Je vous remercie de cette audition et de l'initiative de cette mission.
La recherche pour le développement constitue une mission transversale et requiert de ce fait une coopération dans le cadre de nos actions avec le ministère des Affaires étrangères, et plus particulièrement une coordination avec les actions menées par le ministre délégué Pascal Canfin.
Le Comité interministériel de la Coopération internationale et du Développement (CICID) de 2005 a considéré la recherche, qui ne peut être dissociée de l'enseignement supérieur, comme « un élément essentiel de l'aide publique au développement ». Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche a donc un rôle majeur à jouer dans l'aide au développement : avec 1,15 milliard d'euros (12 % du montant total), le ministère est le premier levier direct de l'aide publique au développement (en excluant l'annulation de la dette, les prêts-dons, les actions de solidarité et les participations aux fonds multilatéraux couverts notamment par le programme 209).
Dans le cadre du projet de loi en cours, le ministère a mis en oeuvre une stratégie articulée autour de quelques principes simples.
Le premier d'entre eux veut que, dès lors que la France considère comme prioritaire l'aide au développement, la qualité de la recherche qui s'y attache se situe au meilleur niveau et soit en tout point comparable et intégrée à notre stratégie de recherche nationale. Cette intégration permet d'engager l'ensemble de la communauté scientifique dans cette orientation transversale.
Lorsqu'un programme de recherche est pensé, il doit l'être au niveau européen. Nous avons cependant reculé dans ce domaine, notre participation au dernier Programme Cadre de Recherche et Développement Technologique (PCRDT) étant de 5 points inférieure à son niveau dans le PCRDT précédent. Une forte croissance des appels d'offres nationaux a en effet conduit à un désengagement de nos chercheurs des programmes européens. Notre visibilité internationale est ainsi diminuée.
Deuxième principe : la recherche pour le développement ne doit pas être cantonnée à quelques organismes dédiés. L'ensemble de la communauté scientifique doit s'y engager.
L'offre multiple doit devenir encore plus accessible aux partenaires du Sud, pour lesquels elle manque aujourd'hui de visibilité. Nous devons renforcer la coordination, l'intégration et la visibilité de l'ensemble des acteurs. Dans l'attente d'une simplification de la visibilité de nos structures et organismes de recherche, il a ainsi été procédé lors du Pacte de la recherche de 2006 à cinq alliances thématiques : Aviesan, AllEnvi, Ancre, ATHENA, et Allistene. Les domaines concernés sont ceux de la santé, de l'environnement, de l'énergie, des technologies de l'information et de la communication et des sciences humaines et sociales.
Néanmoins, depuis leur création, ces alliances n'avaient pas été rendues opérationnelles et manquaient d'une stratégie commune de la recherche. Ce processus a désormais été entamé. Ainsi, les alliances ont largement contribué au texte France Europe 2020, qui est harmonisé avec le programme européen Horizon 2020.
Il s'agit donc de mobiliser l'ensemble des disciplines et des thématiques pour relever les défis globaux que nous partageons avec les pays du Sud, notamment sur l'environnement, la santé. Notre monde étant nomade, les problèmes de pollution ou de pandémies affectent toute la planète. L'intégration et la participation des sciences humaines et sociales à l'ensemble des thématiques, dans un objectif de décloisonnement et de visions partagées, participent de cette vision commune.
Nous avons identifié neuf défis globaux à relever dont plusieurs sont très sensibles dans les pays du Sud : la sécurité alimentaire, la santé (sida, paludisme et tuberculose), l'accès à l'eau, l'énergie et la biodiversité. Les réponses apportées en la matière doivent être collectives. La relation entre les pays concernés doit donc être fondée sur un partenariat équilibré. Par ailleurs, nous devons contribuer au développement économique et social de ces pays, afin que les réponses apportées s'inscrivent dans la durée.
Ces éléments peuvent paraître évidents, mais il convient de les préciser car les précédents programmes dits « de collaboration » n'étaient pas nécessairement opérés selon ces principes. Les actions ne sont pas à sens unique, les compétences de l'ensemble des pays concernés sont sollicitées et doivent se conjuguer.
Nous fournissons par ailleurs des efforts au niveau de la formation. Parmi les 290 000 étudiants étrangers accueillis par la France, 54 % sont originaires des pays du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne. Le développement de cet accueil constitue un enjeu important, tout comme le développement de partenariats amenant à installer des structures dans les pays du Sud.
