Intervention de Philippe Marini

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 18 septembre 2013 : 1ère réunion
Aides à la presse — Audition pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, président :

Nous sommes réunis pour une audition pour suite à donner à l'enquête réalisée par la Cour des comptes sur les aides de l'Etat à la presse écrite. Je rappelle que cette enquête a été menée à la demande de la commission des finances du Sénat, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Nous avons défini le thème et avons été régulièrement informés du déroulement de cette mission ; avec le concours essentiel du rapporteur spécial de la mission concernée, Claude Belot, nous avons préparé cette matinée.

Il s'agit donc de traiter d'un thème sensible, important sur le plan budgétaire, d'une exception française : les aides de l'Etat à la presse écrite.

Ce sujet revient souvent dans l'actualité, en particulier ces tous derniers temps : la ministre de la culture et de la communication a annoncé au mois de juillet quelques propositions de réforme que nous aurons à aborder. Le sujet des aides à la presse revêt au moins trois dimensions : économique, sectorielle et technologique. Il convient donc de s'interroger sur le niveau et l'adéquation du soutien que l'Etat apporte à un secteur qui, du point de vue de sa diffusion - je me limite à la seule presse écrite - est un secteur en déclin et qui peine à se réformer. Cette aide doit être appréciée alors que la consolidation de nos finances publiques est particulièrement difficile.

En dépit des très nombreuses évaluations réalisées, notamment depuis 2009, sur cette politique publique et ses résultats, nous ne pouvons pas dire que les pratiques ont été réellement réformées ni même substantiellement adaptées.

Par rapport à ses partenaires, notre pays se distingue par une politique de soutien que l'on peut qualifier, du point de vue budgétaire, de particulièrement généreuse, même si elle est sans doute considérée de la part des récipiendaires comme insuffisante. Ce soutien, qui mobilise aussi bien des aides directes qu'indirectes, n'a pas son équivalent chez nos principaux partenaires, où les groupes de presse sont certes plus puissants d'un point de vue capitalistique que les nôtres, et qui estiment que le rapport à la puissance publique serait gravement perturbé par une relation budgétaire susceptible de nuire à l'indépendance des organes de presse.

De surcroît, la grande majorité des aides ne fait l'objet d'aucune conditionnalité, ce qui peut créer une véritable « dépendance » - voire une certaine « addiction » - des entreprises de presse au soutien de l'Etat, sans que l'on puisse constater de résultat tangible en termes de restructuration, de modernisation du secteur et de coup d'arrêt apporté à l'érosion de ses ventes. Dans le contexte actuel des finances publiques, peut-on encore se permettre un tel niveau de soutien, sans contrepartie ? Qui plus est, je voudrais souligner le manque de transparence associé à cette politique, dont on a du mal à mesurer les résultats. Dispose-t-on d'indicateurs de performance suffisamment précis et pertinents pour apprécier l'efficacité des aides à la presse ?

Cette politique ne peut que s'inscrire dans le cadre de la contrainte globale pesant sur les finances publiques. La justification de certaines aides - et je me permets d'en parler à une période où la question des niches fiscales est encore d'actualité - comme par exemple l'abattement fiscal en faveur des journalistes et des entreprises de presse, n'est-elle pas parfois ténue ? De même, comment expliquer que des magazines de télévision, dont la rentabilité économique est supérieure à celle des publications d'information politique et générale, et qui ne contribuent pas à l'objectif de pluralisme, soient presque autant subventionnés que la presse politique et généraliste ? Dans ce domaine, il y a une sédimentation des décisions prises dans le temps et des contradictions nées de cet empilement, mais cela coûte toujours plus cher.

Au total, je m'interroge sur l'avenir, à moyen terme, de notre modèle de soutien public à la presse écrite.

Pour cette audition, je vous propose de procéder ainsi : tout d'abord, M. Patrick Lefas, président de la troisième chambre de la Cour des comptes, assisté de MM. Philippe Duboscq et Joël Montarnal, rapporteurs, ainsi que de M. Jacques Tournier, contre-rapporteur, présentera en une quinzaine de minutes une synthèse de l'enquête. Puis le rapporteur spécial Claude Belot s'exprimera, avant que nous entendions les professionnels : M. Denis Bouchez, directeur du Syndicat de la presse quotidienne nationale (SPQN) ; M. Jean Viansson-Ponté, président du Syndicat de la presse quotidienne régionale (SPQR) ; M. Nicolas Routier, directeur général-adjoint du groupe La Poste, directeur général du courrier et président de SOFIPOST ; M. Maurice Botbol, président du Syndicat de la presse indépendante d'information en ligne (SPIIL). J'ouvrirai ensuite le débat aux sénateurs, et j'inviterai ensuite Mme Laurence Franceschini, directrice générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), et M. Alexandre Grosse, sous-directeur de la 8ème sous-direction du budget, à nous faire part de leurs réactions et de leurs réponses aux propos et questions entendus depuis le début de l'audition.

Cette réunion a également été ouverte aux membres de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, ainsi qu'à la presse.

Je donne maintenant la parole à Patrick Lefas, que nous remercions très vivement, ainsi que ses collaborateurs, pour la qualité et la profondeur du travail accompli.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion