J'ai l'honneur de vous présenter un rapport que la commission des finances du Sénat a demandé au titre de l'article 58-2° de la LOLF sur les aides de l'Etat à la presse écrite.
Pour vous le présenter et répondre à vos questions, j'ai à mes côtés Jacques Tournier, président de section, ainsi que Philippe Duboscq et Joël Montarnal, conseillers référendaires.
L'enquête de la Cour avait pour objet d'examiner l'efficacité et l'efficience des dispositifs directs et indirects de soutien public aux entreprises de presse, en abordant les aides à la diffusion, à la modernisation, en faveur du pluralisme, ainsi que le soutien de l'Etat à l'Agence France-Presse (AFP).
Cette enquête a démarré en février 2013. Parallèlement aux procédures d'instruction et de contradiction écrite de la Cour, de nombreuses auditions ont permis de recueillir les analyses et positions de l'administration, des représentants des entreprises de presse et de plusieurs syndicats de salariés dont vous avez invité des représentants. A cette occasion, je salue vos invités avec lesquels, j'en suis sûr, un dialogue fructueux va se poursuivre.
L'enquête s'est également fondée sur les comparaisons internationales disponibles qui mettent en lumière les spécificités du modèle français en matière de soutien à la presse. Enfin, elle a pris en compte les décisions récentes du Gouvernement qui visent à engager un processus de réforme des aides de l'Etat à la presse.
Le rapport qui vous est présenté aborde trois aspects et les questions posées par le président trouveront, je l'espère, un éclairage satisfaisant au cours de mon exposé. Les trois questions sont : la gestion des différents dispositifs d'aides directes et indirectes à la presse écrite ; l'impact de ces aides sur les entreprises de presse confrontées à des difficultés économiques croissantes et à la nécessité d'affronter une transition technologique de la presse sur support papier à la presse sur support numérique ; enfin, la gouvernance de la politique publique en faveur de ce secteur économique et donc en particulier les problématiques de conditionnalité et de transparence dans le cadre du processus conventionnel.
La Cour en tire trois grands constats et 14 recommandations et appelle à une réflexion de plus long terme sur les fondements et l'économie générale de la politique publique.
Le premier constat est que le secteur de la presse écrite est fortement aidé par l'Etat et qu'il en est, de ce fait, fortement dépendant. Ce secteur regroupe environ 2 200 entreprises qui emploient 80 000 salariés, dont 25 000 journalistes, et qui éditent environ 9 000 titres.
Le soutien de l'Etat à la presse est ancien puisqu'il s'appuie sur l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui affirme le principe de la libre communication des pensées et des opinions. Ce principe a été consacré à plusieurs reprises par la loi et, en dernier lieu par le Conseil constitutionnel, pour justifier les aides publiques à la presse, au nom de la défense du pluralisme.
Au fil des décennies, le soutien de l'Etat à la presse a abouti à une politique complexe qui poursuit des objectifs multiples et qui juxtapose de nombreuses aides, directes, sur crédits budgétaires, et indirectes, sous forme d'avantages fiscaux ou - ce qui est moins connu - d'exonérations sociales non compensées par l'Etat et donc prises en charge par le régime général de la sécurité sociale. Cette accumulation d'aides hétérogènes s'est encore accentuée depuis les états généraux de la presse écrite de 2008, avec la mise en oeuvre d'un plan exceptionnel d'aide à la presse sur la période 2009-2011 dont on n'est pas véritablement sorti.
Les aides directes qui s'imputent principalement sur le programme 180 « Presse » du ministère de la culture et de la communication concernent aussi bien la diffusion (308 millions d'euros en 2013) et le soutien au pluralisme (12 millions d'euros) que la modernisation (75 millions d'euros). Il faut également mentionner les crédits versés à l'Agence France-Presse (120 millions d'euros) qui mêlent encore indistinctement l'achat d'abonnements par l'Etat - 350 à ce jour - et la compensation des missions d'intérêt général assumées par cette agence d'envergure mondiale - mais cette situation est appelée à évoluer à l'issue des négociations avec la Commission européenne. En tout, on peut recenser près d'une quinzaine de dispositifs sur le programme 180.
S'y ajoutent les financements émargeant sur d'autres programmes budgétaires. C'est le cas de l'aide au transport postal qui, sans réelle justification, était pour partie financée jusqu'en 2012 par le programme 134 « Développement des entreprises et des services » relevant du ministère de l'économie et des finances. Cette aide est, depuis la loi de finances initiale pour 2013, rattachée au programme 180, conformément aux recommandations formulées par la Cour dans ses notes d'exécution budgétaire. On peut aussi mentionner le plan d'accompagnement social IMPRIME financé par le programme « Anticipation des mutations économiques et développement de l'emploi » géré par le ministère chargé des affaires sociales à hauteur de 19,5 millions d'euros.
