Intervention de Maryvonne Blondin

Réunion du 16 septembre 2013 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Maryvonne BlondinMaryvonne Blondin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est saisie pour avis du projet de loi relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes, que vous avez présenté, madame la ministre, avec beaucoup de détermination.

Ce texte s’inscrit dans la continuité de l’action de tout le Gouvernement en faveur des femmes et suit la réinstallation d’un ministère de plein exercice chargé des droits des femmes, trente ans après le premier en date.

Comme l’indique l’exposé des motifs, les inégalités de traitement et d’opportunités, qui se constituent dès la petite enfance, marquent encore les parcours et le devenir des femmes et des hommes : tâches domestiques, écarts de rémunération, temps partiel, présence des femmes à la tête d’entreprises ou dans les conseils d’administration des entreprises du CAC 40, à la présidence des universités ou encore dans les assemblées d’élus… Le chemin à parcourir pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes est encore long et nous avons le devoir de soutenir avec conviction toutes les réformes qui contribueront à améliorer la situation de nos concitoyennes, dans tous les domaines de la vie.

Je salue votre démarche, madame la ministre, car le projet de loi que nous examinons aujourd’hui aborde l’égalité dans toutes ses dimensions, en traitant des questions relatives à l’entreprise, à la conciliation des temps de vie, à la précarité des femmes, notamment celle des mères isolées, à leur protection renforcée contre les violences, à l’image des femmes dans les médias ou encore à la parité dans la sphère publique ou privée. Votre engagement personnel a été déterminant et vous avez su répondre aux attentes de notre société en mobilisant vos collègues au sein du Gouvernement.

Je souhaite également saluer l’investissement de tous mes collègues, hommes et femmes, qui ont abordé ce texte au Sénat dans un esprit d’ouverture, avec la volonté de doter notre pays des outils qui permettront à chacun et à chacune de faire progresser l’égalité.

Notre commission s’est saisie pour avis, car la culture, le sport ou les médias n’échappent malheureusement pas à ce phénomène d’inégalités entre les femmes et les hommes.

La place des femmes dans l’art et la culture a été analysée de façon remarquable par la délégation aux droits des femmes, dans l’excellent rapport de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin. Il indique, sept ans après le premier rapport de Reine Prat sur le sujet, que les chiffres sont restés les mêmes : les postes de direction des institutions et industries culturelles sont toujours monopolisés par les hommes.

Parmi les dirigeants de l’administration culturelle, seuls 18 % sont des femmes, soit sept femmes pour trente et un hommes. Au sein de la Réunion des opéras de France, 4 % seulement des directeurs sont des femmes. Ce taux est de 15 % pour les trente-quatre centres dramatiques nationaux. Il passe à 30 % pour les centres chorégraphiques nationaux. Comme vous pouvez le constater, nous sommes très loin d’une situation d’égalité entre les femmes et les hommes.

Cet été encore, la question des nominations dans le monde de la culture, et notamment à la tête des centres dramatiques nationaux, a fait réagir bon nombre de personnes. Lors d’une conférence de presse sur le patrimoine organisée vendredi dernier, la ministre de la culture a annoncé que les nominations à la tête des opérateurs culturels se feraient désormais dans le respect de procédures transparentes et identiques pour tous les candidats.

Cette innovation devrait constituer une formidable opportunité pour les femmes. Espérons que la nomination de Sophie Makariou à la tête du musée Guimet soit le signe annonciateur d’une nouvelle ère pour les femmes, car elles sont nombreuses à posséder les compétences nécessaires pour diriger les établissements culturels et notre travail de législateur doit les encourager à prendre confiance en elles, pour que la culture bénéficie de tous leurs talents.

La saisine de notre commission concerne trois articles : l’article 16, relatif à la modification des pouvoirs du Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA ; l’article 19, relatif à la parité dans les instances dirigeantes des fédérations sportives ; l’article 23, qui autorise le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures relevant de la loi.

Avant d’aborder ces sujets, je voudrais d’ores et déjà vous indiquer que la commission de la culture a adopté un amendement relatif à l’égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de l’intermittence.

Notre commission a constitué, avec la commission des affaires sociales, un groupe de travail que j’ai l’honneur de présider. À la demande de notre collègue Brigitte Gonthier-Maurin, nous avions prévu de nous pencher plus précisément sur le cas des femmes intermittentes et, en particulier, sur celui des « matermittentes », comme on les appelle. Nous avons depuis été alertés par le collectif qui les représente : elles se trouvent dans des situations intolérables, c’est pourquoi je vous proposerai, au nom de notre commission, un amendement qui obligera le Gouvernement à se pencher sur leur cas.