La France se distingue des autres pays développés par l'existence de deux opérateurs : le CIRAD, qui compte 1 700 chercheurs et qui est doté d'un budget d'environ 200 millions d'euros, et l'IRD, pour qui travaillent 2 200 personnels, dont 850 chercheurs et 1 000 ingénieurs - 40 % de ces derniers étant installés dans les pays du Sud - et qui est doté d'un budget d'environ 230 millions d'euros. Par ailleurs, 50 % des publications scientifiques de ces deux organismes sont réalisées avec des partenaires du Sud.
Cet accompagnement réalisé par le Ministère a produit ses premiers résultats. Le CIRAD et l'INRA se sont rapprochés au sein du GIP Agreenium, qui a initié la diffusion, au sein de la communauté agronomique française, de la culture internationale. Montpellier accueille en outre le siège du Groupe consultatif pour la recherche agronomique internationale (GCRAI), qui gère 15 centres de recherches thématiques dans le monde. L'influence de ce rapprochement est également sensible dans la position forte acquise dans les réunions du G8 et du G20 consacrées à la recherche agronomique. J'ai rencontré mes homologues du G8 à Londres, et nous avons réaffirmé notre engagement commun en matière d'aide au développement.
L'IRD a poursuivi sa politique de mise en place d'unités mixtes de recherche avec les universités, atteignant près de 90 %. Cette intégration de l'IRD dans le monde universitaire a été particulièrement sensible et reconnue dans le cadre des investissements d'avenir, pour lesquels l'IRD est partenaire de quatre initiatives d'excellence (IDEX), de vingt laboratoires d'excellence (LabEx) et un institut hospitalo-universitaire (IHU).
Parallèlement, l'IRD et le CIRAD ont engagé une réflexion sur leur politique de sites. La qualité des publications a encore progressé : cette évolution est sensible dans les documents des deux établissements, qui font dorénavant référence dans la communauté scientifique nationale et internationale.
Si nous consacrons des moyens 100 fois inférieurs à ceux octroyés par les Etats-Unis à la recherche sur le sida (45 millions d'euros par an contre 4,3 milliards), notre nombre de publications n'est que de 10 fois inférieur. Nous sommes en outre les deuxièmes émetteurs de publications après les Etats-Unis. Notre ratio publications/moyens dédiés est donc excellent. Toutefois, je ne le mentionne que rarement, car la dernière fois que je l'ai fait devant le Président de la République, il a affirmé que tout n'était donc pas une question de moyens. Je lui ai répondu que les moyens étaient tout de même un paramètre majeur.
Pour améliorer l'efficacité des partenariats d'enseignement supérieur et de recherche avec le Sud, les alliances thématiques et le CNRS - présent dans chacune de ces alliances - sont en train d'engager une réflexion stratégique sur la formation, le transfert de compétences (le capacity building), et la recherche et l'innovation. Ils veillent à associer les établissements d'enseignement supérieur agronomique par l'intermédiaire d'Agreenium, et les établissements universitaires par l'intermédiaire de la Conférence des Présidents d'Université (CPU), dont l'un des vice-présidents est dédié à ces actions. Nous nous appuyons de plus sur les expériences des organismes dédiés. Le regroupement permet donc l'efficacité et doit être fondé sur une approche transdisciplinaire. Cette approche a été confortée lors des assises de l'enseignement supérieur et la recherche, durant lesquelles il est apparu que malgré un investissement budgétaire important, le dispositif manquait de visibilité, en raison probablement de son aspect morcelé.
Après avoir abordé l'organisation, la philosophie et la marge de progression dont nous disposons en matière de visibilité, je vais évoquer les grands objectifs des acteurs au regard du partenariat, de la démarche interdisciplinaire, de l'évaluation et de la charte à laquelle nous allons aboutir.
Si la recherche pour le développement est orientée vers des enjeux sociétaux répondant aux grandes orientations de notre politique nationale, elle s'inscrit dans un temps nécessairement long. La constance doit donc être de mise, et un cap doit être fixé. Toute une société doit être remise en mouvement dans les pays concernés, et la population doit s'approprier les résultats de la recherche.
L'objectif est de viser l'excellence dans le développement de la recherche dans ces pays et le transfert de connaissances. Les contrats d'objectifs que nous signons avec les établissements dédiés privilégient cette démarche.