Au total, cet ensemble de dépenses budgétaires s'élève, en 2013, à 534 millions d'euros.
Au-delà de ces aides directes, un ensemble d'aides indirectes bénéficie également à la presse écrite. La principale aide est constituée par le taux préférentiel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à 2,1 % qui est appliqué à la presse écrite, la presse en ligne étant imposée au taux de normal de 19,6 % qui sera porté à 20 % au 1er janvier 2014. Si cette mesure bénéficie in fine aux lecteurs, elle constitue de toute évidence une aide au secteur de la presse en abaissant le prix de vente des journaux, même si cette appréciation est parfois contestée. Son coût pour l'Etat se situe autour de 200 millions d'euros lorsqu'on le rapporte au taux réduit de TVA à 5,5 %, méthode de calcul adoptée dans les documents budgétaires (dans le fascicule des voies et moyens), mais serait proche du milliard d'euros si on le rapportait au taux normal de TVA à 19,6 %.
Il faut, par ailleurs, mentionner plusieurs mesures fiscales anciennes qui font l'objet d'évaluations insuffisantes de leur coût comme de leur efficacité et qui suscitent certaines interrogations quant à leur légitimité.
Ainsi, lors du remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, l'exonération dont bénéficient les entreprises de presse, comme c'était déjà le cas pour la patente, a été reconduite sans réexamen de sa pertinence, et son coût n'a jamais fait l'objet d'une évaluation et demeure donc inconnu.
Les deux mesures existantes en faveur de l'investissement dans les entreprises de presse, inférieures chacune à un million d'euros en dépenses fiscales, s'avèrent de ce fait même très peu utilisées, et leur efficacité n'a fait l'objet d'aucune étude d'impact.
Enfin, l'abattement fiscal bénéficiant aux journalistes ne fait l'objet d'aucune estimation officielle de son coût, même si les services de l'Etat ont pu, dans le cadre de l'enquête de la Cour, l'estimer à 60 millions d'euros. De plus, les justifications de cette mesure très ancienne, restée inchangée depuis 1998, sont devenues plus incertaines tant au regard des conditions d'exercice du métier, y compris la protection des sources, que du principe d'égalité devant l'impôt au sein de la profession comme à l'égard des autres salariés.
Ces évaluations approximatives ou manquantes empêchent donc un chiffrage exhaustif et précis de la politique d'aide à la presse. Sur la base des seuls chiffrages fiables existants, elle mobilise au moins 700 millions d'euros et plus de 1,5 milliard d'euros si, comme précédemment mentionné, on se réfère au taux normal de TVA. En tout état de cause, si la plupart des autres pays comparables présentent des dispositifs de soutien à la presse, principalement sous la forme de taux préférentiels de TVA, la France se distingue à la fois par l'extrême diversité et le caractère massif des aides à ce secteur économique ; le président Marini a évoqué la question de la problématique de la dépendance de ce secteur au regard de l'aide publique.
Au vu des montants engagés, la politique de l'Etat en faveur de la presse écrite place les éditeurs de presse et les acteurs majeurs du système de distribution (société Presstalis, marchands de journaux) dans un état de dépendance vis-à-vis du soutien public, au point de représenter 7,5 % du chiffre d'affaires des entreprises de presse sur la base des seules mesures officiellement chiffrées. Cette dépendance se mesure tant par la multiplication, depuis une dizaine d'années, de mesures exceptionnelles de soutien, que par le montant élevé d'aide apporté par l'Etat à chaque exemplaire diffusé, comme le montre le tableau qui figure à la page 40 du rapport de la Cour.
A cet égard, il faut rappeler que la mise en oeuvre du plan d'aide 2009-2011 a conduit à un quasi-doublement des dépenses budgétaires : 324 millions d'euros en 2009 contre 165 millions d'euros en 2008 sur le programme 180 « Presse », hors abonnements de l'Etat à l'Agence France-Presse. Ce plan constituait un effort massif mais exceptionnel et limité dans le temps. Or les baisses intervenues depuis 2012 dans le cadre de l'actuelle programmation budgétaire triennale n'ont pas permis, loin de là, de revenir à la situation antérieure au plan d'aide 2009-2011. En 2013, à périmètre constant, c'est-à-dire en neutralisant les effets du transfert des crédits du programme 134, les crédits ouverts sur le programme 180 « presse » restent supérieurs de plus de 72 millions d'euros à ceux ouverts en 2008, alors que le plan de relance a, lui, été entièrement exécuté.
