Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce débat très particulier, il faut bien en convenir, je voudrais à mon tour rendre hommage au rapporteur et, à travers lui, à la commission des affaires sociales.
Le travail qu'elle a effectué mérite tout notre respect, toute notre estime et toute notre gratitude, car elle a entendu tout ce qui compte dans le pays comme autorités morales, comme autorités scientifiques ou médicales pour éclairer l'opinion du Sénat. Le problème, extrêmement difficile, souvent douloureux, en appelle à nos consciences et, aujourd'hui, suscite en effet des interrogations profondes : c'est celui, si essentiel, du passage de la vie à la mort, et c'est pourquoi nous respectons infiniment tous les points de vue qui ont été exprimés ici, ce soir.
Le groupe UMP a été particulièrement sensible à l'appel lancé par le ministre.
Il faut d'abord rappeler que ce sont deux députés d'opinions tout à fait différentes, Mme Morano, du groupe UMP, et M. Gorce, du groupe socialiste, qui, à partir d'un fait infiniment douloureux, infiniment triste, se sont concertés pour rédiger une proposition de loi commune en essayant de dépasser les clivages et de trouver ce qui, dans un domaine aussi difficile, pourrait faire l'objet d'un consensus.
Fut ensuite constituée une commission spéciale qui, sous la houlette de son rapporteur, M. Jean Leonetti, a abouti à un texte consensuel et équilibré : vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, chacun a fait un effort pour atténuer certaines de ses demandes et aller à la rencontre de l'autre, si bien que la proposition de loi a été votée à l'unanimité des groupes de l'Assemblée nationale. Le fait est suffisamment rare pour qu'on le reconnaisse et qu'on en tire des conséquences.
Je comprends la frustration de ceux de nos collègues qui estiment que le Sénat doit toujours pouvoir amender, améliorer un texte et, je le reconnais très volontiers, si nous avions eu l'initiative de cette proposition de loi, peut-être l'aurions-nous rédigée autrement, peut-être aurions-nous trouvé d'autres termes. Mais le problème n'est plus là ! Le problème, il est de prendre en considération ce fait unique, ou en tout cas beaucoup trop rare, de l'accord d'une partie de la représentation nationale sur un texte essentiel. Je ne crois pas que le Sénat se déconsidère en en prenant acte.
M. le rapporteur nous a fort bien exposé les raisons qui le conduisaient à nous demander d'émettre un vote conforme. J'aurais préféré que la proposition de loi fasse l'objet d'une très large adhésion et que l'on puisse dire que le Parlement français dans son ensemble s'était uni pour l'adopter. Cela n'a pas été possible, et je le déplore.
Il faut cependant être clair : certains de nos collègues, dont je respecte les convictions, ont rouvert ce soir le débat sur l'euthanasie. Nous ne pouvions pas, sur ces travées, approuver quoi que ce fût qui aille dans ce sens ! Dans ces conditions, il ne peut pas y avoir de consensus au sein de la Haute Assemblée.
Il eût été regrettable que, sur ce point, le Sénat se distingue de l'Assemblée nationale et que cette proposition de loi, comme n'importe quel autre texte, connaisse les allers-retours de la navette : croyez-moi, il n'en serait pas resté grand-chose !
Le texte qui va être voté aujourd'hui n'est qu'un premier pas. Il marquera une étape et, en tout cas, soulagera la conscience de beaucoup, apportera une aide à un certain nombre de médecins. D'aucuns, à l'instar de l'orateur qui vient de s'exprimer, en doutent, je l'ai bien compris ; je ne suis pas médecin, mais je sais que mon frère, par exemple, qui est médecin réanimateur, considère ce texte comme un progrès pour lui et pour ses confrères.
Il faut se réjouir, mes chers collègues, que le débat ne soit pas rouvert à l'Assemblée nationale. Certains le souhaitaient, regrettant peut-être le consensus intervenu. J'affirme que c'eût été une mauvaise chose. La proposition de loi n'est peut-être pas parfaite, mais, au moins, elle est l'expression d'une volonté très large dans une autre assemblée : il faut le reconnaître en toute simplicité.
Quant au reste, soyons assez humbles pour savoir connaître nos limites, pour savoir que, dans des cas très douloureux, quand on est face à sa conscience, les choses sont extrêmement difficiles. Il est dit quelque part : « Ne jugez pas ! » Nous ne jugeons pas. Nous souhaitons seulement que malgré tout, ce soir, à l'issue de nos débats, soit adopté un texte qui pourra être utile à un très grand nombre de médecins qui, aujourd'hui, n'avaient pas la sécurité juridique et morale dont ils avaient besoin pour accomplir leur tâche.