Je remercie le Président Patrick Lefas et ceux qui, à la Cour des comptes, nous ont éclairé sur une politique essentielle à la démocratie mais qui présente des problèmes structurels. Je suis rapporteur spécial de cette mission depuis quinze ans, les difficultés sont toujours les mêmes et je constate que rien n'a vraiment changé, sauf la stratification continue des dispositifs d'aides nouvelles créées pour éteindre un incendie dans telle ou telle catégorie de presse.
Tout le dispositif des aides à la presse est né après la Seconde guerre mondiale, pour faire renaître notre démocratie - je pense notamment à la loi Bichet de 1947. Mais cette aide au pluralisme ne représente que 12 millions d'euros ! Or, c'est toujours cette justification que l'on met en avant. Pourtant, les difficultés et les rigidités du secteur sont profondes, qu'il s'agisse de la production, les concentrations n'ayant pas eu lieu, du transport - notamment du transport via La Poste, qui représente 60 % de la diffusion - et de la modernisation, la révolution numérique ne faisant que commencer. Sur ce dernier point, la presse française est en retard par rapport à nos voisins : certains journaux, qui restent en dehors du numérique, risquent de disparaître car la jeune génération lit de moins en moins la presse papier.
Au total, notre presse réussit le tour de force d'être à la fois la plus aidée et la plus en difficulté en Europe. Il y a un problème existentiel pour certains titres, mais aussi pour le transport. Ce n'est pas qu'une question financière, l'enjeu est de conserver une presse francophone de qualité.
Je remercie à nouveau la Cour dont le travail nous permet de sortir de « l'impressionnisme » et de donner une vision à la fois globale et précise de la situation.
La Cour relève plusieurs incohérences dans le dispositif actuel : pourquoi la presse quotidienne régionale (PQR) bénéficie-t-elle de quatre fois moins d'aides que la presse nationale ?
Par ailleurs, en 2008, nous avions décidé de faire arriver le journal avant le petit-déjeuner pour tous les Français, où qu'ils soient : il s'agissait donc de développer les aides au portage, que la PQR avait déjà anticipé. Mais ce plan n'a pas eu les effets escomptés : les marchands de journaux sont toujours incontournables pour accéder à la presse nationale, les synergies n'ont pas été trouvées, mais les dispositifs mis en place sont coûteux, sans que l'aide au postage n'ait été réduite !
De surcroît, l'aide au pluralisme représente peu de choses mais elle constitue un aspect symbolique du dispositif. Enfin, s'agissant des aides à la modernisation, la Cour nous montre qu'elle a été utilisée pour l'achat de machines - ou de téléphones portables ! - alors qu'elle avait été conçue pour assurer la transition numérique.
Au total, comment les représentants de la presse ici présents voient-ils l'avenir de leur métier ?
Aux pouvoirs publics, je voudrais demander quelle est la cohérence à créer un fonds stratégique pour le développement économique de la presse pour rationaliser l'ensemble du dispositif d'aide, mais sans l'abonder - ou trop peu ?
Nous sommes, je le crois, à un tournant et il faut donner plus d'efficacité au milliard d'euros d'aides à la presse, faute de quoi nous aurons bientôt une presse écrite à Londres ou à New York et traduite par une machine en français...