Rien n’est stabilisé, rien n’est achevé.
Les oratrices précédentes ayant parlé – et bien parlé – des nombreux sujets dont traite le présent texte, j’évoquerai plus spécifiquement l’accès à l’IVG, ce droit reconnu depuis bientôt quarante ans. À cet égard, je tiens à donner lecture d’un témoignage que j’ai recueilli hier, et dont la sincérité et la véracité sont totales. Je vais vous le lire comme je l’ai reçu. Il émane d’une femme de quarante ans, ayant eu recours à une IVG il y a moins de deux mois, dans un hôpital que je connais bien.
« Il faut tout d’abord obtenir un certificat de grossesse. La pénurie de gynécologues et leur agenda surchargé m’ont obligé à camper trois heures dans la salle d’attente de la clinique, la même que celle où j’avais mis ma fille au monde, en espérant que ″quelqu’un puisse me recevoir″, comme me l’a asséné l’assistante avec une mine outrée.
« Puis le gynécologue, après un long sermon se concluant par : ″Je vous préviens, c’est la première et la dernière fois″, m’a fait subir une échographie avec le son et l’image. Nue sur la table et vulnérable, j’ai alors subi un interrogatoire se soldant par la question vicieuse : ″Mais, si vous le gardiez, il serait malheureux ?″
« Devant ma détermination, un second gynécologue a fait son entrée comme par hasard dans la salle d’examen, en s’exclamant devant l’écran de l’échographie : ″Oh ! Le beau bébé !″ Éloquent ! Je suis ressortie avec mon certificat, mais aussi avec les photographies de l’échographie et une ordonnance pour le bilan de grossesse, au cas où je changerais d’avis. »
« Vient ensuite le rendez-vous dans le centre d’orthogénie de l’hôpital de ma ville. Dans un cagibi sordide, intelligemment situé en plein cœur du pôle mère-enfant. Assise à cet endroit stratégique, chacun peut savoir que celle qui attend sans avoir un gros ventre ou une poussette est candidate à l’avortement. »
Je vous épargne les détails de l’IVG médicamenteuse et de l’expulsion tels qu’ils sont relatés dans la lettre ; sachez seulement qu’ils sont sordides et cohérents avec le reste du tableau.
Encore un dernier passage : « Arrive ensuite la gynéco qui va faire le curetage. Elle me pose mon dossier sur le ventre, fronce un sourcil et me demande, suspicieuse : Pourquoi vous ne voulez pas le garder celui-là ? – Madame, je crois que c’est trop tard. – Ah bon ? Est-ce que vous avez fait aussi le placenta ?... – Je n’en sais rien, madame, je n’en sais rien. »
Cette femme est ensuite repartie avec un implant, sans qu’on lui explique ce qu’il fallait faire, ni combien de temps elle le garderait, ni quels en étaient les effets. Rien ! Elle est repartie sans même qu’on lui propose une nouvelle consultation.
À la lecture de ce témoignage, je me suis interrogée. Nous serons amenés, au cours de cette discussion, à examiner un amendement visant à étendre le délit d’entrave à l’IVG pratiquée hors des murs des hôpitaux ainsi qu’à l’accès à l’information sur l’IVG. Je me suis donc demandé s’il ne fallait pas déposer un sous-amendement afin de viser également les équipes médicales pratiquant des IVG et chargées d’accompagner les patientes.
Néanmoins, comme je ne pratique pas le « un fait divers, une loi », j’ai pensé qu’il valait mieux procéder par ordre en vous suggérant, à vous, madame la ministre, ainsi qu’à votre collègue chargée de la santé, dont je sais l’intérêt qu’elle porte à ce sujet, de diligenter une enquête afin de savoir si de telles pratiques sont marginales, minoritaires ou répandues.
Des échos nous parviennent, nous recueillons des témoignages, mais je ne dispose pas d’une étude statistique du phénomène. Je sais seulement que ces pratiques n’ont rien d’exceptionnel. Il nous faut savoir ce qu’il en est exactement et agir en conséquence. En tout cas, le climat n’est pas bon, il est propice à des remises en cause sournoises de l’IVG.
Nous comptons, madame la ministre, sur votre engagement, comme vous pouvez compter sur notre soutien dans votre action et pour ce projet de loi.