Intervention de Catherine Ferrant

Mission d'information sur l'action extérieure de la France — Réunion du 10 juillet 2013 : 1ère réunion
Audition de Mme Catherine Ferrant déléguée générale de la fondation total

Catherine Ferrant, déléguée générale de la Fondation Total :

La Fondation Total, créée en 1992 après le sommet de Rio, est assez généraliste. La démarche de dédier des actions d'intérêt général à la compréhension des enjeux environnementaux émergents était innovante de la part de ce qu'était Total. Nous avons choisi de nous orienter sur la biodiversité marine.

Nous soutenons depuis 17 ans des programmes de recherche relatifs aux inventaires et à la compréhension des processus marins. Nous travaillons également à la réhabilitation d'espèces et à la sensibilisation des populations aux enjeux de la biodiversité.

Au vu de l'approfondissement et de l'élargissement des enjeux sociétaux, nous avons modifié les statuts de la fondation, afin qu'elle puisse englober les actions de mécénat de culture et de patrimoine, jusqu'alors portées par les Relations publiques. Nous incluons également le mécénat de santé et de solidarité, initié par la Direction des Ressources humaines. Nous disposons donc d'une fondation d'entreprise qui englobe et structure ces programmes. Je suis en outre Directrice du mécénat.

Nous avons à titre d'exemple un partenariat initié par Martin Hirsch, lorsqu'il était Haut-Commissaire à la Jeunesse, représentant un investissement de 50 millions d'euros sur 6 ans. Ce montant était initialement alloué à un fonds d'expérimentation pour la jeunesse, mais finance désormais des initiatives innovantes d'accès des jeunes à l'autonomie.

Le mécénat de santé a été initié avant son intégration dans la Fondation, en 2005, quand Total a souhaité entreprendre des actions d'envergure dans le domaine de la santé. Il s'agissait d'aider les pays dans lesquels nous sommes présents à lutter contre ce qui nous apparaît comme une des sources essentielles de tensions sociales, soit l'inégalité d'accès aux biens fondamentaux. Nous nous sommes tournés vers l'Institut Pasteur, constatant sa convergence avec nous en tant qu'acteur français présent à l'international et à la recherche d'excellence dans son métier de base.

Nous avons échangé avec le Professeur Kourilsky dès 2004, et signé avec Alice Dautry en 2005 une convention visant à renforcer durablement les capacités de prévention, de diagnostic et de traitement des pathologies infectieuses dans les pays où Total et l'Institut Pasteur sont présents. Cette convention intégrait une composante de recherche, mais nous avons rapidement souhaité que les programmes que nous soutenions aient une dimension de santé publique et initient des soins. L'Institut Pasteur nous reconnaît ainsi comme parmi ses partenaires le portant au plus près du terrain. Nous considérons en effet qu'il existe une chaîne depuis la recherche fondamentale en passant par la recherche appliquée et le renforcement des systèmes de santé publics, qui peut permettre la formation d'acteurs de terrain. Elle peut également, à travers le suivi d'une pathologie, faire émerger des modèles applicables tant à une autre pathologie dans le même pays qu'à la même pathologie dans un autre pays.

Cette convention a été reconduite pour cinq ans en 2010, et s'intitule depuis cette date Chaire Françoise Barré-Sinoussi. Le Professeur Barré-Sinoussi est en effet notre référente scientifique depuis 2005 et a obtenu le Prix Nobel en 2008. Nous pouvons ainsi développer des programmes d'excellence, car les projets sont suivis sous ses conseils. Nous sommes présents au Comité de pilotage avec un administrateur de la Fondation indépendant, le Professeur Aubier. Ce Comité de pilotage inclut également des membres de l'Institut Pasteur et de l'Agence nationale de recherche contre le sida (ANRS). Jean-François Delfraissy est ainsi administrateur de l'Institut Pasteur. Le Comité de pilotage nous propose des projets que nous étudions avec nos filiales locales afin de déterminer s'ils correspondent aux besoins de ces filiales. Les projets s'étalent initialement sur deux à trois ans, et durent souvent quatre ans. Ils portent sur le financement, le budget initial étant généralement dépassé en raison de l'émergence de nouveaux besoins.

Nous avons mis un certain temps à instaurer une relation de confiance avec l'Institut Pasteur. Nous avions commencé en 2005 à financer essentiellement des actions de recherche fondamentale, notamment contre la dengue et pour la mise au point d'outils de diagnostic précoce des diarrhées graves des enfants. La présence de François Barré-Sinoussi a entraîné l'intégration de la lutte contre le VIH dans les programmes.

L'articulation des programmes de terrain a été difficile. Nous avions décidé de donner 2 millions d'euros chaque année aux thématiques de santé pendant 5 ans, et nous ne parvenions pas à dépenser ces fonds directement avec l'Institut Pasteur. Nous nous sommes donc tournés vers l'ANRS afin de financer des programmes de recherche multi-pays portant sur des thématiques liées au VIH, comme le diagnostic de la tuberculose chez les enfants atteints du VIH, et le traitement conjoint de la tuberculose et du VIH. La prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant a également été intégrée. Nous avons donc identifié progressivement des programmes de terrain. Je souhaite détailler deux d'entre eux.

