Je suis tout à fait hostile à l’article 17 quater tel qu’il a été rédigé par la commission.
Je pense qu’allonger la validité de l’ordonnance pour une prescription de lunettes en la portant de trois à cinq ans n’est pas responsable en termes de santé publique. Nous sommes actuellement sur un moyen terme – trois ans – qui est bien compris tant par les opticiens que par les ophtalmologistes. Cette durée permet un renouvellement de la prescription sans modification de celle-ci au bout de deux ans et demi, par exemple, ce qui permet au patient de repartir encore pour près de deux ans et demi ; au final, cela fait tout de même un délai de cinq ans entre deux visites chez l’ophtalmologiste !
La commission propose d’accroître encore ce délai pour faire plaisir aux opticiens, dont je ne mets d'ailleurs pas du tout en cause la qualité. Mais cela signifie qu’un patient peut se dispenser de consulter un ophtalmologiste pendant éventuellement neuf ans. Or on sait très bien que certaines pathologies oculaires évoluent à très bas bruit : des glaucomes, par exemple, ne seront pas dépistés par l’opticien. Je pense aussi à d’autres pathologies beaucoup plus graves telles que le mélanome de la choroïde ou certaines tumeurs cérébrales.
Alors qu’il a été beaucoup question de santé publique – vous en avez vous-même parlé, monsieur le ministre, à propos des lentilles de contact –, sur ce sujet, nous passons allègrement d’un terme de trois ans à un terme de cinq ans.
En conséquence, je ne voterai pas cet article en l’état. Je trouve vraiment qu’il y a là une forme d’irresponsabilité au regard de la santé oculaire des patients, notamment ceux d’un certain âge, quelle que soit d’ailleurs la qualité des opticiens, que je ne remets pas en cause. Et l’on ne peut pas arguer d’une difficulté à aller chez l’ophtalmologiste : entre un rendez-vous dont le délai sera de six mois ou d’un an et le fait d’autoriser les gens à rester plusieurs années sans consulter un ophtalmologiste, je pense qu’il y a une marge !
Je me félicite en revanche de l’amendement du Gouvernement : subordonner la délivrance des lunettes mais non celle des lentilles à l’existence d’une prescription n’était pas cohérent en termes de santé publique.
M. le ministre a évoqué l’importance que représentent les produits d’entretien des lentilles au regard de la santé publique. Refuser d’en rendre la vente plus libre et, dans le même temps, autoriser une prescription de lentilles sans l’ordonnance d’un ophtalmologiste serait totalement incohérent.
Voilà pourquoi, pour ma part, je voterai l’amendement du Gouvernement et, s’il est rejeté, voterai contre l’article 17 quater dans sa rédaction actuelle.