L’union fait la force : ce proverbe a inspiré les auteurs du site des « consommActeurs » de Guadeloupe, lancé voilà quatre mois ; ce site s’appelle « Zoban », un terme aux racines créoles.
Chacune des sept associations à l’origine de cette initiative luttait déjà pour la défense des consommateurs. Seulement, elles ont compris que ce n’est qu’ensemble, en se servant d’un portail Internet comme moyen d’expression, qu’elles pourraient se hisser au rang de contre-pouvoir dans le domaine de la consommation.
La mobilisation collective qui a présidé à cette démarche n’est pas sans rappeler une mobilisation d’un tout autre genre : celle de 2009, que l’on pourrait presque qualifier d’« année zéro » dans la prise de conscience des consommateurs ultramarins.
En réalité, il y a longtemps que les Guadeloupéens l’ont compris : en matière de consommation, c’est par l’action de groupe de fait, certes d’une autre forme que la notion juridique introduite dans le présent projet de loi, que l’on peut lutter contre la vie chère et contre les pratiques commerciales abusives. De fait, qu’il s’agisse de l’alimentation, des carburants ou de la téléphonie, chaque Guadeloupéen a à cœur de se mobiliser au quotidien pour faire valoir ses droits de consommateur.
Et pour cause : le principe de libre concurrence n’a jamais été de mise dans les économies domiennes. Depuis toujours, les situations de monopole ou de position dominante ayant cours dans les départements d’outre-mer amènent avec elles leurs inévitables corollaires, bafouant les droits des consommateurs ultramarins.
Le projet de loi que nous examinons marque le début d’une réponse aux attentes des consommateurs guadeloupéens et un tournant dans la reconnaissance de leurs droits. Un début, ou plutôt une suite, car l’actualité législative récente montre le vif intérêt accordé par le Gouvernement à la consommation en outre-mer.
Au mois de juin dernier, L’INSEE a rendu publics les résultats d’une enquête sur l’endettement des ménages guadeloupéens. Celle-ci comporte une longue partie consacrée au crédit à la consommation, qui met fin à une idée reçue en Guadeloupe, selon laquelle les ménages guadeloupéens auraient davantage recours au crédit à la consommation que les ménages métropolitains.
En revanche, cette enquête fait apparaître que le surendettement, pour une majorité des Guadeloupéens concernés, est lié au crédit à la consommation, qu’il soit renouvelable, affecté ou à la location avec option d’achat. À cet égard, trois faits me conduisent à m’interroger.
En premier lieu, la part des crédits renouvelables dans l’endettement global des surendettés est plus élevée en Guadeloupe que dans l’ensemble des départements d’outre-mer : pour 3, 2 crédits renouvelables en moyenne par dossier de surendettement en Guadeloupe, il y en a 2, 5 dans les autres DOM et 4, 2 en moyenne nationale – les chiffres de l’outre-mer sont inférieurs aux chiffres nationaux car l’offre pour ce type de crédits est plus développée en métropole.
En deuxième lieu, le recours aux crédits à la consommation tient souvent, en Guadeloupe, à la nécessité d’acquérir un véhicule pour pallier les carences du réseau de transports publics. De fait, disposer d’une voiture est quasimentindispensable pour chercher et trouver un emploi ; il ne s’agit donc pas d’un achat de confort.
En troisième lieu, le surendettement en Guadeloupe est principalement lié aux accidents de la vie, en tête desquels figure le chômage. Parce qu’ils ont moins de facilité pour accéder au crédit bancaire, les ménages les plus pauvres se tournent vers les établissements de crédit, qui compensent le risque de non-recouvrement par des taux d’intérêt excessifs. Certes, ils demeurent, dans l’absolu, les moins endettés ; mais, au regard de leurs revenus, l’effort qu’ils doivent fournir pour retrouver une situation saine est plus grand.
Cette dernière constatation est loin d’être négligeable quand on sait que les premiers chiffres du second semestre font apparaître, en Guadeloupe, une économie en berne et un pouvoir d’achat de plus en plus faible.
La consommation est le principal moteur de croissance dans l’économie guadeloupéenne. Moins de personnes surendettées ou en interdit bancaire, c’est plus de consommateurs, et donc plus de croissance. C’est dire le rôle essentiel joué par le consommateur !
Je ne peux que me réjouir à l’avance non seulement de l’adoption de l’article 18 sur l’encadrement du crédit à la consommation, mais aussi des dispositions de l’article 22 bis relatives à la responsabilisation des prêteurs : désormais, ceux-ci auront l’obligation de consulter le registre national des crédits aux particuliers avant d’accorder un nouveau crédit à la consommation, ce qui protégera les consommateurs en leur évitant la spirale du crédit.