Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 12 septembre 2013 à 14h30
Consommation — Article 17 bis

Benoît Hamon, ministre délégué :

Cet amendement vise à modifier l’article L. 136-1 du code de la consommation afin de créer, pour les contrats conclus avec un distributeur audiovisuel, un droit de résiliation à partir du premier jour suivant la reconduction du contrat.

Je veux expliquer très clairement pourquoi je ne suis pas favorable à cet amendement et pourquoi l’on doit apprécier les questions de résiliation des contrats à tacite reconduction de manière différente selon les marchés, selon les contraintes qui leur sont propres et selon les obligations qui pèsent sur leurs acteurs. Chaque fois qu’une situation de ce type se présentait, je l’ai considérée objectivement, au regard de ce qui me paraissait être la captivité de la clientèle, la fluidité du marché, les marges réalisées, et c’est ainsi, à partir des éléments les plus objectifs dont on pouvait disposer, que nous avons construit notre doctrine, établi notre conviction.

En effet, ce n’est pas parce qu’une solution vaut pour un secteur qu’elle vaut forcément pour un autre. Une solution se justifie au regard d’arguments qui s’appliquent à un marché spécifique. Or, de ce point de vue, monsieur Mazars, il me semble que votre proposition emporterait davantage d’inconvénients que de bénéfices.

La mesure proposée modifierait très significativement les règles applicables au secteur de la télévision payante, lequel est marqué par une forte spécificité.

D’abord, afin de proposer des contenus attractifs, les diffuseurs, je le rappelle, doivent investir dans l’achat de contenus – cinéma, séries, sport –, souvent dans le cadre de contrats pluriannuels. Ces investissements sont mutualisés sur une base annuelle entre les différents contenus et sur l’ensemble du parc des abonnés. La structuration des offres par des contrats annuels permet aux diffuseurs de ne pas supporter de trop forts volumes de résiliation durant les périodes de trêve de championnat sportif ou à la fin d’une série. Elle a en outre pour effet de lisser le prix des abonnements et d’assurer l’équilibre économique des offres.

La mesure proposée ferait croître fortement le taux de résiliation pour la télévision payante, déjà en augmentation depuis deux ans et alors que le secteur est marqué par l’arrivée de nouveaux acteurs. Ce taux de résiliation, d’environ 15 %, est significativement supérieur à celui d’autres secteurs, notamment à celui qui a cours dans les secteurs bancaire et assurantiel. Ce taux est encore plus élevé pour les nouveaux abonnés puisque près de 40 % d’entre eux résilient sans frais à l’issue de la première année, contre moins de 30 % il y a quelques années. On constate donc une augmentation du taux de résiliation, en particulier au cours de la première année.

L’argument le plus important à mes yeux réside dans le fait que la télévision payante contribue de façon essentielle au financement de la création cinématographique et audiovisuelle. La mesure proposée est donc susceptible d’avoir un impact sur l’équilibre du financement de la production cinématographique et audiovisuelle française.

La diversité culturelle, la production de cinéma et de films en France dépendent beaucoup du système français du CNC – Centre national du cinéma et de l’image animée –, du compte de soutien, bref, de ce modèle innovant que nous avons su organiser, mais aussi, très largement, de la contribution des chaînes de télévision, notamment des chaînes payantes. La combinaison de l’implication forte d’un acteur public, le CNC, du compte de soutien, et d’acteurs privés permet à notre pays de se targuer de produire plus de deux cents films par an, ce qui est sans commune mesure avec les cinémas des autres pays européens, et même du monde, à l’exception évidemment de l’Inde et des États-Unis, qui constituent des cas tout à fait à part.

Au moment où nous engageons des discussions avec nos partenaires nord-américains et que l’exception culturelle, gage de diversité culturelle, pourrait être remise en cause, nous devons prendre garde à ne pas fragiliser ce qui constitue aujourd’hui l’un des piliers du financement de la création cinématographique en France : la contribution – non exclusive, bien sûr, mais très significative – de la télévision payante.

Enfin, je rappelle que l’article 17 bis du projet de loi renforce l’information des consommateurs sur les possibilités de non-reconduction des contrats à tacite reconduction tels que ceux pratiqués par la télévision payante.

Dans ces conditions, monsieur le sénateur, je vous suggère de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serais défavorable.

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