Intervention de David Assouline

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 17 septembre 2013 : 1ère réunion
Communication de m. david assouline

Photo de David AssoulineDavid Assouline :

Aux termes de l'article 53 de la loi du 30 septembre 1986, les contrats d'objectifs et de moyens des sociétés nationales de programme, ainsi que les éventuels avenants à ces contrats, sont transmis aux commissions chargées des affaires culturelles et des finances de l'Assemblée nationale et du Sénat ainsi qu'au Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA). Les commissions peuvent formuler un avis dans un délai de six semaines. Le Gouvernement a transmis au Sénat, le 9 août 2013, un projet d'avenant au COM conclu le 22 novembre 2011 pour la période 2011-2015. Le délai court à partir du 10 août, ce qui nous impose de rendre un avis cette semaine. Sans la session extraordinaire, le Parlement n'aurait pu rendre un avis ! Nous avons donc déposé un amendement au projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public, faisant démarrer le délai d'examen du COM à l'ouverture de la session.

Sur le fond, cet avenant ouvre une nouvelle ère de transparence et de responsabilité pour l'audiovisuel public. Le COM repose désormais sur des hypothèses de recettes et de dépenses crédibles. Contrairement au précédent, il s'appuie sur des données chiffrées qui autoriseront un bilan annuel. Le budget fera ainsi l'objet d'un débat constructif. Concret et pragmatique, ce COM a également le mérite de faire des choix précis et crédibles pour les deux prochaines années, qui correspondent à la fin du mandat de M. Pflimlin.

Il contient seize objectifs, réunis autour de trois axes : fédérer tous les publics par une offre diversifiée ; développer une offre de service public moderne et renouvelée ; faire de l'entreprise commune un modèle d'organisation efficace. Bref, le service public a pour ambition d'être une télévision culturelle, populaire et efficiente.

Le plan d'affaires est revu à la baisse, le groupe devant réduire certains coûts pour atteindre l'équilibre budgétaire en 2015. Les ressources sont estimées en 2015 à 2 508,5 millions d'euros, soit 320 millions de moins que dans le précédent COM. France Télévisions participe à l'effort budgétaire à hauteur de 200 millions d'euros, soit une baisse annuelle de 0,3 % des ressources publiques, qui parait gérable. Les recettes publicitaires sont en retrait de 100 millions d'euros par rapport aux prévisions de 2011, assez fantaisistes. De fait, 2012 et 2013 ont été catastrophiques. Enfin, les résultats opérationnels tels que la gestion des droits seraient inférieurs de 30 millions d'euros environ en 2015 aux précédentes estimations, la plateforme numérique jeunesse n'ayant pas été prévue dans le COM 2011-2015. Là encore, la prise en compte des effets financiers de choix éditoriaux spécifiques rompt avec les pratiques antérieures.

La transparence progresse : le COM intègre les limites des prévisions. « Le plan d'affaires repose notamment sur des hypothèses de ressources qui comportent un aléa significatif », y lit-on. C'est le cas des recettes publicitaires. Le projet de loi relatif à l'indépendance de l'audiovisuel public maintient la publicité avant 20 heures, revenant en cela sur la loi de 2009 qui prévoyait à terme la suppression de toute publicité, même en journée. Ces recettes sont pourtant un élément de son indépendance !

Sur le volet dépenses, point d'évolutions majeures par rapport au précédent COM, sinon qu'il faudra réduire l'emploi non permanent. En abusant de l'emploi intermittent, France Télévisions ne donne guère l'exemple. L'accord collectif conclu en mai 2013 permet d'envisager certaines réformes et mutualisations. Dans un premier temps, la mise en place de l'entreprise unique a plutôt conduit à une inflation des effectifs ; ses effets positifs pourraient se faire sentir dans les deux prochaines années. Cela aura forcément des conséquences sur la trajectoire financière du groupe.

