L'Inra est un établissement public de recherche finalisée, en matière alimentaire, agricole et environnementale. Bien que ses missions ne soient pas particulièrement orientées vers la recherche pour le développement, ses compétences, notamment en développement agricole concernent aussi les pays en développement.
L'Inra dispose de 17 centres de recherche répartis sur l'ensemble du territoire. Son centre Antilles-Guyane travaille, en zone tropicale, à proximité du Brésil, du Surinam, de la Caraïbe, sur des terrains proches des situations que l'on rencontre dans les pays en voie de développement. En Guyane et en Guadeloupe, la coopération avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) est particulièrement importante.
La recherche pour le développement suppose une vision mondiale. En matière scientifique, nos partenaires traditionnels sont plus à rechercher dans les pays de l'OCDE que dans les pays en voie de développement, puisque la moitié de nos publications sont cosignées avec des chercheurs originaires d'Amérique du Nord, du Royaume-Uni ou encore d'Allemagne.
La sécurité alimentaire mondiale, dans un contexte de changements globaux, est la première de nos priorités. Les recherches sur l'agriculture, la biomasse, le changement climatique ou l'alimentation durable ne sont pas spécifiques à la France ou à l'OCDE : les mêmes questions se posent dans les pays émergents ou en développement. Depuis une dizaine d'années, on observe une forme de convergence entre la recherche agronomique classique (agriculture, environnement, sciences de la vie), portée par les pays du nord, et la recherche agronomique pour le développement. La recherche sur les défis globaux, la santé humaine, l'alimentation, s'étend. Avec la multiplication des programmations conjointes entre pays, par exemple sur les gaz à effet de serre, les formes d'organisation de la recherche convergent également. De nouveaux financements apparaissent, de grandes fondations privées comme celle de Bill et Melinda Gates deviennent des acteurs essentiels. Des arrangements institutionnels inédits les associent à la recherche publique de base autour de nouveaux objets de recherche - comme j'ai pu le constater récemment en Grande-Bretagne, où nous avons, avec Michel Eddi, président du Cirad, évoqué les questions de sécurité alimentaire dans les pays en voie de développement en Afrique, avec nos homologues britanniques, américains et canadiens.
La convergence a été officialisée par les ministres de l'agriculture du G20 à Paris en 2011, qui ont appelé au renforcement et à la coordination des systèmes nationaux de recherche et ont lancé la Wheat initiative, pour laquelle l'Inra s'investit fortement. Cette initiative est exemplaire de notre implication croissante dans des recherches qui intéressent les pays en développement, même si la recherche pour le développement ne fait pas partie de notre mandat : le blé, culture du nord par excellence, se répand dans la plaine indo-gangétique comme en Afrique subsaharienne.
Avec le Cirad, nous travaillons en complémentarité, même si cet établissement a un mandat particulier de recherche pour le sud, et si nos tutelles sont différentes. Nous menons des actions communes, en Méditerranée par exemple, avec le projet européen ERANet et des prospectives, par exemple sur le devenir des systèmes alimentaires mondiaux. En matière de développement, chacun a ses spécificités. L'Inra mène des recherches sur le développement avec l'école d'économie de Paris. Le Cirad mène des recherches pour le développement, en s'appuyant sur des plateformes de partenariat et expatrie des chercheurs, ce que nous ne faisons pas. Nous sommes allés ensemble au Maroc et nos homologues du Maghreb, que nous y avons rencontrés, ont bien compris nos spécificités et nos complémentarités. Nous n'avons pas les mêmes modalités d'intervention.
L'Inra et le Cirad sont membres fondateurs d'Agreenium, consortium qui a la capacité de promouvoir la recherche et l'enseignement supérieur agronomiques et vétérinaire français, via un portail unique pour la coopération internationale, qui reste à développer.
Allenvi est l'une des cinq alliances thématiques nationales, dédiée à l'environnement : alimentation, climat, eau, territoires. Elle est constituée de 12 membres principaux, fondateurs, (dont l'Inra, le Cirad, l'IRD, l'IRSTEA...) et de 15 membres associés.
Dans son champ de compétences, des défis scientifiques majeurs doivent être relevés : nourrir 9 milliards d'êtres humains à l'horizon 2050 ; garantir l'accès à l'eau et aux ressources naturelles ; faire face aux changements climatiques et à l'érosion de la biodiversité ; respecter la qualité environnementale des territoires. Les alliances ont deux missions principales : une mission de programmation, en amont des agences de financement, pour laquelle le ministère de la recherche nous incite à être plus actifs, et une mission de coordination nationale dans des domaines variés : nous venons de remettre au ministre un plan d'actions dans le domaine de la santé. Treize groupes thématiques interdisciplinaires et cinq groupes transversaux ont été définis, dont l'un est dédié à l'Europe et à l'international, où la coordination de la présence française est à l'ordre du jour... Dans le bassin amazonien, un accord politique franco-brésilien a lancé un programme de recherche sur développement durable du biome amazonien. Notre rôle, en tant qu'opérateur, est de coordonner leurs activités.
Nous entretenons aussi des relations avec le groupe consultatif de la recherche agronomique internationale (GCRAI) dont l'implantation à Montpellier est à la fois une opportunité et une exigence. Nous participons aux programmes de recherche, en fonction des sujets : sur le blé, sur le riz, avec l'IRD ou le CIRAD... La commission de la recherche agricole internationale (CRAI) nous aide aussi à nous concerter.
Nous devons accompagner l'implantation du siège du GCRAI à Montpellier. Il faut lui offrir des conditions d'accueil matériellement, scientifiquement et intellectuellement satisfaisantes, de telle sorte que ce choix devienne une évidence et ne donne lieu à aucun doute d'ici cinq à dix ans. Quant au processus de ratification de l'accord de siège par les Assemblées, il est impératif qu'il avance.
Le rôle d'Agreenium doit être renforcé, de même que le couplage formation et recherche : l'international ne se résume pas au développement. Enfin, même si l'Inra n'a pas pour vocation prioritaire de travailler avec l'agence française pour le développement (AFD), les deux organismes doivent davantage dialoguer, rechercher des cohérences, en s'inspirant de la proximité de nos homologues britanniques avec le Department for international development (DFID). Lorsque je discute avec des membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), je constate que les questions énergétiques ou les nouvelles technologies sont abondamment et très bien traitées, mais qu'en revanche les questions d'agronomie sont peu citées... Une réflexion permanente sur l'agronomie pour le développement devrait se structurer.