Aux indicateurs globaux qui s'appliquent à l'ensemble des établissements de recherche s'ajoutent pour les établissements dédiés des indicateurs spécifiques. Ces derniers permettent de veiller à l'association équilibrée des partenaires du Sud dans les publications et les recherches menées. D'autres structures telles que le Conseil scientifique et le Comité d'éthique, régulièrement consultés par les responsables des deux organismes dédiés, concourent également au respect de l'équilibre des partenariats. La qualité de l'encadrement par la tutelle a d'ailleurs été soulignée par la mission de modernisation de l'action publique (MAP).
Afin d'établir des relations durables, les acteurs se sont engagés dans une association systématique des partenaires du Sud, tant au niveau de la conception que de l'investissement et de la gouvernance. Les documents de prospective des établissements sont établis après une large consultation des parties prenantes, qui sont souvent délocalisées. Les établissements ont pour objectif de créer des pôles de collaboration de long terme appelés « dispositifs de recherche et d'enseignement en partenariat » au CIRAD, et « programmes pilotes régionaux et laboratoires mixtes internationaux » à l'IRD.
A titre d'exemple, la collaboration des unités de l'IRD avec l'IMARPE (Institut de la mer au Pérou) engagée depuis plus de 10 ans a permis au gouvernement péruvien de mettre en place une gestion de la pêche qui tient compte des réserves et de l'impact des variations climatiques périodiques qui affectent le pays. Par ailleurs, un programme appelé SARI a amené à l'élaboration d'un système aquacole au Sénégal permettant d'utiliser les sous-produits des matières premières agricoles pour élever une variété de tilapia. Quant au Plumpy'nut, traitement diététique pour la malnutrition sous forme de substitut du lait en poudre, il a déjà bénéficié à plus de 7 millions d'enfants. Son brevet est libre d'accès pour les producteurs du Sud. Enfin le CIRAD a travaillé pour la Banque mondiale afin de parvenir à la reconnaissance des organisations de producteurs ruraux par les bailleurs.
La consultation des parties prenantes est un sujet central de recherche pour certaines unités, comme l'unité de recherche GREEN du CIRAD, qui vise à fournir des connaissances et outils pour accompagner la gestion collective des ressources renouvelables. Un autre exemple est le département en charge de l'expertise collective à l'IRD, qui a conceptualisé cette démarche de consultation.
Fortes de leur expérience au niveau européen pour les initiatives de programmation conjointe, les alliances les plus concernées par l'aide au développement que sont Aviesan et AllEnvi se sont impliquées dans un rôle privilégié d'animation de ces actions. Aviesan Sud regroupe ainsi les principaux acteurs de la recherche pour la Santé : Institut Pasteur, IRD, CIRAD, ANRS, Fondation Mérieux et AIRD, ainsi que plus récemment le CNRS et l'Inserm, en impliquant les ITMOs microbiologie et maladies infectieuses, technologies pour la santé, santé publique et cancer. Ce regroupement permet une meilleure lisibilité, tout en assurant la présence de chacun de ces organismes et la mobilisation de leurs compétences.
J'ai pu constater que les montants de notre aide au Fonds international de lutte contre le sida étaient souvent portés par de jeunes Américains. Il me semble paradoxal que nos fonds ne soient pas portés par nos chercheurs, et ne soient pas identifiés en tant que tels. Ils doivent être valorisés en tant que français en Afrique subsaharienne. Le modèle original adapté à la recherche en sciences de la vie et de la santé susmentionnée doit donc être structuré autour des programmes de recherche et être porté par des acteurs nationaux. Je fais également référence à d'autres programmes, comme le programme European & Developing Countries Clinical Trials Partnership (EDCTP), programme européen de collaboration sur les maladies infectieuses avec l'Afrique, cofinancé par la Commission européenne et les États membres via l'article 185 du traité de l'UE.
Afin que les échanges soient les plus fructueux, nous devons nous assurer de la qualité de notre engagement. Une charte sur la spécificité et la transversalité de la recherche au service du développement sera élaborée dans ce sens et proposée à la communauté scientifique nationale.
Nous partons de principes simples que la communauté scientifique et la société peuvent ensemble s'approprier. Nous soulignons l'importance de privilégier le développement durable, social et économique, et de veiller à mobiliser les moyens au service des communautés d'enseignement supérieur et de recherche du Sud. La charte devrait ainsi faire évoluer les comportements individuels et collectifs.
Outre la continuité et la visibilité, ces partenariats supposent d'être construits sur le respect et la confiance. Nous pourrons ainsi relever les défis mondiaux auxquels nous sommes confrontés. Les partenariats auront toute leur place dans les prochains travaux du CICID.
Après cette approche globale, il convient de préciser la stratégie du Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche concernant les pays émergents, l'Afrique, le flux des étudiants et les démarches pédagogiques innovantes que nous voulons promouvoir dans ces pays.
Concernant les étudiants, la mondialisation des connaissances est une réalité. Le nombre d'étudiants en mobilité internationale a doublé depuis 2005. L'enjeu est donc culturel, sociétal et scientifique pour notre politique d'influence et pour notre compétitivité. Sur les 2 310 000 étudiants formés chaque année en France, la proportion d'étrangers est en moyenne de 12,6 %, avec toutefois des disparités selon les territoires. La part des étudiants étrangers est en phase de croissance depuis la licence jusqu'au doctorat, 38 % des doctorants étant étrangers, et plus d'un tiers d'entre eux sont issus d'Afrique. 41 % des thèses soutenues en France le sont par des étrangers.
Les pays émergents fondent leur développement sur l'élévation du niveau de qualification, et souhaitent ainsi augmenter le nombre de leurs étudiants en mobilité. L'Inde compte par exemple doubler le nombre de ses étudiants, et doubler celui de ses étudiants en mobilité. Par ailleurs la Corée du Sud consacre 4,34 % de son PIB à la recherche et au développement. Avec une moyenne de 2,2 % de son PIB consacrés à ces enjeux, la France est loin des 3 % fixés par les objectifs de Lisbonne.
Je souhaite augmenter l'accueil d'étudiants venant de ces pays émergents, notamment dans les disciplines scientifiques, mais aussi d'Afrique. La France doit être reconnue pour sa recherche et sa technologie dans le monde.
Nous devons être très attentifs, d'autant plus que les pays émergents ont compris que les pays africains étaient des leviers de développement. Ces derniers connaissent en effet un taux de croissance de 5 %, et disposent d'une jeunesse nombreuse et enthousiasmée par l'avenir. Les économistes, après avoir longtemps ignoré le potentiel de l'Afrique comme levier de croissance pour la France et l'Europe, préconisent désormais de s'appuyer sur ce continent.
Nous avons plusieurs objectifs au regard de la mobilité étudiante. Le premier est de continuer à accueillir largement les étudiants des pays francophones, du Maghreb et d'Afrique subsaharienne. Nous devons également y installer des formations, en particulier au Maghreb, qui peut servir d'interface entre la France et l'Afrique subsaharienne. Il convient par ailleurs d'attirer davantage d'étudiants de pays émergents, notamment dans les filières scientifiques. Cet objectif a justifié l'article 2 du projet de loi, qui élargit la possibilité de bénéficier d'exonérations à la loi Toubon pour des formations en anglais dans les filières scientifiques et technologiques, faute de quoi les étudiants des pays émergents iront exclusivement dans les pays anglo-saxons.
J'ai signé un accord pour l'installation d'une Ecole centrale à Casablanca, dans laquelle nous enverrons également des étudiants français. Une école d'architecture sera également implantée, probablement à Rabat, et une école de médecine à Agadir. Des IUT seront en outre installés pour pallier le manque de techniciens dans les pays du Maghreb. Nous souhaitons initier des démarches similaires avec les pays d'Afrique subsaharienne.
Cette politique traduit donc une ambition plus diverse qu'auparavant, quand nous nous contentions d'accueillir des étudiants de ces pays, et pas toujours dans d'excellentes conditions. La circulaire Guéant avait par ailleurs constitué un très mauvais signe. Dans le cadre d'une loi proposée par Manuel Valls, nous proposerons des visas pluriannuels pour les étudiants et les chercheurs en provenance de l'étranger, en prévoyant une année de redoublement, rendue probable au regard du temps d'adaptation à un nouvel environnement. Nous envisageons également d'octroyer des visas de visite à vie pour les docteurs ayant effectué leur doctorat en France, cette mesure concernant un grand nombre de pays visés par notre aide au développement. Nous souhaitons enfin améliorer l'aide au logement, qui, en région parisienne, est d'une qualité insuffisante.
Lors de la clôture des assises du développement et de la solidarité internationale auxquelles j'ai tenu à assister, le Président de la République a posé les bases d'une refondation de la politique française de développement en la centrant autour de trois objectifs : le développement économique, la sécurité et la préservation de la planète.
Un CICID doit donc être organisé d'ici la fin de l'année, marquant un temps politique fort pour la promotion de l'aide publique au développement. Cette perspective représente une opportunité de préciser la place, l'organisation, les objectifs et les modalités de soutien de la recherche pour le développement.