Un retour à l'équilibre en 2015 me semble possible. L'objectif était initialement fixé pour 2012, mais les précédents COM minoraient autant les charges anticipées qu'ils majoraient les recettes... Les signataires reconnaissent du reste que les conditions du retour à l'équilibre devront être régulièrement réexaminées. Le législateur aussi devra prendre ses responsabilités. Comptez sur moi pour que le Parlement se penche dès l'année prochaine sur la question du financement pérenne et stable de l'audiovisuel public.

L'investissement minimal annuel dans les oeuvres audiovisuelles devrait être ramené de 420 à 400 millions pour 2013-2015, ce qui ne remet pas en cause l'obligation -fondamentale pour la création- de réserver 20 % du chiffre d'affaires de l'exercice précédent à la production. Reste la question du retour sur ces investissements. Alors qu'elle devrait être bénéficiaire, France Télévisions Distribution est à l'équilibre, et l'objectif de 3,7 millions d'euros de résultat en 2015 a été réduit à 1 million dans le projet d'avenant.

France Télévisions souhaite également renforcer la transparence sur sa politique de création, d'une part en formalisant ses attentes et ses prévisions éditoriales a priori, d'autre part en communiquant a posteriori sur ses réalisations. En contrepartie, le groupe attend le même engagement de la part de ses partenaires producteurs, en particulier sur la réalité des comptes de production et d'exploitation des oeuvres. Nous y reviendrons lors du projet de loi.

Troisième objectif : fédérer tous les publics. L'âge moyen des téléspectateurs du service public avoisine les 55 ans. Le public jeune doit être au coeur de la démarche du service public, qui doit préparer son avenir - d'où la question de France 4 et de Gulli. Le développement de chaînes thématiques aide le groupe à capitaliser sur les marques-programmes qu'il a créées et développées. « L'arrivée de Gulli a permis au groupe de s'ouvrir encore davantage vers les plus jeunes (7-14 ans) ou les publics parentaux (25-35 ans) », dit le COM. On aimerait des éléments plus précis et plus convaincants, d'autant qu'en restant dans le capital de Gulli, France Télévisions s'interdit de lancer sa propre chaîne enfant.

Le COM fait le pari de maintenir France 4 comme une chaîne jeunesse, avec une offre numérique complémentaire pour les enfants. Cette offre sera structurée autour de l'information et du récit. Comme le note le CSA, dont je salue l'avis, « les contours de la ligne éditoriale restent assez flous et une clarification apparaît nécessaire ». Je regrette moi aussi le manque de précisions sur ce thème important : l'accès des jeunes au service public audiovisuel doit constituer un objectif constant.

J'en viens aux quelques insuffisances du COM : pas d'indicateurs pour le sport féminin, insuffisance des engagements culturels, absence d'objectifs de diversité d'audience pour France 3 ou France 4. Autant de points qui devraient faire l'objet d'améliorations.

Malgré un réel effort de transparence sur les chiffres globaux du plan d'affaires, ses composantes demeurent imprécises. Les coûts de France Télévisions sont séparés en deux groupes : le coût des programmes, 2 milliards d'euros, et les autres dépenses du diffuseur, 475 millions. Difficile d'obtenir plus de détails, que ce soit de la tutelle ou du groupe, car tous deux semblent considérer comme confidentiel leur dialogue sur cette matière. Je vous proposerai donc que le COM fasse l'objet d'un avis du CSA qui aura, lui, les moyens d'obtenir des informations qui devraient être sur la place publique.

Un exemple : quand un programme est acheté par une chaîne de télévision, la somme dépensée n'apparaît dans la comptabilité qu'au moment de la diffusion, même si le paiement a été effectué depuis longtemps. Pour préserver sa comptabilité, France Télévisions préfère rediffuser d'anciens programmes plutôt que des nouveaux qui sont pourtant prêts à être diffusés ! On l'a vu cet été. Et cela est d'autant plus absurde que ces rediffusions ne faisant pas d'audience, les recettes publicitaires en pâtissent !

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