Il s’agit en effet de demander le dépôt, dans les six mois suivant la promulgation de la présente loi, d’un rapport évaluant le nombre de cas de refus d’indemnisation du congé de maternité, ainsi que les conséquences pour le retour à l’activité et la retraite, parmi les femmes exerçant une profession discontinue, dont les intermittentes font partie. En raison de la réglementation qui leur est appliquée et de la gestion de leurs dossiers par les CPAM et Pôle emploi, ces dernières sont nombreuses à se retrouver sans aucun revenu, alors qu’elles sont enceintes et donc dans l’impossibilité physique et juridique de travailler. Cette précarisation est inacceptable : les femmes enceintes doivent être protégées et nous ne pouvons tolérer les situations dramatiques qui se multiplient, créant ainsi une rupture caractérisée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

Je tiens à rappeler que le Défenseur des droits s’est prononcé le 8 mars 2012, à la suite d’une saisine de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, par trente-trois « matermittentes ». Il a reconnu que les conditions d’ouverture des droits à une indemnisation du congé de maternité sont inadaptées à la situation des intermittentes, et que « le dispositif d’attribution des prestations aux intermittentes du spectacle durant et à l’issue de leur congé de maternité n’est pas assuré correctement au regard de l’impératif de protection de la femme enceinte ». Il en conclut que la situation dans laquelle elles sont placées « constitue une discrimination fondée sur l’état de grossesse tant au regard du droit communautaire que du droit interne ».

Le 16 avril dernier, la direction de la sécurité sociale a enfin publié une circulaire détaillant le régime juridique applicable aux personnes exerçant une profession discontinue – comme les intermittents du spectacle, mais aussi les pigistes et les guides conférenciers, entre autres – pour l’accès aux prestations en espèces servies au titre de la maladie et de la maternité. Cette circulaire constitue un progrès qui doit être souligné. Toutefois, d’après les témoignages reçus, elle ne règle pas les problèmes constatés.

En outre, nous attendons le décret d’application de l’article 51 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui modifie le code de la sécurité sociale pour prendre en compte le cas des femmes ayant accepté, lors de leur grossesse, de petits contrats insuffisants pour le maintien de la qualité d’assurée.

Enfin, dans la mesure où les CPAM ne motivent pas assez précisément les refus d’indemnisation, les femmes sont dans l’impossibilité de comprendre la raison pour laquelle elles se retrouvent du jour au lendemain sans aucune ressource.

S’il semble urgent de prendre des mesures, il convient, dans un premier temps, de faire rapidement le point sur la situation de ces femmes. Une analyse complète, juridique et chiffrée permettra d’envisager une solution pertinente et efficace.

Venons-en maintenant aux articles du projet de loi que j’évoquais en introduction. L’article 16 offre une réponse aux difficultés relatives à l’image des femmes dans les médias et à leur présence dans le sport en confiant de nouveaux pouvoirs au CSA. L’article 19 fixe des règles contraignantes de mixité au sein des organes dirigeants des fédérations sportives. L’article 23 autorise le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance des mesures en faveur de la parité dans les autorités administratives.

L’article 16 prévoit que le CSA pourra, d’une part, assurer le respect des droits des femmes dans le domaine de la communication audiovisuelle et, d’autre part, imposer des obligations de programmation aux chaînes hertziennes nationales afin qu’elles contribuent à la lutte contre les préjugés sexistes et les violences faites aux femmes.

Je suis pleinement favorable à ces mesures, mais je crois qu’il serait pertinent d’étendre la disposition relative aux obligations de programmation à l’ensemble des services de communication audiovisuelle, qu’ils soient nationaux ou même locaux, et tant à la radio qu’à la télévision, au lieu de limiter cette disposition aux seules chaînes nationales. Notre commission a adopté un amendement en ce sens, car la lutte contre les préjugés sexistes est l’affaire de tous.

Je suis également pleinement favorable au principe de la mise en place d’une obligation de représentation minimale des femmes dans les instances dirigeantes nationales des fédérations sportives : 25 % dans les fédérations comptant moins de 25 % de femmes, et 50 % dans les autres. Le renforcement de la pratique sportive féminine est un impératif, qui passe aussi par une augmentation progressive de la place des femmes dans les organes dirigeants des fédérations.

Néanmoins, nous sommes aussi conscients des contraintes spécifiques que subissent les acteurs bénévoles de la vie associative. Je considère ainsi qu’un léger assouplissement de la disposition permettrait une mise en œuvre beaucoup plus efficace. Notre commission a adopté deux amendements à l’article 19. Le premier prévoit que, au sein des fédérations dans lesquelles la proportion de licenciés d’un des deux sexes est supérieure ou égale à 25 %, les instances dirigeantes devront compter au moins 40 % de personnes du sexe le moins bien représenté dans la fédération. Le second amendement indique que, dans un premier temps, les fédérations devront assurer une représentation du sexe minoritaire au moins égale à sa proportion parmi les licenciés.

Les dispositions de l’article 23 sont superfétatoires s’agissant de la parité au sein du CSA, puisqu’un dispositif spécifique est déjà prévu dans le projet de loi relatif à l’indépendance de l’audiovisuel public. La commission de la culture n’a pas souhaité modifier le présent texte : elle a choisi de se consacrer à cette question lorsqu’elle examinera le projet de loi que je viens de citer.

En conclusion, la commission de la culture a émis un avis favorable sur les articles 16, 19 et 23, sous réserve bien entendu de l’adoption des amendements dont nous allons discuter.

Avant d’achever mon intervention, je souhaiterais adresser un message à toutes celles et ceux qui se sentent concernés par l’égalité entre les femmes et les hommes, en reprenant une expression de Marie-José Malis, directrice du Théâtre de la Commune d’Aubervilliers : « inaugurons une ère de confiance et d’audace » !

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