En tout état de cause, nous continuons à respecter l’avis conforme du Conseil supérieur de la magistrature. Par conséquent, la garantie d’indépendance que nous apportons à tous les procureurs sera la même pour le nouveau procureur financier.
En outre, comme vous vous en souvenez, le Parlement a adopté un projet de loi ayant pour objet d’interdire les instructions individuelles de l’exécutif aux magistrats. Une telle interdiction, qui figure désormais dans le code de procédure pénale, permet également d’apporter des garanties quant à l’indépendance du procureur financier, comme des autres procureurs.
Si vous adoptez le projet de loi organique, le procureur financier relèvera de l’ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature, ce qui lui permettra d’occuper son poste durant sept ans, à l’instar de tous les procureurs de la République.
Une procédure d’habilitation introduite dans le texte par votre commission en première lecture permettra au président de la cour d’appel de Paris de désigner les magistrats qui pourront travailler auprès du procureur financier. Cette disposition existe déjà et fonctionne très bien avec nos juridictions interrégionales spécialisées, ou JIRS, dans la lutte contre la corruption et contre certaines formes de criminalité organisée. Le président de la cour d’appel consultera le président du tribunal de grande instance, ainsi que la commission restreinte de l’assemblée générale des magistrats.
Ainsi, toutes les garanties sont apportées, et des moyens seront mobilisés. Le projet de loi de finances pour 2014, qui vous sera bientôt soumis, prévoit la création de vingt-cinq postes de magistrats spécifiquement dédiés au parquet financier.
Les décrets d’application sont déjà en préparation, ainsi que j’en avais pris l’engagement au Sénat. Ils s’enrichissent évidemment de vos travaux et des observations que vous formulez au cours des débats. Les décrets d’application pourront être publiés très rapidement après la promulgation du texte. Cela nous permettrait de respecter le délai fixé à l’article 22 du projet de loi, qui prévoit la mise en place du parquet financier au mois de février 2014.
Nous reviendrons peut-être sur de telles mesures lors de l’examen des amendements, mais je tenais à vous en rappeler les grandes lignes, car elles sont de nature à rassurer tous ceux qui, de bonne foi, se montrent inquiets sur le fonctionnement du parquet financier.
Un autre sujet fait débat, et nous y reviendrons également lors de la discussion des articles. Je fais référence à la possibilité accordée à des associations agréées de se constituer partie civile. Lors de l’examen du texte en première lecture par votre Haute Assemblée, certains sénateurs ont exprimé des inquiétudes à cet égard. J’aimerais vous rappeler deux éléments.
D’une part, il s’agit d’associations dont l’objet social a prévu la lutte contre la corruption. D’autre part, au mois d’octobre 2012, lorsque j’avais répondu officiellement, au nom du Gouvernement, à l’OCDE, à la suite de son rapport sur la lutte contre la corruption, j’avais pris l’engagement d’introduire dans notre code pénal les dispositions qui enrichiraient l’arsenal répressif contre ces types d’infractions, mais également à permettre aux associations de se constituer partie civile pour déclencher l’action publique.
Cette dernière disposition, que nous avons introduite dans le texte, est conforme à la jurisprudence récente de la Cour de cassation, qui a permis à une association de déclencher l’action civile, sur la base de trois critères : la crédibilité de l’association, son objet social et le fait qu’elle ait plus de cinq ans d’activité. Les associations qui seront investies de la possibilité ouverte par le projet de loi y répondront. Leur agrément sera accordé dans des conditions transparentes et rigoureuses, énoncées dans un décret en Conseil d’État. Il s’agira pour ces associations de pouvoir déclencher l’action publique pour des infractions qui seront évidemment définies très précisément et qui concernent le contenu du texte de loi.
Je me souviens que certains sénateurs – je pense par exemple à M. Hyest – avaient émis des doutes quant au fait même d’introduire dans notre droit la possibilité pour des associations de déclencher l’action civile.
Toutefois, en vertu des articles 2-1 à 2-22 du code de procédure pénale, les associations peuvent déjà déclencher l’action publique lorsque le ministère public ne l’a pas fait. Il en est ainsi des associations qui luttent contre les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, mais également, par exemple, contre la pédopornographie. Ainsi, dans plusieurs cas où la victime n’est pas clairement identifiée ou bien peut être identifiée à la société elle-même, le droit permet déjà que des associations puissent se constituer partie civile et déclencher l’action publique. Il en va de même pour toute une série de sujets comme la protection de l’environnement ou la lutte contre les discriminations. Voilà qui vous montrera, je pense, la grande diversité des situations dans lesquelles l’action publique peut être déclenchée par des associations.
Le fait de reconnaître à ces associations le droit d’ester en justice et de se constituer partie civile n’interdit évidemment pas au ministère public de déclencher l’action publique. Le fait que des associations puissent se constituer partie civile est conforme à l’esprit qui a présidé à la rédaction du projet de loi. Je vous renvoie aux dispositifs que vous avez déjà adoptés pour la protection des repentis ou des lanceurs d’alerte. L’objectif est le même : favoriser la lutte contre les actes délictueux. Il est donc cohérent, étant donné que vous avez déjà accepté les dispositions en faveur des repentis et des lanceurs d’alerte, de permettre aux associations de se constituer partie civile et de déclencher l’action publique.
Nous approfondirons les éléments que je viens d’évoquer lors de la discussion des articles. Le Gouvernement est évidemment à votre disposition pour répondre à toutes vos interrogations.
Toutefois, je dois m’absenter quelques instants, et je vous prie de bien vouloir m’en excuser, car je suis tenue d’assister à la séance des questions au Gouvernement à l’Assemblée nationale. Mais mon collègue Bernard Cazeneuve, le ministre du budget, ici présent, assistera à la suite de la discussion générale commune.