Intervention de Bernard Cerquiglini

Mission d'information sur l'action extérieure de la France — Réunion du 26 juin 2013 : 1ère réunion
Audition de monsieur bernard cerquiglini recteur de l'agence universitaire de la francophonie auf

Bernard Cerquiglini, recteur de l'Agence universitaire de la francophonie :

Nous sommes très honorés de votre invitation. Je suis accompagné du vice-recteur Émile Tanawa, professeur à l'université de Yaoundé, et d'Aïcha Moutaoukil, mon adjointe pour les liens avec les organisations de la francophonie.

Nous représentons un organisme international et multilatéral. L'AUF est un partenaire quotidien de la France dans le domaine de la recherche et du développement. Je me réjouis que l'objectif assigné à votre mission soit, à quelques nuances près, identique à celui de notre agence. En effet, le thème central qui fonde notre stratégie, notre communication et même notre programmation quadriennale, telle qu'elle a été définie au cours de notre dernière Assemblée générale, se résume dans la thèse suivante : l'université est le moteur du développement des sociétés. Pour paraphraser une phrase célèbre, l'enseignement supérieur et la recherche forment un lien nouveau.

L'enseignement supérieur comme fondement du développement est une idée neuve. Pendant longtemps, les grands partenaires, que ce soient l'Unesco, la Banque mondiale ou la Banque africaine de développement, ont tout misé sur l'enseignement primaire. Ce dernier est, certes, fondamental, mais les maîtres et les savoirs neufs sont issus de l'enseignement supérieur, qui forme donc les cadres utiles pour le développement.

Depuis quelques années, la Banque mondiale et l'Agence française de développement se préoccupent de l'enseignement supérieur. Cette évolution conforte notre idée que notre mission consiste à mobiliser l'intelligence francophone au service du développement. Nous associons formation et recherche, englobées dans l'enseignement supérieur grâce à la mobilisation des universitaires.

La distinction majeure entre l'enseignement supérieur et les autres enseignements tient au fait que l'université enseigne des savoirs neufs et liés à un progrès accompli par la recherche. Le rôle de l'AUF est donc de mobiliser les enseignants-chercheurs francophones au profit du développement de tous.

La double nature de l'AUF fait sa richesse. Nous sommes historiquement et stratégiquement une association, fondée à Montréal en 1961. Nous avons été fondés par des souverainistes et des indépendantistes québécois qui ne disposaient pas des moyens de structurer une diplomatie et qui ont tiré profit de la liberté académique. Alors que nous réunissions 40 universités en 1961, nous en rassemblons maintenant 739, et nous serons bientôt 800. Nous sommes l'une des plus grandes associations d'universités au monde, et la seule fondée sur un critère linguistique. La langue française s'associe ainsi à des valeurs de solidarité. La date de notre création coïncidant avec l'accession des pays africains à l'indépendance, la francophonie a été créée par l'université avant d'être politiquement institutionnalisée.

Quelques années après notre création, nous avons été reconnus comme l'opérateur de la francophonie pour l'enseignement supérieur et la recherche. Nous employons dans ce sens 435 personnes réparties dans 65 implantations à travers le monde. Nos crédits proviennent des cotisations mais surtout des Etats, la France étant notre premier contributeur, à hauteur de 75 %. Nous sommes d'ailleurs le seul organisme international que la France continue à financer à plus de 50 %. Ces chiffres témoignent certes de l'importance de la France, mais également de notre fragilité. Nos implantations comprennent 10 bureaux régionaux et plus de 45 campus numériques.

Nous avons eu l'idée, il y a 20 ans, que le numérique était l'outil du développement. Notre premier campus numérique a ainsi été fondé dès 1961 à Dakar et à Madagascar, avec l'installation de Minitels. Internet a en outre été inventé en 1989, et nous avons été les premiers à l'utiliser dès 1991 en Afrique. Un Ministre Sénégalais m'a récemment indiqué qu'il avait envoyé son premier courrier électronique depuis le campus numérique de l'AUF à Dakar. Nos campus ont depuis évolué, et nous disposons d'une soixantaine de lieux sécurisés et équipés pour permettre la formation à distance.

L'essentiel de nos moyens étant assurés par la France, ils sont appelés à baisser puisqu'elle a décidé de diminuer son aide de 3 millions d'euros l'an prochain. Nous poursuivons toutefois notre mission.

La France est également notre premier partenaire. Le Directeur de l'IRD, opérateur avec lequel nous travaillons quotidiennement, vient d'être élu à notre Conseil d'administration. Les représentants du CIRAD siègent dans nos Comités d'experts régionaux, et participent à des projets dans le cadre d'une coopération constante. La Conférence des Présidents d'Université est également un partenaire de premier rang, les universités françaises étant présentes dans la plupart des projets de recherche que nous soutenons.

