une interruption volontaire de traitement, et 20 % d'entre eux reçoivent ensuite des injections.

Ces actes ne font pas l'objet de poursuites ordinales puisque deux médecins seulement en cinquante ans ont été suspendus par le Conseil national de l'ordre des médecins, alors que chaque médecin avoue avoir pratiqué au moins une fois dans sa carrière une euthanasie. Ils ne font pas non plus l'objet de poursuites judiciaires, car les juridictions ne sont que très rarement saisies et, quand elles le sont, elles font preuve de la plus grande clémence.

A part Christine Malèvre, aucun médecin, aucune infirmière, aucune aide-soignante n'a encore été condamné en France pour des actes d'euthanasie commis en 2000 sur des malades.

Le non-lieu rendu en 2005 dans l'affaire du médecin de Saclay, qui avait été accusé d'euthanasie, a réhabilité le cocktail lytique avec lequel on l'accusait d'avoir empoisonné neuf de ses patients. C'est le même cocktail lytique que le chanoine Vespieren, vingt ans plus tôt, dans un article retentissant, rendait responsable d'euthanasies faites parfois à l'insu du malade et sur la suggestion des familles.

L'affaire du centre hospitalier et universitaire de Besançon, où des euthanasies ont été pratiquées à plusieurs reprises, a éclaté en mai 2002 et n'est toujours pas jugée.

Enfin, le docteur Chaussoy a été mis en examen et attend toujours une décision de justice. Il a moins de chance que son collègue de l'Aveyron, le docteur Duffau, pour qui n'a jamais été ouverte d'information judiciaire, bien que des actes identiques - l'injection chez une femme de 92 ans de cinq ampoules de chlorure de potassium - lui soient reprochés.

Cette loi inappliquée, ou inégalement appliquée selon que l'on habite le Nord ou l'Aveyron, crée une situation hypocrite et malsaine qu'il faut faire cesser de toute urgence.

D'ailleurs, la société y est prête. Depuis vingt ans, les sondages d'opinion montrent que la grande majorité des Français est favorable à l'euthanasie. En octobre 2003, un sondage réalisé par l'institut BVA révélait que 86 % des Français - naturellement pas tous en bonne santé, dirai-je pour répondre à certains détracteurs de ces sondages - étaient favorables à l'euthanasie. Pourtant, cette proposition de loi, qui diabolise l'euthanasie volontaire, recueille un vote unanime des députés.

Ce fossé qui se creuse nous pousse à nous interroger en même temps qu'il nous inquiète.

Le professeur Michel Ducloux, président du Conseil national de l'ordre des médecins, que nous avons auditionné, a été formel : un médecin ne peut pas aider ses malades à mourir. Cependant, il a ajouté aussitôt : « nous trahissons nos malades quand nous ne pouvons pas les aider ». Disant cela, il oubliait, semble-t-il, sa fonction de représentant des médecins, lesquels, en mars 2000, se sont prononcés à 70 % favorablement à l'exception d'euthanasie, dans un sondage paru dans Impact médecin ; 56 % d'entre eux se déclareraient même prêts à pratiquer une euthanasie.

Le moment est venu de changer la loi. C'est ce que nous proposons par cet amendement.

Nous n'avons pas le droit d'abandonner à son triste sort judiciaire le docteur Chaussoy, qui, comme tous ses confrères le reconnaissent, n'a fait que son devoir ; nous n'avons pas le droit, en mémoire de Vincent Humbert, de laisser sa mère comparaître devant les assises.

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