Monsieur le président, madame le ministre de la défense, monsieur le ministre délégué à l'aménagement du territoire, mes chers collègues, l'existence d'une mission interministérielle « Sécurité » rassemblant la police nationale, qui relève du ministère de l'intérieur, et la gendarmerie nationale, qui dépend du ministère de la défense, ne fait plus l'objet de discussions aujourd'hui.
Le directeur général de la police nationale et le directeur général de la gendarmerie nationale, que j'ai entendus ensemble, ont répondu à l'unisson à la quasi-totalité de mes questions. Une telle attitude me paraît très constructive et très positive.
Pourtant, cette mission, que j'ai souhaitée en accord avec la commission des finances, n'a pas été acquise d'emblée. C'est dire le chemin parcouru. Il faut donc se féliciter de ce que le Gouvernement ait suivi nos préconisations.
L'année dernière, j'avais marqué mon vif étonnement devant le fait que police et gendarmerie soient dotées d'indicateurs de performance différents, alors que ces forces concourent à la même politique de sécurité publique.
Procédant à une analyse d'ensemble des objectifs et indicateurs de performance, au mois de mars dernier, le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, avait réclamé avec beaucoup d'insistance l'harmonisation nécessaire.
Force est de constater, en examinant les objectifs et indicateurs de performance présentés pour la police comme pour la gendarmerie, qu'un effort d'harmonisation sensible a enfin été accompli en ce qui concerne tant l'intitulé des actions de chacun des programmes que la mesure de la performance. Je regrette néanmoins le nombre excessif d'indicateurs de performance : vingt-cinq pour le programme « Police nationale », vingt et un pour le programme « Gendarmerie nationale ».
J'en viens maintenant aux questions spécifiques au programme « Police nationale ».
La loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure, la LOPSI, a prévu sur cinq ans, de 2003 à 2007, la création de 6 500 emplois, soit en moyenne 1 300 emplois par an. Sur les trois premières années, l'objectif a été pleinement atteint et il le sera encore en 2006.
Tout en me réjouissant de l'application fidèle de la LOPSI en matière de personnel, je n'oublie pas que la mission « Sécurité » bénéficie en la matière d'un « privilège » certain, lié à la priorité que le Gouvernement a assignée à la sécurité publique. Toutefois - et j'insiste sur ce point -, l'effort consenti par les contribuables pour le renforcement des forces de sécurité doit se traduire par des progrès tangibles en termes d'efficacité. Une mesure fiable de la performance est donc nécessaire.
En toutes choses, il conviendrait, pour trouver un équilibre efficace, d'écarter le dogmatisme au profit du pragmatisme. L'essentiel tient dans la performance, pas dans le dogme. Cela est particulièrement vrai s'agissant de la police de proximité. Sur ce sujet, les récentes violences urbaines semblent avoir relancé le débat.
La réponse à ces événements ne saurait se limiter à une augmentation mécanique des moyens, y compris en personnel. Les interrogations soulevées ne se réduisent d'ailleurs pas à la stricte sécurité, même si celle-ci y tient évidemment une part très importante.
En matière de violence urbaine, je me suis interrogé, sans idée préconçue, sur la place de la police de proximité : il me semble que l'équilibre nécessaire n'a pas encore été trouvé. Une réflexion approfondie et une large concertation doivent être engagées avec la plus grande ouverture d'esprit, pour déterminer la place qui doit être donnée à cette police. La sécurité est le seul objectif qui doit prévaloir.
À cet égard, je considère comme une démarche pragmatique l'annonce faite par le Gouvernement de constituer prochainement des compagnies républicaines de sécurité, les CRS, affectées à une zone urbaine, assimilables à une « CRS de proximité ».
L'expérience des groupements d'intervention régionaux, les GIR, est très positive. Chaque groupement, y compris sa hiérarchie, réunit à parité des policiers et des gendarmes. Il est mis temporairement à la disposition d'un service de police ou de gendarmerie, afin d'apporter un appui logistique et de permettre une meilleure coordination entre les acteurs. Il intervient, en principe, sur l'initiative conjointe du préfet et du procureur de la République.
Les GIR ont contribué, de manière décisive, à améliorer la coopération entre les forces de sécurité. Ils ont constitué une excellente préfiguration, sur le terrain, de la mission interministérielle « Sécurité ».
