Que pense M. le ministre de l'intérieur de cette situation, lui qui a proclamé la tolérance zéro, lui qui se targue de résultats très positifs en matière de baisse de la délinquance ? Ne serait-il pas souhaitable d'arrêter de faire des calculs et de donner des pourcentages au jour le jour, en se glorifiant de résultats ou en les critiquant ? Surtout, ne faudrait-il pas qu'un organisme indépendant établisse, à partir de critères transparents et surtout très stables, de telles statistiques qui seraient publiées périodiquement ?
Si tout le monde parlait le même langage et prenait en considération les mêmes données, cela permettrait peut-être d'éviter certains propos contestables, qu'il est arrivé à M. le ministre de l'intérieur - absent, je le répète - de tenir et qui furent démentis par la suite. Il est vrai qu'il est spécialiste en la matière !
Dernièrement, devant la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, dont je fais partie, il a fait une déclaration tout à fait humaniste sur la nécessité d'accueillir dans de bonnes conditions les populations étrangères. C'était bien ! Il a ajouté que la misère de nombre d'étrangers illégalement installés en France était dangereuse, ce qui est également vrai. Mais il a aussitôt affirmé qu'on l'avait bien vu lors des troubles des banlieues, donnant à penser qu'un grand nombre de participants étaient étrangers, ce qui est faux.
Par ailleurs, au lendemain des émeutes, il a déclaré que 80 % des personnes interpellées étaient connues pour avoir commis des faits de délinquance. On peut en déduire que c'était bien « la racaille » dont il avait parlé. Or, les chiffres publiés par les parquets de Bobigny et de Créteil démontrent l'inverse. La plupart des mineurs interpellés étaient inconnus des tribunaux. De même, après enquête approfondie, les journaux ont tous démontré que les délinquants connus n'ont pas participé aux émeutes. De surcroît, nombre de personnes déférées étaient en apprentissage, ce qui laisse rêveur quant à l'amalgame et à l'apprentissage à quatorze ans, présenté comme une solution, sinon la solution.
Monsieur le ministre, dans le Parisien de ce matin, cinquante questions sont adressées au Président de la République par des lecteurs.
L'un d'entre eux, boulanger aux Mureaux et qui donne son nom, a évoqué la police de proximité dans ces termes : « Auparavant, les agents passaient au moins deux fois par jour ; aujourd'hui on voit rarement les forces de l'ordre dans le quartier. Un bureau de police a été aménagé voilà moins d'un an à l'entrée des quartiers sensibles de la ville. Mais, à cause d'un manque d'effectif, il fonctionne au ralenti alors que le ministre de l'intérieur s'était engagé à donner des moyens supplémentaires aux Mureaux. Les agents prennent le temps de dialoguer avec les jeunes. Des policiers qui viennent de l'extérieur ont une approche différente. »
Nous connaissons une situation difficile. La police de proximité doit être réhabilitée. On ne peut pas opposer prévention et répression. Les deux systèmes doivent coexister. Tous les syndicats nous ont dit que l'instauration de la police de proximité était une bonne idée et qu'elle avait échoué en partie faute de moyens, ce qui est encore plus le cas aujourd'hui.
Je pense que l'absence du ministre de l'intérieur ce matin dans cet hémicycle tient à ce manque de moyens. S'il était parlementaire, il n'aurait pas voté ce budget. Les membres du groupe socialiste ne le feront pas eux non plus.