Intervention de François Marc

Réunion du 8 octobre 2013 à 14h30
Lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière – procureur de la république financier — Adoption en nouvelle lecture d'un projet de loi et rejet en nouvelle lecture d'un projet de loi organique dans les textes de la commission modifiés

Photo de François MarcFrançois Marc :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui en nouvelle lecture est marqué par la persistance de divergences entre l’Assemblée nationale et le Sénat – cela vient d’être évoqué –, divergences portant avant tout sur la création du procureur de la République financier, sur le recours élargi aux « techniques spéciales d’enquête » et sur la possibilité pour les associations anti-corruption de se constituer parties civiles.

Les dispositions relatives à la lutte contre la fraude fiscale ont, au contraire, fait l’objet d’une large convergence de vues entre les assemblées, au-delà des clivages politiques. Leur nombre s’est d’ailleurs considérablement accru au fil de la procédure législative. L’Assemblée nationale et le Sénat, on l’a vu, ont adopté en termes identiques de nombreux articles renforçant les moyens de l’administration fiscale, les obligations déclaratives des contribuables et les sanctions qui s’y attachent. Nous nous sommes également accordés – je tiens à le souligner, car c’est important – sur le maintien du monopole de l’administration en matière de déclenchement des poursuites pour fraude fiscale. Ce point nous avait un peu séparés, mais nous sommes arrivés sur une position qui semble aujourd’hui acceptée.

Vingt articles touchant au domaine fiscal restent en discussion, dont huit ont été délégués par la commission des lois à la commission des finances. L’Assemblée nationale a apporté plusieurs améliorations rédactionnelles sur lesquelles je ne m’étendrai pas. Je m’attacherai plutôt à évoquer les éléments qui méritent discussion.

Le débat mérite de continuer sur la recevabilité des preuves d’origine douteuse ou illicite que l’administration pourrait utiliser à l’appui des procédures de contrôle fiscal et, le cas échéant, pour une visite domiciliaire. S’il est acquis – c’est une autre avancée importante de ce texte – que l’administration fiscale pourra désormais se baser sur des « listes » qui lui seraient transmises, il n’existe pas d’accord entre les deux assemblées sur les conditions précises de leur recevabilité.

En nouvelle lecture, l’Assemblée nationale a rétabli sa version du texte, consistant en une transmission dans le cadre de l’ensemble des droits de communication dont dispose l’administration fiscale, soit plus d’une quarantaine de procédures encadrées par la loi. La commission des lois est cependant revenue au texte d’origine, limitant la recevabilité des preuves aux seuls cas où elles seraient transmises par l’autorité judiciaire ou par un autre État.

À l’inverse d’une telle position, je dois rappeler ici que la commission des finances s’était déclarée en première lecture favorable à la possibilité d’avoir recours à « tout mode de preuve », sans condition de transmission régulière. Nous considérons en effet que seul un tel élargissement permettait l’exploitation d’une liste telle que la « liste HSBC », dont on a beaucoup entendu parler, qui pourrait être remise directement aux services fiscaux, sans transmission par un autre service ou une autre administration. C’est la raison pour laquelle je présenterai tout à l’heure un amendement en ce sens ; il est identique à celui qu’avait adopté la commission des finances en première lecture.

Par ailleurs, l’Assemblée nationale a supprimé trois articles de nature fiscale sur lesquels je souhaiterais appeler votre attention.

Le premier, que l’on doit à notre collègue Éric Bocquet faisait obligation aux grandes entreprises de fournir leur comptabilité analytique, afin de permettre un meilleur suivi de leur politique de prix de transfert.

Le deuxième, que l’on doit également à notre collègue Éric Bocquet, ainsi qu’au président de la commission des finances, M. Philippe Marini, porte sur la définition de l’abus de droit et vise à en étendre la portée.

Le troisième concerne un problème soulevé par notre collègue Jean Arthuis. Certains acteurs de la grande distribution perçoivent des « marges arrière » par le biais d’entités localisées à l’étranger, contournant à la fois leurs obligations commerciales et leurs obligations fiscales.

Les trois articles ont été supprimés par l’Assemblée nationale, pour des raisons non pas de fond – il s’agit de sujets majeurs et ces initiatives sont, me semble-t-il, excellentes –, mais de calendrier. Les prix de transfert seront traités en détail dans le projet de loi de finances pour 2014, que nous examinerons dans quelques semaines. Et un travail plus approfondi est nécessaire en amont sur l’abus de droit et les « marges arrière », comme l’a annoncé le ministre du budget en première lecture. Même si je salue de telles initiatives, j’estime qu’il est peut-être raisonnable de céder un peu de temps contre beaucoup d’efficacité et, dès lors, de ne pas voter sur ces dispositifs aujourd’hui.

Chacun le sait, les présents textes n’épuisent pas le sujet. La lutte contre la fraude et l’évasion fiscales progresse chaque jour, en France comme en Europe et dans le monde. Un consensus se forme au-delà des clivages politiques, comme en témoignent les travaux récents de plusieurs de plusieurs de nos collègues, à l’Assemblée nationale et au Sénat. Je pense notamment à MM. Éric Bocquet, Philippe Dominati et François Pillet. En deux mois, le dispositif de régularisation mis en place par le Gouvernement a donné de meilleurs résultats que toutes les initiatives précédentes. Cela montre que la fermeté en matière de lutte contre la fraude fiscale permet d’avancer, surtout au moment où chacun comprend que les zones d’ombres se font enfin de plus en plus rares.

Nous assistons ainsi à des progrès majeurs, ce qui requiert tout notre soutien et toute notre vigilance.

Nous demandons à nos concitoyens des efforts importants au service du redressement de nos comptes publics, efforts qui ne doivent pas souffrir d’exception. Ce sont souvent les fraudes les plus lourdes qui savent s’adapter à l’évolution des règles communes. Dans ces conditions, je ne doute pas que nous aurons l’occasion de revenir très vite sur le sujet, pour perfectionner et enrichir encore notre arsenal législatif, toujours avec la même détermination et, je l’espère, la même unanimité. §

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