Le président du groupe RDSE a exprimé hier notre position au rapporteur. Un mot sur la forme : le bazar qu'est devenue cette commission la fait renoncer à formuler des critiques sur tel ou tel point particulier.
La réforme consiste à remplacer des cumulards par des parachutistes, elle substituera à des responsables élus en vertu de leur assise locale des personnes désignées par des grands partis au fonctionnement clanique - l'auteur de cette épithète se reconnaîtra.
Si l'on veut faire comme les autres pays, occupons-nous plutôt d'établir une véritable séparation des pouvoirs. En France, l'exécutif et le législatif ne sont nullement séparés : voyez les déclarations des technocrates du cabinet de la ministre de la décentralisation lors du débat sur les métropoles, qui trouvaient « scandaleuses » les modifications apportées par le Sénat au motif qu'elles remettaient en cause des mois de travail de l'administration. Aux États-Unis, de tels propos sont inimaginables, et ceux qui les tiendraient seraient renvoyés sur le champ ! La forme fédérale du régime proscrit d'ailleurs le cumul des mandats.
« Vivifier la vie parlementaire » n'est pas une justification plus convaincante. Les rares études scientifiques que cite le rapporteur ne prouvent qu'une chose : on ne sait rien de l'impact du cumul sur la vie politique. J'ai moi-même fait quelques recherches : certains parlementaires dotés de lourds mandats sont certes plus absents que la moyenne, mais on trouve aussi dans cette catégorie des parlementaires dépourvus de tout autre mandat. Globalement, les cumulards sont plutôt plus actifs que les autres. Mais au-delà des heures de présence, à quoi s'emploient-ils ? À faire passer de temps à autre un sous-amendement que le Gouvernement consent à accepter après trois heures de discussion, quand par extraordinaire il ne l'a pas déclaré irrecevable ? De qui se moque-t-on ? Si l'on veut revivifier le Parlement, il faut cesser de voir en lui une pure courroie de transmission des souhaits de l'Élysée, transmis via Matignon. Et séparer véritablement les pouvoirs.
Je dis cela d'autant plus sereinement que j'ai volontairement abandonné mon mandat de maire de Figanières, commune de 2 500 habitants, lorsque je suis devenu sénateur. Je ne suis plus qu'adjoint aux finances, grâce à quoi je suis la vie locale. Et ne venez pas invoquer la volonté d'améliorer notre travail en garantissant la présence dans l'hémicycle : lorsque j'ai déposé sur le texte relatif à la transparence de la vie publique un amendement destiné à comptabiliser l'activité parlementaire - un site privé s'y emploie, mais imparfaitement -, il a été refusé !
Le cumul a longtemps été justifié, disiez-vous, par la distinction courante entre élections politiques et élections administratives. Mais lorsque nous avons présenté la proposition de loi relative à l'éligibilité des étrangers non communautaires, vous vous y êtes opposé au motif que les élections locales n'étaient pas politiques ! Finalement, elles le sont ?
Enfin, il est extraordinaire que ce texte élude soigneusement la question du cumul horizontal ! On ne pourra plus cumuler les mandats de sénateur et d'adjoint au maire de Figanières, mais être baron local, maire d'une commune de 600 000 habitants, et président d'une communauté urbaine aussi grande qu'un département ne posera aucun problème... C'est se moquer du monde ! Quant aux conflits d'intérêts, c'est bien en confrontant les intérêts particuliers et en les transmutant que l'on forge à l'intérêt général... Tout à la fois, on dénonce le conflit d'intérêts que serait le cumul des mandats et l'on promet que rien ne changera, que les parlementaires élus par des élus auront toujours le souci des intérêts locaux. Décidément, adopter ce texte en l'état ne serait pas une bonne chose.