Les arbitrages à rendre sur le niveau pertinent des dépenses budgétaires et fiscales en faveur de la presse s'inscrivent nécessairement dans le cadre des contraintes de retour à l'équilibre des comptes publics.
Au terme de ce premier constat, la Cour formule les principales recommandations suivantes : estimer le coût de l'exonération de contribution économique territoriale ; évaluer la pertinence des deux mesures fiscales relatives aux investissements dans les entreprises de presse et les supprimer si leur efficacité n'est pas démontrée ; réexaminer les justifications du régime de l'abattement pour frais professionnels des journalistes ; procéder à la juste évaluation des missions d'intérêt général de l'AFP et au réexamen du nombre et de la nature des abonnements de l'Etat à l'AFP.
Le deuxième grand constat est que, pour coûteuses qu'elles soient, les aides à la presse n'ont pas réellement démontré leur efficacité. De nombreux facteurs inhérents à cette politique contribuent à expliquer ces résultats décevants par rapport aux objectifs poursuivis et aux moyens engagés. Ces constatations portent sur les trois grands ensembles d'aides directes à la presse : les aides à la diffusion et à la distribution, les aides au pluralisme et les aides à la modernisation.
Les aides à la diffusion et à la distribution de la presse, qui visent à réduire son coût d'acheminement vers les lecteurs, présentent en premier lieu des contradictions majeures entre les objectifs poursuivis, dont l'exemple le plus frappant concerne l'aide au portage et l'aide au transport postal. De l'avis général, l'acheminement par des porteurs est plus rapide que l'acheminement par voie postale et donc mieux adapté aux délais très contraints de distribution de la presse quotidienne, notamment pour les abonnés (puisqu'ils peuvent trouver leur journal dès 6h30 dans leur boîte aux lettres). A la suite des états généraux, l'Etat a donc logiquement fait du développement du portage une priorité et accru son aide de plus de 60 millions d'euros.
Pour atteindre cet objectif, il aurait fallu baisser parallèlement l'aide au transport postal afin de permettre une substitution progressive du portage au postage. Or, de manière peu cohérente, l'Etat a non seulement maintenu un niveau élevé d'aide au transport postal à hauteur de 242 millions d'euros de 2009 à 2011, mais il a aussi accepté le principe d'un moratoire qui a retardé d'un an la hausse des tarifs postaux et coûte de l'ordre de 25 à 30 millions d'euros chaque année. Cette contradiction n'est toujours pas levée en 2013 : bien que la priorité au portage demeure, l'aide qui lui est consacrée a été ramenée à 37,6 millions d'euros alors que l'aide au transport postal, moratoire inclus, avoisine encore les 250 millions d'euros.
Circonstance aggravante, les modalités d'attribution de l'aide au portage ont été mal conçues en 2009, de telle sorte que l'aide a surtout bénéficié aux entreprises qui recouraient déjà au portage, en particulier la presse quotidienne régionale, alors que l'Etat souhaitait surtout développer le portage de la presse quotidienne nationale, encore trop limité. Les chiffres sont éloquents, en 2009 et 2010, la presse régionale a reçu près de 80 % de l'aide contre 20 % seulement pour la presse nationale.
Si ce défaut de calibrage initial a été corrigé, le débat demeure sur les modalités d'attribution et de calcul de l'aide au portage, en particulier sur la répartition des crédits entre une aide fondée sur le nombre total d'exemplaires portés (c'est-à-dire l'aide au stock) et une aide fondée sur la progression annuelle du nombre d'exemplaires portés (appelée aide au flux). On peut observer que les différentes familles de la presse quotidienne ont, à cet égard, des points de vue différents.
L'ensemble de ces facteurs explique notamment la progression modeste du portage au regard des montants engagés et des objectifs annoncés lors des états généraux.
La politique de soutien de l'Etat à la diffusion et à la distribution de la presse présente d'autres défauts majeurs. Alors que l'Etat revendique une neutralité de son intervention afin de ne pas influer sur les choix faits par les éditeurs de presse, l'enquête de la Cour a montré qu'elle bénéficie plus à certains titres qu'à d'autres en fonction des modes d'acheminement que ceux-ci ont privilégiés.
La juxtaposition, sans aucune cohérence d'ensemble, de dispositifs d'aide conçus à des périodes différentes avec des modalités d'attribution très diverses, conduit en effet à rendre tel mode de transport plus intéressant qu'un autre, indépendamment de toute logique économique. Elle a, en outre, pour effet de ne pas inciter les entreprises à opérer des choix rationnels, par exemple en mutualisant leurs réseaux.