Nous avons défini quatre dimensions dans le cadre de ce CICID. Le positionnement des ONG dans les actions de l'enseignement supérieur et de la recherche au Sud doit être renforcé. La place des ONG dans le projet de loi a d'ailleurs été intégrée par certains amendements. Par ailleurs nous ambitionnons de poursuivre l'ouverture des établissements dédiés à la recherche au Sud, au travers de leur participation active aux alliances. Nous projetons également de diversifier les modalités de financement de la recherche pour le développement. Enfin, nous comptons améliorer la visibilité des actions de recherche et d'enseignement supérieur grâce à des indicateurs précis, transparents et communicables.
Concernant les modes de financement, nous devons conforter le financement de la recherche au service du développement. Le CICID de 2006 avait chargé l'IRD de distinguer en son sein une fonction d'agence dédiée au financement de la recherche. Cependant, l'absence de fonds fléchés, le manque de distinction entre la fonction d'agence et d'opérateur, et l'inertie d'une partie de l'établissement n'ont pas permis de faire émerger un outil d'ingénierie qui soit reconnu par l'ensemble de la communauté scientifique et les bailleurs de fonds européens, internationaux et multilatéraux. Ce constat a été récemment confirmé par une inspection conjointe de l'Inspection générale de l'éducation nationale et de la recherche et de l'Inspection des affaires étrangères. Nous disposons donc sur ce point d'une marge de progression.
La réflexion doit ainsi s'ouvrir à des modalités innovantes de financement. L'Agence française de développement n'abonde que très marginalement les projets de recherche. Les inspections conjointes ont identifié sa dimension d'établissement de nature bancaire comptant sur des retours sur investissement et se concentrant sur des financements dédiés à des études. Cette règle doit être assouplie dès lors que les projets de recherche peuvent s'inscrire dans la continuité de projets de développement économique, afin d'ouvrir de nouveaux financements à la recherche. Il s'agit d'identifier un rôle structurant de l'Agence française de développement, qui n'interviendrait plus comme bailleur principal mais comme participant à des tours de table financiers. Ces derniers permettraient de solliciter des bailleurs internationaux privés, comme les Fondations.
La France est le deuxième contributeur du Fonds mondial de lutte contre le Sida, avec 360 millions d'euros, loin toutefois des Etats-Unis. Nous avions une ambassadrice uniquement dévolue à la lutte contre le Sida, mais le rôle de son successeur a été élargi. J'espère que cet élargissement ne nuira pas à l'efficacité de la mission, la France ayant en effet perdu de son influence. Nous devons ainsi nous repositionner en termes de gouvernance et renforcer la visibilité des actions que nous menons au travers de ces fonds, en particulier UNITAID.
En conclusion, l'enseignement supérieur et la recherche occupent une place privilégiée dans le dispositif national d'aide au développement. Ils font preuve d'une grande dynamique sous l'impulsion du Ministère. L'exigence de la qualité de la recherche au sein des organismes dédiés et l'incitation de l'ensemble de la communauté nationale, au travers des alliances, à s'intéresser aux questions de développement ont donné des résultats probants.
Nous nous situons à la 6e place mondiale pour la recherche, mais seulement à la 25e au niveau de l'innovation. Il est donc essentiel que l'excellence de notre recherche soit diffusée dans les organismes dédiés.
L'action de l'enseignement supérieur, essentiellement orientée vers des enjeux sociétaux, s'inscrit dans un temps long et en cohérence avec les besoins des pays bénéficiaires de l'aide au développement. Le long terme permet d'identifier et de construire des partenariats visant à l'établissement de relations scientifiques équilibrées, notamment au regard des publications conjointes.
Pour préserver ce modèle unique, nous devons entraîner les autres partenaires européens. J'ai constaté que nos partenaires du G8 étaient prêts. Nous devons trouver de nouvelles sources de développement et nourrir notre diplomatie avec des actions structurantes et innovantes.
Enfin, j'ai pu constater dans le cadre d'actions de lutte contre le Sida menées dans les pays bénéficiaires de l'aide au développement que ces actions profitent à la démarche globale de recherche. Nous devons écouter la parole de la population faute de quoi le succès des actions est compromis. Par ailleurs, cette démarche permet d'améliorer l'état d'esprit des chercheurs et des médecins, dont les relations avec les patients sont renforcées et tendent vers plus de proximité.
Nous avons donc non seulement intérêt à intégrer l'aide au développement et la recherche pour le développement dans notre action globale, mais en plus cette dernière bénéficiera des méthodes innovantes qui seront mises en place avec les pays concernés.