Du fait de l'existence de deux réseaux distincts de communication, ACROPOL pour la police et RUBIS pour la gendarmerie, les GIR disposent d'équipements qui leur permettent d'accéder sans difficulté, paraît-il, aux deux systèmes. Les directeurs généraux estiment que, compte tenu de l'importance des engagements financiers en cause, il n'est pas souhaitable d'envisager dès maintenant une fusion de ces deux réseaux, même si un tel objectif sera prioritaire lorsque viendra le moment de les renouveler. Selon les directeurs généraux, les inconvénients incontestables de cette regrettable dualité ne constituent jamais un obstacle à l'interopérabilité des forces de sécurité.
Le fichier national automatisé des empreintes génétiques, le FNAEG, opérationnel depuis 2001, témoigne du passage d'une culture de l'aveu à une culture de la preuve. Selon le ministère de l'intérieur, au 1er juin 2005, près de 80 500 profils se trouvaient enregistrés dans la base. En 2006, l'objectif est de saisir 20 000 entrées par mois. Je rappellerai qu'au Royaume-Uni ces chiffres sont beaucoup plus élevés, puisque, aujourd'hui, 2 900 000 empreintes y sont enregistrées.
S'agissant des caméras présentes sur les voies publiques, la France en compte 326 000, contre vingt-cinq millions pour le Royaume-Uni. Une augmentation sensible du nombre de ces caméras est absolument indispensable, pour permettre, avec des effectifs allégés, de dissuader les délinquants et de rassurer nos concitoyens.
J'ai constaté, avec surprise, que la police des étrangers faisait l'objet d'une action spécifique au sein du programme « Police nationale », mais non dans le programme « Gendarmerie nationale ». Il est évident que cette action doit être identifiée de la même manière dans les deux programmes de la mission.
S'agissant des indicateurs de performance afférents à cette action propre à la police nationale, il m'a semblé que celui relatif au nombre d'étrangers en situation irrégulière éloignés du territoire, en application d'une mesure administrative ou d'une décision judiciaire, bien qu'il apporte d'intéressantes informations, ne mesure pas pleinement l'efficacité des services, mais plutôt leur activité.
Je propose donc, comme indicateur de la performance en ce domaine, le taux d'exécution des mesures administratives et des décisions judiciaires d'éloignement du territoire ; nous pourrions alors apprécier pleinement le taux de réponse apportée à la question posée, celle de l'éloignement effectif des personnes pour lesquelles une telle décision a été prise.
J'aborde, enfin, les questions relatives au programme « Gendarmerie nationale ». La LOPSI a programmé la création de 7 000 emplois dans la gendarmerie nationale sur la période 2003-2007. Une prévision annuelle, cohérente avec l'enveloppe allouée en masse, a été établie, qui prévoit une montée en puissance au fil des ans. Il apparaît que le retard enregistré, en 2005, par rapport aux prévisions, sera partiellement rattrapé, en 2006, avec la création de 2 000 emplois. La réalisation des prévisions de la LOPSI supposera la création de 1 900 postes en 2007, ce qui paraît possible.
Certains problèmes de frontière subsistent entre les programmes « Gendarmerie nationale » et « Soutien de la politique de la défense », ce dernier appartenant à la mission « Défense ».
Des crédits importants, qui concourent à l'action de la gendarmerie nationale, en particulier ceux qui sont consacrés au logement des gendarmes, relevaient dans le projet de loi de finances initial pour 2006 des moyens de la mission « Défense ». Sur l'initiative du Gouvernement, l'Assemblée nationale a transféré, par voie d'amendements, ces financements vers la mission « Sécurité ».
Inversement, les crédits de personnels de la gendarmerie du transport aérien, la GTA, figurent dans le programme « Gendarmerie nationale », alors que les dépenses de fonctionnement et d'investissement qui la concernent se trouvent, elles, dans la mission « Transports ». Quant à l'action « Exercice des missions militaires des gendarmes », qui apparaît dans le programme « Gendarmerie nationale », elle gagnerait peut-être à figurer dans la mission « Défense ». Il me semble donc qu'une analyse d'ensemble de ces questions de périmètre budgétaire doit être entreprise à l'échelon interministériel.
La sécurité constitue une demande majeure de nos concitoyens et une priorité pour le Gouvernement. C'est la raison pour laquelle la commission des finances demande au Sénat d'adopter les crédits prévus pour la mission « Sécurité ».