L'AUF a un rôle de facilitateur. Nous montons des consortiums et rapprochons des experts.

Nous tenons une Assemblée générale tous les quatre ans, la dernière ayant été un grand succès. Le nombre de Présidents ou Recteurs d'université présents a atteint le niveau record de 610, soit une affluence totale de 750 personnes en incluant les Vice-Présidents et les adjoints. Les débats ont duré 3 jours et ont porté sur la recherche, le développement, la professionnalisation des études, le classement des universités, et sur le numérique comme outil de développement et de recherche. L'Assemblée générale a publié une déclaration finale à l'issue de ces échanges. Elle s'est tenue à São Paulo, les 14 premières universités du Brésil étant membres de l'agence universitaire, témoignant ainsi de notre mobilisation en faveur d'une francophonie dynamique et mondiale. Des représentants d'université chinois étaient en outre présents.

Nous avons à cette occasion validé plusieurs principes amenés à orienter notre action dans le cadre de la recherche.

Nous avons rappelé que notre action était centrée sur les institutions plutôt que sur les individus. Si nous avons longtemps semblé être une agence de moyens, et bien que nous continuions à ce titre à octroyer 2 000 bourses chaque année pour les doctorats, certaines institutions expriment des besoins spécifiques. Le boursier est donc dorénavant aidé par l'AUF et par l'université à laquelle il appartient.

Nous ambitionnons de plus de mener une action de coopération rompant avec la logique d'assistance ou de substitution qui prévalait à nos origines. Nous envoyions auparavant des universitaires dans les régions concernées, mais face au développement des universités dans ces pays, les besoins ont évolué vers des demandes d'aide structurelle.

Enfin, nous souhaitons stimuler la coopération entre établissements. Nous avions préparé une matinée de rencontres entre les différents Recteurs au cours de notre dernière Assemblée générale, afin qu'ils signent des accords et lancent des projets de recherche. Un millier de rencontres ont ainsi été organisées, témoignant du succès de cette manifestation ouverte par la Ministre Yamina Benguigui.

La recherche peut être soutenue dans un but de développement selon plusieurs modalités.

Le soutien aux équipes de recherche constitue la première d'entre elles. Nous travaillons dans ce cadre avec le CIRAD, l'IRD et les universités. Nous identifions les problématiques importantes, les équipes témoignant d'un besoin de renforcement. L'aide apportée, même limitée financièrement, est décisive, et permet au processus de démarrer et d'exister, pour ensuite permettre l'octroi d'autres aides. Nous intervenons par le biais de nos bureaux régionaux, en faisant voyager les chercheurs ou en les aidant à publier ou à organiser des colloques. Nous recourons par ailleurs de plus en plus aux partenariats.

Nous aidons en outre à la mise en réseaux indispensable à la recherche. Notre action, à cet égard, ne s'assimile pas à celle du CNRS, mais est celle d'une association qui facilite les échanges entre chercheurs d'une même discipline.

Enfin, nous aidons les chercheurs à se professionnaliser dans le lancement de projets, comme les projets méditerranéens de recherche scientifique, financés à la condition qu'ils associent trois pays de la Méditerranée. Les chercheurs du Sud doivent apprendre à démarcher des financeurs, par exemple à Bruxelles : six projets européens ont profité de notre aide durant leur phase de lancement.

Nous avons ainsi soutenu 142 projets de recherche l'an dernier, impliquant différents opérateurs, et portant sur les domaines de la biodiversité, de la santé publique, de l'environnement, des biotechnologies, de l'agronomie, des territoires et urbanismes, des énergies renouvelables, de l'économie, et de la gestion durable des ressources en eau, conformément aux demandes qui nous ont été adressées.

Nous aidons également des enseignants-chercheurs à améliorer leurs capacités, ceci dans le cadre de projets. Le projet Horizon Francophone tente de résorber une fragilité des universités émergentes : face à l'accroissement du nombre d'étudiants, les maîtres de conférences recrutés ne sont pas tous titulaires d'un doctorat. Or les maîtres de conférences devraient avoir prouvé leur capacité à produire des savoirs neufs. Le Vice-Premier ministre du Vietnam m'a ainsi informé que 17 % des universitaires vietnamiens étaient docteurs, ce qui est insuffisant. Le pays a donc décidé de former 20 000 docteurs dans les prochaines années, et nous l'y aidons. Haïti est confronté à une problématique similaire. Nous ouvrons ainsi à Haïti le premier collège doctoral du pays. Nous collaborons sur ce projet avec l'IRD.

L'AUF exprime et prouve chaque jour le rôle de levier pour le développement joué par la recherche et l'enseignement supérieur.

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