Cette politique conduit enfin à des situations de déficits structurels comme ceux constatés dans les comptes de La Poste où la mission de service public de transport de la presse occasionne encore un déficit de plus de 280 millions d'euros en 2012.
S'agissant maintenant du deuxième grand ensemble d'aides, les aides au pluralisme, qui passent principalement par un ciblage des aides sur la presse d'information politique et générale, des défauts persistent et réduisent leur efficacité.
L'enquête de la Cour a ainsi constaté que les modalités de calcul de l'aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires, qui bénéficie principalement à quatre titres nationaux - vous trouverez le détail dans l'enquête de la Cour - étaient déconnectées du nombre d'exemplaires diffusés comme de leur pourcentage de recettes publicitaires.
Autre constat de la Cour, le ciblage des aides sur la presse d'information politique et générale reste insuffisant, en particulier en matière de bonifications de tarif de transport postal, et conduit donc à une dispersion des moyens engagés par l'Etat. Est-il conforme à cet objectif de ciblage que les magazines de télévision bénéficient d'un taux bonifié proche de 60 % du tarif universel, ou plus largement, que 46 % de l'aide au transport postal, soit 100 millions d'euros, aille à des familles de presse qui ne présentent pas d'enjeu majeur au regard de l'objectif de préservation du pluralisme qui constitue la principale justification des aides de l'Etat ?
Enfin, s'agissant du dernier ensemble d'aides à la presse, les aides à la modernisation, les résultats sont pour le moins incertains puisque ces aides ont servi, par exemple, au financement d'achat de rotatives, alors même que décroît le lectorat sur support papier ; au développement de sites de presse en ligne consacrés à des pratiques sportives ou alimentaires, ou encore à l'achat de téléphones portables. En d'autres termes, ces aides paraissent avoir insuffisamment incité les entreprises à engager leurs nécessaires mutations technologiques dans un contexte général marqué par le développement de la presse sur support numérique. Ce phénomène est accentué par le fait que la presse en ligne ne bénéficie pas du même taux de TVA que la presse sur support papier, et les arbitrages récents du Gouvernement n'ont pas remis en cause cette situation.
Si les moyens importants engagés par l'Etat ont probablement permis d'atténuer quelque peu les effets de la crise, ils n'ont pas eu d'effet structurel notable. La crise de la presse persiste et tend même à s'accroître. Les difficultés aiguës de restructuration de la messagerie Presstalis, que le rapport analyse en détail, et la diminution du nombre de créations nettes de points de ventes de la presse, c'est-à-dire les marchands de journaux, en témoignent. Les données relatives à la diffusion de la presse au cours du premier semestre 2013 le démontrent également : par rapport à 2012, la plupart des titres de la presse nationale voient leur diffusion diminuer de 5 % à 14 %, ceux de la presse régionale de 4 % à 7 %, les magazines n'étant pas davantage épargnés avec des baisses pouvant dépasser les 20 %.
En donnant des signaux de prix contradictoires, en n'incitant pas à la constitution d'opérateurs du portage, en n'encourageant pas suffisamment les projets innovants concourant à l'émergence d'un modèle économique viable, la politique publique n'a eu pour effet que de freiner ou de retarder les nécessaires évolutions technologiques. En effet, un double défi reste à relever pour les sites de presse en ligne : une tarification adaptée aux attentes des lecteurs en contenu et en images en s'inspirant des meilleures pratiques étrangères et une optimisation de leurs recettes publicitaires dans un marché devenu fortement concurrentiel.
Au terme de ces constats, la Cour formule les principales recommandations suivantes : encourager la transition du postage vers le portage ; réaliser une évaluation incontestable sur le coût réel pour La Poste de la mission de service public de transport de la presse et sur l'écart entre les tarifs du service public et ceux du service universel ; mieux moduler le calcul de l'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires en fonction du pourcentage de recettes publicitaires et du nombre d'exemplaires diffusés.
Le troisième grand constat est qu'en matière de gouvernance des aides à la presse, les ajustements récemment opérés restent encore insuffisants au regard des enjeux.
Bien que centrale, la question de l'amélioration de la gouvernance des aides à la presse n'a été abordée qu'à l'issue du plan d'aide 2009-2011, avec la publication du décret du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse.
