Intervention de Cécile Cukierman

Réunion du 16 septembre 2013 à 15h00
Égalité entre les femmes et les hommes — Discussion d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Cécile CukiermanCécile Cukierman :

Ces chiffres et cet exemple ont le mérite de souligner l’importance de ce que l’on appelle les rôles sociaux de sexe : les femmes, du fait de leur place dans la reproduction, seraient assignées par nature à jouer un rôle dans la sphère familiale, tandis que les hommes seraient assignés à agir dans la sphère publique, laissée de fait vacante.

C’est pourquoi il est crucial de lutter contre les stéréotypes – je sais, madame la ministre, que vous êtes attachée à ce combat.

Ces stéréotypes sont ancrés souvent depuis le plus jeune âge par les parents, mais aussi par les différentes personnes que les enfants rencontrent : professionnels, enseignants et enseignantes, éducateurs et éducatrices. Ils sont souvent renforcés par des remarques ou par des comportements involontaires, qui entraînent de l’inégalité sans que cet effet ait été consciemment recherché ; nous devons toutes et tous nous interroger sur ces comportements, et il est nécessaire de former les différents professionnels à cet égard.

Si l’on avance globalement sur l’idée que le pouvoir, la supériorité ou l’intelligence n’auraient pas de sexe, les chiffres à notre disposition indiquent bien que des freins, pas toujours identifiés comme étant le résultat de processus d’exclusion ou d’inégalité, perdurent.

Je ne reprendrai pas les chiffres, nous les connaissons. Chaque année, autour du 8 mars, ils font la une des journaux et, malheureusement, restent les mêmes, qu’il s’agisse de l’accès aux postes à responsabilité ou de décision dans le monde du travail, du nombre de femmes maires, députées ou sénatrices, du nombre de femmes à la tête de très grandes associations...

À cet égard, j’ai coutume de citer en exemple les associations de parents d’élèves, que je respecte par ailleurs : au sein des conseils de vie locale, les femmes ont une très large place, mais quand on monte au collège et au lycée, de très nombreux hommes apparaissent, qui pourtant étaient bien sûr les pères de leurs enfants depuis le début de la scolarisation de ces derniers !

Si nous sommes d’accord pour dire et penser que toute personne ne souhaite pas et ne peut pas devenir P-DG, ministre, pilote d’Airbus, infirmier, puériculteur ou couturier, l’enjeu est que, en revanche, toute personne qui le souhaite puisse y arriver sans entraves liées à son sexe. Lutter contre la précarité et la pauvreté est une exigence politique d’autant plus forte. Agir de cette façon, c’est aussi combattre les différentes inégalités.

Parmi les conditions favorisant l’émancipation des femmes et leur pleine participation à la vie économique et sociale dans les sphères publique et privé, il en est une majeure : ne pas exercer de violence à leur encontre.

La violence est, de manière générale, à bannir des comportements humains. Toutefois, il se trouve que les violences sont majoritairement exercées par les personnes de sexe masculin envers des personnes de sexe féminin. Quelque 75 000 femmes sont victimes de viol chaque année. Une femme meurt des coups de son conjoint tous les deux jours et demi, comme le rappelait Mme la rapporteur de la commission des affaires sociales. Et 38 % des femmes assassinées dans le monde l’ont été par leur partenaire. Une lutte implacable doit être menée et, comme nous y invite le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, ce texte doit constituer une rupture sur le sujet.

Mes chers collègues, j’en appellerai une nouvelle fois à votre imaginaire : est-il possible de penser, de croire, d’entendre qu’une jeune fille qui a été violée ou battue « a laissé faire », ou même « l’a bien cherché » ? Qu’une femme harcelée au travail « le mérite » ou que tout cela n’est qu’une blague de potache censée mettre une bonne ambiance entre les salariés ? Qu’une autre, mariée de force, finira par trouver le bonheur auprès de son mari ? Tout travail de responsabilisation, tout dispositif d’alerte, de veille, de protection, tout renforcement de la coordination des actrices et acteurs de terrain sur ces questions est à valider car, plus jamais, nous ne devons entendre cela.

Il convient de détailler, dans ce chapitre 1er du titre III, les actions relatives à la protection des femmes victimes de violences, en comprenant bien ce que signifie ce terme, ce qu’il peut recouvrir comme diversité de cas et entraîner comme épreuves pour les victimes.

Il est à noter également combien il est important que les médias, la publicité et, plus largement, celles et ceux qui alimentent les discours, de plus en plus fréquents aujourd’hui, autour d’une émancipation féminine qui se ferait « grâce » au regard que les hommes portent sur les femmes prennent conscience que la dérive vers ce qui est appelé le « porno chic » peut favoriser des actes de violence d’hommes envers des femmes. Et s’il arrive que des actrices en jouent et en vivent, les effets de certaines de leurs déclarations peuvent êtres néfastes sur des personnes fragilisées et les amalgames malheureusement vite faits : une femme égale un objet.

Il ne s’agit pas pour nous de tomber dans la pruderie et de revenir à l’époque de la morale et de la censure ou à une hypocrite bienséance des comportements. Il s’agit de mesurer la portée de certains actes et de certaines paroles, d’autant plus lorsque ceux-ci sont véhiculés massivement.

Les femmes doivent oser. Elles sont de plus en plus nombreuses à faire la preuve de leur pleine capacité à assurer les responsabilités qui leur sont confiées, en démontrant qu’elles veulent non pas une guerre des sexes, mais le plein exercice de la démocratie, en étant à la place qu’elles sont en droit d’occuper en tant que moitié de l’humanité. Montrons donc l’exemple dans nos assemblées et gageons que ce nouveau projet de loi apportera une pierre supplémentaire, solide, à l’édifice de l’égalité. Pour notre part, nous y veillerons.

Madame la ministre, je l’ai dit, ces deux jours vont être riches. Nous avons, comme d’autres groupes, déposé de nombreux amendements. Nous souhaitons, bien évidemment, soutenir ce texte et lui donner une portée plus forte. Nous serons donc attentifs au sort qui sera réservé à nos propositions.

Comme je l’ai dit au début de mon intervention, notre objectif est bien, à l’issue de ce débat, d’envoyer à l’Assemblée nationale un texte qui affirme réellement cette volonté d’égalité entre les femmes et les hommes dans les différents champs de la société.

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