Intervention de Virginie Klès

Réunion du 16 septembre 2013 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Virginie KlèsVirginie Klès, rapporteur :

De même, à la télévision, au cinéma, une femme n’a pas le droit au moindre défaut physique – ou alors on dira : que fait-elle là ? Est-ce la même chose pour nos compagnons, pour les hommes ? Pas tout à fait.

Le sport, hormis peut-être l’équitation – je suis cavalière – où les épreuves sont parfaitement mixtes, distingue très souvent des épreuves féminines et des épreuves masculines. Pourquoi pas ? En revanche, pourquoi les épreuves féminines sont-elles toujours diffusées à des moments de moindre audience ? C’est que l’on se débarrasse d’abord de ce qui n’a que peu d’importance. Ensuite, vient enfin la finale masculine, celle qui compte : la finale des perdants, ou des perdantes, est suivie de celle des gagnants, c’est-à-dire les hommes.

Une femme autoritaire, une femme qui démontre des qualités de chef, est aussitôt soupçonnée d’avoir forcément des problèmes au foyer, on dit qu’elle « porte le pantalon » !

Si une femme réussit dans la politique, on est sûr qu’elle est « pistonnée », ou qu’elle a profité des lois sur la parité. En tout état de cause, elle a certainement pris la place d’un homme qui, lui, était compétent ! §Les hommes qui, eux, étaient compétents, pensent-ils au nombre de femmes qu’ils ont empêchées de prendre une place alors qu’elles étaient, elles aussi, compétentes ?

Ainsi, nous sommes certes égales aux hommes dans les textes, et les hommes sont égaux à nous. Il est toutefois important qu’évoluent toutes ces échelles de valeur, qui classent les uns au-dessus des autres, les uns au-dessous des autres, qui ne mettent les femmes au premier rang qu’en tant que mères, parfois en tant qu’épouses, mais qui les oublient le reste du temps. Il est temps que toutes ces représentations changent. Il est temps que la société change sur le fond.

Il est temps que cette société change, parce que c’est dans cette société finalement inégalitaire dans son fonctionnement de tous les jours que se construisent nos enfants et que se forment aussi les images et les valeurs grâce auxquelles nos enfants se structurent. Si vraiment nous voulons que la société change profondément, il faut aussi que nos enfants puissent changer profondément et qu’ils disposent d’autres représentations que celles – un peu caricaturales, je vous l’accorde – que je viens de décrire.

La société peut changer, certes, avec le temps ; en évoluant tout doucement, en laissant les comportements se transformer petit à petit, mais elle doit aussi, parfois, évoluer grâce aux textes, grâce à la loi qui donne un petit coup de pouce supplémentaire où cela est nécessaire, avec exigence, comme vous l’avez dit, madame la ministre, avec fermeté et avec compréhension : sans exagérer et sans monter les uns contre les autres, sans en arriver à une lutte des sexes. Cependant, il est temps, réellement, que nous avancions sur ces sujets.

C’est dans cet esprit que ce texte a été écrit et que la commission des lois l’a examiné, avec le secours de la commission des affaires sociales, de la commission de la culture et de la délégation aux droits de la femme, dans un échange permanent et constructif. C’est avec l’idée d’éclairer toutes les fonctions sociales des hommes et des femmes que nous allons examiner ce texte.

Certes, d’autres combats en ont été exclus du débat d’aujourd’hui, notamment celui contre proxénétisme. Il s’agit là d’un combat dur qu’il faudra mener – je sais que vous y êtes attachée, madame la ministre –, mais sans doute ne trouvait-il pas sa place dans le texte que vous présentez aujourd’hui.

D’autres sujets devront être approfondis, notamment en matière de viol, de violences sexistes, de mariages forcés. Toutefois ce texte n’en est qu’au début de son parcours législatif. J’en profite pour répondre à ceux qui me demandent d’aller plus vite : l’importance de ce texte justifie que nous prenions le temps de réfléchir, en respectant le jeu de la navette parlementaire, pour approfondir ces questions de façon raisonnée, compréhensive, exigeante et ferme.

La commission des lois a longuement examiné le sujet des violences faites aux femmes. Ces violences sont insoutenables, inacceptables, et elles le sont encore plus quand il s’agit de violences sexistes, quelles qu’elles soient, parce que les violences sexistes procèdent d’une représentation de l’autre comme un objet que l’on s’approprie de façon brutale. Cette appropriation est peut-être partielle, ou occasionnelle quand il s’agit de viols ou de violences sexistes perpétrées par un inconnu ; elle est tout aussi dangereuse quand il s’agit de violences intrafamiliales, mais elle est alors beaucoup plus insidieuse, car elle est totale, complète et permanente. En tout état de cause, ces violences trouvent leur fondement et leurs racines dans les représentations inégalitaires que nous nous faisons, les uns et les autres, de l’homme et de la femme, de leurs besoins et de leurs compétences. Ce texte, qui s’attache à la représentation de la femme et de l’homme sous tous ces aspects sociaux tient justement compte de ce qui fait naître ces violences.

La commission des lois a proposé, sur l’ensemble des articles de ce projet de loi, des amendements de nature à préciser certains points, à rendre leur mise en œuvre sur le terrain plus aisée, tout en tenant compte de ce qu’ont exprimé nos interlocuteurs, mais elle s’est particulièrement attardée sur le sujet des violences, en particulier des violences intrafamiliales.

Dans l’examen des nombreuses mesures que comporte ce texte, la prise en compte des enfants doit, me semble-t-il, conduire notre réflexion. Je me réjouis de constater que le Gouvernement a répondu à notre préoccupation concernant la construction des enfants. Celle-ci s’élabore non seulement dans la société où, nous l’avons vu, les représentations ne sont pas encore totalement égalitaires entre l’homme et la femme, mais aussi dans la famille. Or, s’il faut qu’elle se déroule dans une famille où l’humiliation, la possession de l’autre, l’insulte, apparaissent comme la normalité, comment un enfant pourra-t-il se construire dans le respect de l’autre, surtout s’il est de sexe différent, en sachant quels sont les liens qui doivent l’unir à un père ou à une mère, en sachant reconnaître l’autorité ? Comment va-t-il s’y retrouver quand, à l’école, on va lui enseigner l’égalité des filles et des garçons, tandis que, chez lui, il voit l’inverse tous les jours ?

Ces enfants vont nécessairement reproduire certains comportements – sans que nul ne soit en mesure aujourd’hui de le prédire pour chacun – qui, en tout cas, n’aideront pas la société à évoluer dans le bon sens et qui ne les rendront certainement pas heureux dans leur vie future. Par conséquent, il fallait effectivement penser aux enfants, et ceux-ci sont aujourd’hui beaucoup mieux pris en compte dans la lutte contre ce fléau de santé publique que sont les violences intrafamiliales.

La commission des lois tenait à ce que la médiation ne puisse pas avoir lieu deux fois au sein du même couple. Elle a été aussi entendue sur cette question. Il est vraiment très important d’admettre que, lorsque les violences se renouvellent au sein d’un couple, il ne s’agit plus d’un conflit qui dégénère en un geste violent, mais d’un problème de violence avec emprise. Il est alors nécessaire d’offrir à ce couple, pour s’en sortir, d’autres outils ce que celui de la médiation.

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