Les mesures prises vont incontestablement dans le bon sens en renforçant les moyens de pilotage de l'Etat. A ce titre, elles accroissent la transparence sur le montant des aides allouées qui font désormais l'objet d'une publication sous une forme, il est vrai, encore perfectible. Comme le président l'a signalé, cette transparence n'est pas encore totale dans le cadre conventionnel qui régit désormais les relations entre l'Etat et les entreprises de presse. Elles instaurent également des démarches de contractualisation avec les bénéficiaires, ce qui constitue une étape indispensable pour renforcer la pertinence et le suivi des soutiens publics aux entreprises de presse. Enfin elles mettent en place une globalisation des aides à la modernisation de la presse, en fusionnant plusieurs dispositifs qui faisaient l'objet d'une gestion trop cloisonnée.
Toutefois, à la date d'achèvement de l'enquête de la Cour, ces mesures n'étaient que très partiellement mises en oeuvre.
Des lacunes importantes persistent, tout particulièrement dans le domaine du contrôle et de l'évaluation des aides allouées, mais aussi des indicateurs. Les anciennes commissions de contrôle des aides à la modernisation ont été supprimées, sans que soit encore formalisé un cadre institutionnel et méthodologique pour pallier une telle carence.
De plus, l'Etat ne dispose encore que de données lacunaires pour appréhender la situation économique du secteur de la presse et pour mesurer l'impact de la transition technologique vers le numérique. Des progrès en matière de transparence sont encore indispensables pour permettre à l'Etat de pouvoir réellement apprécier l'efficacité de son soutien au secteur de la presse.
Au terme de ce troisième grand constat, la Cour formule les principales recommandations suivantes : rendre public le montant annuel des aides accordées à chaque titre de presse, en consolidant l'ensemble des financements ; approfondir la contractualisation ; mettre en oeuvre des procédures effectives d'évaluation et de contrôle ; réaliser périodiquement des études permettant d'apprécier les niveaux de rentabilité respectifs des différentes familles de presse.
Au-delà de ces constats et des 14 recommandations que nous formulons, la Cour appelle à une réflexion à moyen terme dont les quatre axes de réforme présentés en Conseil des ministres, le 10 juillet 2013, par la ministre de la culture et de la communication, constituent, à notre avis, la première étape.
Le rapport propose, en conclusion, des orientations qui visent à remédier de manière plus structurelle aux faiblesses de la politique publique en faveur de la presse écrite.
L'objectif que la Cour propose de poursuivre est, à la fois, de simplifier cette politique en réduisant fortement le nombre de dispositifs ; de mieux maîtriser les dépenses que celle-ci entraîne, dans un contexte contraint pour l'Etat, en rappelant notamment le caractère exceptionnel et limité dans le temps de l'effort financier consenti par l'Etat de 2009 à 2011 ; de centrer les soutiens publics sur les deux objectifs majeurs, que sont, d'une part, la préservation du pluralisme qui conduit à concentrer l'aide sur la presse d'information politique et générale, cette famille de presse étant de surcroît la plus fragile sur le plan économique ; et d'autre part, la modernisation, les projets devant être soutenus, non pas en fonction des intérêts particuliers des entreprises, mais dans le souci d'inciter l'ensemble de la filière de la presse à assumer sa transition technologique.
Afin de donner corps à ces orientations, le présent rapport suggère, sous la forme d'un schéma-cible, une nouvelle architecture des aides à la presse qui s'articulerait autour de quatre mesures, deux aides indirectes et deux aides directes. Les dispositifs fiscaux dont la pertinence ne serait pas établie devraient être remis en cause, hormis le taux préférentiel de la TVA qui devrait être étendu à la presse en ligne et à l'exonération ancienne de contribution économique territoriale, dont il faudrait évaluer le coût avec précision ; les aides à la distribution et à la diffusion seraient supprimées, en raison de leur manque de cohérence globale, au profit d'un fonds de soutien au pluralisme qui serait exclusivement dédié à la presse d'information politique et générale, le soutien de l'Etat en faveur de cette famille prioritaire n'étant dès lors pas affecté par les réductions budgétaires ; une partie des économies dégagées dans le cadre de cette réforme (entre 135 et 150 millions d'euros selon les hypothèses retenues) pourrait, outre l'abondement du nouveau fonds de soutien au pluralisme, être réinvestie dans le fonds stratégique pour le développement de la presse dont l'impact en faveur de la modernisation se trouverait ainsi renforcé.
Le schéma de réforme proposé par la Cour pourrait être mis en oeuvre dans un délai de trois à cinq ans, cet horizon étant indispensable pour permettre aux acteurs économiques de s'y préparer, compte tenu du contexte de crise et de mutation auxquels ils sont confrontés. Il n'impliquerait nullement la remise en cause des mesures récemment annoncées dont il constituerait, au contraire, un prolongement logique.
Au terme de cette présentation du rapport de la Cour, nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.