Mes chers collègues, nous voilà effectivement arrivés à un moment de vérité.
Monsieur le ministre, vous avez dit, avec beaucoup de conviction et beaucoup de sincérité, m'a-t-il semblé, quelle était votre position. Je la respecte. Toutefois, je vous ferai observer que cette position est aujourd'hui démentie dans les faits, et que là est bien le problème. Pour ma part, je ne peux y adhérer, et ce pour deux raisons.
Tout d'abord, et nous le savons tous, vous mieux que personne, monsieur le ministre, puisque vous êtes médecin, des actes d'euthanasie sont pratiqués quotidiennement par compassion ou en raison d'une certaine conception de l'activité de médecin. Par conséquent, votre position tend à nous condamner collectivement à faire comme si de tels actes n'avaient pas lieu et à continuer à vivre dans le faux-semblant. Sur un sujet aussi grave, ce ne peut être qu'un élément de démoralisation de la société !
Par ailleurs, au-delà de la fin de vie dont nous parlons, il y a un certain nombre d'autres situations. On a beaucoup parlé du cas de Vincent Humbert, mais il y en a d'autres ; et toutes ces personnes attendent qu'on les sorte de l'illégalité, qu'on reconnaisse leur demande. Pour autant, nous ne souhaitons pas qu'une telle pratique se généralise. Là encore, monsieur le ministre, votre position nous place devant une situation très difficile.
D'entrée de jeu, j'avais indiqué que, après avoir beaucoup réfléchi, comme chacun d'entre nous, je voterai le texte en l'état. Toutefois, indépendamment des problèmes de fond que je viens d'évoquer, tout le déroulement de cette discussion - je le dis non pas au ministre, mais à la majorité du Sénat - me fait douter !
La façon dont le président About, après avoir conduit sa commission à déposer ses amendements, a trouvé légitime de s'absenter du débat a placé l'ensemble de la Haute assemblée devant une situation impossible, d'autant que nous traitons d'une question qui n'est ni banale ni technique : il ne s'agit ni du logement, ni du gaz, ni d'un autre point moins important ; c'est un sujet de fond d'une extrême gravité.
De telles erreurs gouvernementales et majoritaires coûtent cher, et elles placent les élus minoritaires que nous sommes, que je suis en tout cas, dans une situation encore plus complexe.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, il conviendrait, au stade où nous en sommes, que vous fassiez personnellement un signe, un geste. Je ne vous demande pas de nous dire que vous allez bouleverser ce texte de loi ! J'ai bien compris, même si je ne partage pas ce point de vue, que, pour vous, le « compromis » auquel vous êtes arrivé ne peut guère être dépassé. Toutefois, vous savez que les problèmes que nous posons existent. Par conséquent, reconnaissez-le au moins !
Dites-nous, enfin, comment nous pourrions, ensemble, comme cela s'est fait à l'Assemblée nationale, recommencer à discuter, ne pas nous séparer en laissant tout le monde dans le désespoir, et le Sénat quelque peu déconsidéré ! Faites un geste et faites-le maintenant, car, ensuite, il sera trop tard et vous n'aurez, pour voter votre texte, que les muets du sérail qui sont à ma gauche !