Je suis cumulard. Si je ne figure pas dans l'article de L'Express, c'est que j'ai eu la sagesse de me taire. Je suis cumulard et j'en suis fier, car avant de cumuler il faut être élu, et chaque élection est une source de fierté. J'aborde chaque nouvelle élection comme la première. N'ayons pas honte. Les partisans de cette loi prétendent qu'elle augmentera la présence des parlementaires. Mais je suis très présent ! J'accomplis honnêtement mon travail de parlementaire et d'élu local. Les cumulards sont soumis davantage au contrôle des citoyens car ils se soumettent au suffrage tous les trois ans et doivent remplir autant de déclarations de patrimoine... Cet argument ne tient pas la route !
Le texte s'inspire de l'air du temps et prend sa source à l'antiparlementarisme. Il n'y a pas d'opposition entre des modernes et des ringards. Si être élu c'est être ringard, alors c'est la fin de la République ! De plus, en regardant de plus près le palmarès de L'Express, on constate que beaucoup des fonctions cumulées sont induites par le mandat principal : il est normal pour un maire d'être président du conseil d'administration de l'hôpital. Ne hurlons pas avec les loups, trouvons plutôt le bon équilibre.
Le cumul a considérablement augmenté avec la Vème République et l'on compte davantage de députés cumulards que de sénateurs. Pourquoi ? Pour échapper à l'emprise des partis et du pouvoir exécutif ! L'excès de parlementarisme rationalisé a engendré le cumul.
À crier partout que les cumulards empilent les indemnités et sont des incapables, on crée un climat délétère. Sans doute faut-il lutter contre les abus, mais méfions-nous d'un texte brutal, qui va bouleverser nos institutions. L'Assemblée nationale comme le Sénat seront concernées. Ici, il est probable que deux groupes parlementaires disparaîtront ou perdront leur autonomie. Le rôle de notre Haute Assemblée évoluera. Mais si elle doit devenir une Assemblée nationale bis, elle ne servira plus à rien. Il y a là un choix politique, au moins ne le dissimulez pas, ne prenez pas ces postures de vierge effarouchée devant le cumul des mandats.