Le premier programme concerne les diarrhées infantiles à Madagascar en en Centrafrique. L'initiative est partie des recherches fondamentales sur la mise au point d'outils de diagnostic précoce et rapide par l'Institut Pasteur de Paris et dans deux centres d'excellence situés à Bangui et à Tananarive. Les pays très déshérités disposent en effet de centres d'excellence qui forment un grand nombre de chercheurs locaux. Nous avons commencé à Madagascar par une recherche épidémiologique sur la prévalence de la diarrhée infantile grave chez les enfants afin d'identifier un lieu où nous pourrions développer des actions de santé publique. Ce lieu a été situé à 70 kilomètres de Tananarive, dans la région semi-urbaine de Moramanga. Un hôpital pédiatrique a été équipé de structures permettant d'accueillir et de traiter les enfants malades. Nous avons formé une dizaine de personnes malgaches qui ont suivi les projets. Nous avons en outre impliqué des ONG qui nous ont permis d'identifier et de suivre les mères. Nous avons ainsi pu coopérer à la mise au point toujours en cours d'un vaccin contre la diarrhée infantile. Ce programme, qui rassemblait au départ des acteurs divers comme des chercheurs, des médecins, des infirmiers et des acteurs sociaux, a permis le développement d'un autre programme, dont nous ne sommes pas les financeurs, portant sur l'assainissement des eaux. Ce dernier programme inclut également un suivi anthropologique de la population afin de cerner le recours aux médecines traditionnelle et occidentale.

Forts de cette expérience, nous avons développé un deuxième programme similaire en Centrafrique, qui mobilise en outre une ONG. Nous sommes allés plus loin en cofinançant une recherche anthropologique visant à cerner comment les mères sont impactées par la diarrhée de leur enfant. Nous avons ainsi constaté que les mères ont recours à des antibiotiques et de faux médicaments vendus sur les marchés. Une recherche sur la résistance des enfants aux antibiotiques est donc en phase d'étude. Nous observons avec admiration que malgré les difficultés auxquelles est confronté ce pays, la recherche se poursuit.

Concernant notre programme au Cameroun, nous nous sommes associés à la fin des années 2000 à un programme de recherche conduit par l'Institut Pasteur et l'ANRS portant sur la transmission du VIH aux enfants. Nous avons équipé l'Institut Pasteur de Yaoundé afin qu'il soit en mesure de conduire des recherches, et financé la réhabilitation de deux hôpitaux. Nous avons en outre financé le volet médical et social d'accompagnement de ces recherches. A travers ce programme, nous développons avec l'institut Pasteur et l'ANRS un programme permettant une nouvelle prise en charge durable des enfants séropositifs. La recherche doit avoir marqué durablement le système de santé publique du pays.

Nous tentons en outre d'installer dans ce pays un programme de prévention du VIH auprès des transporteurs routiers, population cliente et fournisseur de Total. Le programme est discrètement étendu aux travailleurs du sexe. La Fondation Total a souhaité le transposer au Burkina Faso.

Parmi nos programmes dont je vous ai transmis l'inventaire, je voudrais évoquer celui au Cambodge. A l'initiative de l'ANRS et avec le soutien de François Barré-Sinoussi, nous avons financé une recherche sur le suivi thérapeutique des enfants et adolescents porteurs du VIH et de la tuberculose. Une chaîne d'acteurs telle que mentionnée précédemment est formée. L'intérêt de ce programme réside en outre dans la coopération Sud-Sud, la thématique de l'observance des médicaments chez les adolescents est connue en Afrique mais pas en Asie. Une expertise africaine a donc été utilisée.

Nos projets futurs portent sur les méningites au Niger et les encéphalites dans les pays du sud-est asiatique. D'autres partenariats sont possibles avec l'IRD ou l'AFD.

Enfin concernant le Centre international de recherches médicales de Franceville (CIRMF), Elf avait été contacté dans les années 1990 pour le financement d'un centre de recherche initié par le Gabon et portant sur la stérilité des femmes gabonaises. Le centre d'excellence a donc été créé à Franceville, dans une zone très intéressante car proche de la jungle. Des recherches ont pu y être développées sur les zoonoses, comme la fièvre Ebola, ou sur le VIH. Ce centre est la priorité du gouvernement gabonais, et est financé de façon récurrente par le MAE. Total participe au financement non pas au travers de notre Fondation, mais par la provision pour investissements diversifiés. Cet investissement de 5 à 6 millions d'euros annuels est un investissement d'excellence, à destination de chercheurs gabonais et internationaux. Un symposium international sur l'émergence des maladies infectieuses y a été organisé en 2010 sous l'égide du Professeur Debré.

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